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TRIBUNE LIBRE : Lettre aux tenants du pouvoir

TRIBUNE LIBRE : Lettre aux tenants du pouvoir
Jonas Moulenda
Jonas MOULENDA

Par : Jonas MOULENDA

Mesdames et Messieurs,

Depuis bientôt deux ans, je vous dérange avec mes philippiques. Je me suis toujours employé à m’adresser à vous sans agressivité, en usant d’ironie plutôt que d’indignation, d’humour plutôt que de véhémence. Mais vous vous vautrez dans vos vilénies. Je me vois désormais obligé de cogner plus fort sur vous, pour vous amener à changer vos modes d’intervention. « L’or a besoin d’être frappé pour avoir sa saveur », m’apprenait mon grand-père.

J’ai peur de ce que deviendra notre pays, parce qu’il manque cruellement de démocrates. Vous n’êtes qu’une bande de politicards qui conduisent le Gabon droit vers le précipice. Votre nombrilisme vous amène désormais à enfreindre les libertés individuelles. C’est ainsi que vous avez envoyé des voyous agresser Léon Paul Ngoulakia, samedi dernier, lors d’une réunion publique à Akébé, dans sa propriété privée. C’est une déclaration de guerre. Mon aïeul me prévenait que : « Si tu dis que l’anus de ton aîné est profond, ton petit-frère viendra piler du foufou dans le tien.»

Mesdames et Messieurs, la terreur ne saurait devenir un mode de gouvernance. Vous vous trompez sur toute la ligne. Le comportement que vous adoptez, aujourd’hui, aura des répercussions sur la cohésion sociale demain. Vous n’allez pas terroriser ad vitam aeternam les citoyens sans vous exposer à des représailles un jour. Même lorsque vous ne serez plus aux affaires, la piétaille vous règlera vos comptes. « Quand l’eau monte, les poissons mangent les fourmis. Quand l’eau baisse, les fourmis mangent les poissons », observait mon papy.

Au lieu de vous comporter en délinquants en costume, vous gagneriez à chercher des voies et moyens pour sortir notre pays de la crise dans laquelle il se trouve empêtré à cause de vous. La violence qui est devenue votre arme de dissuasion traduit votre mesquinerie et augure de la fin prochaine du régime qui vous a engraissés et donné les joues de cercopithèque. C’est parce que vous sentez votre déclin proche que vous agissez désormais à hue et à dia. Mon grand-père m’expliquait que « la tortue ne meurt pas dans le feu sans disperser les braises ».

Il y a une véritable lutte des classes aujourd’hui. D’un côté, des métèques libres et heureux d’avoir mis le grappin sur les finances publiques ; de l’autre, de pauvres nationaux tirant le diable par la queue. Les premiers se sentent plus épanouis que jamais pendant que les seconds redécouvrent les servitudes des gouvernants. Pour les premiers, le sentiment de conquête s’élargit, ils sont chez eux partout. Pour les seconds, ils sont détruits, ils ne sont plus chez eux nulle part.  C’est donc légitime qu’ils se cabrent contre vous. « Celui qui est content ne souffle pas sur le feu », disait mon aïeul.

Le malaise s’amplifie chaque jour, mais vous n’en avez cure. Au lieu de promouvoir la liberté, l’égalité, la fraternité, vous œuvrez pour le dévouement des exploités envers les exploiteurs. Vous rendez les fonctionnaires redevables envers vous pour les avoir intégrés dans l’administration, comme si le travail n’était pas un droit inaliénable reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Vous n’êtes qu’une bande de parvenus. Finalement, je donne raison à Paul-Jean Toulet, qui disait : « Les arrivistes sont des gens qui arrivent ; ils ne sont jamais arrivés. »

Au fil des jours, votre idéologie autocratique s’affirme avec une violence et une impudeur révoltantes. Vous appelez tous les citoyens à se dévouer corps et âme à votre régime dont la seule finalité est d’amasser les richesses les plus colossales possibles plutôt que de développer le pays. Qui peut aimer un tel pouvoir ? Pas beaucoup de gens, si l’on en juge par le discrédit général qui vous frappe. Si les gens ne vous accablent pas d’injures, c’est par respect de nos traditions ataviques. Mon papy me faisait comprendre que « c’est par respect qu’on attrape le pénis lorsqu’on se lave ».

Si la propagande de votre fameuse émergence ne convainc pas le grand nombre, elle n’en fait pas moins des ravages terribles. Elle est parvenue à censurer les colères et interdire l’espoir. Votre politique ne répand pas seulement la misère matérielle, mais également la misère spirituelle. Aucun homme ne peut vivre sans idée. Aucun individu ne pourrait, même s’il le voulait, se résigner à la pauvreté d’esprit que vous tentez d’inculquer aux Gabonais. Ceux-ci se dresseront toujours contre vous. D’ailleurs, mon grand-père me prévenait que « la vipère mord lorsqu’on lui marche dessus ».

Les citoyens qui pensent par la tête et non par le ventre, contrairement à vous, n’accepteront jamais la désertification intellectuelle, ainsi que les idées les plus frustes et les plus archaïques que vous voulez leur imposer. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que votre idéologie est la cause directe de la paupérisation des masses populaires à travers le pays. C’est pourquoi les citoyens choisissent la rupture pour ne pas être condamnés au désastre. « Celui qui refuse de traverser la rivière ne se noie pas », disait mon aïeul.

Quelle pudeur vous empêche de reconnaître que le pays va à vau-l’eau ? A quel degré de paralysie intellectuelle êtes-vous parvenus pour manquer d’honnêteté ? Il y a pourtant une différence fondamentale entre les idéologies xénophobes et l’affirmation de la lutte des classes. La xénophobie est un fantasme, tandis que l’oppression est une réalité chez nous. La méchanceté dont vous faites preuve à l’égard des faibles finira par faire naître un monstre qui vous dévorera. Mon papy m’avertissait que « celui qui tue l’antilope fait sortir la panthère ».

Vous êtes aveuglés, ignorants et malhonnêtes. Vous continuez de seriner la fable de l’émergence et vous vous étonnez que le peuple bercé par votre langue de bois ne s’endorme pas. Votre nombrilisme sape l’apparence de démocratie déjà vidée de toute substance dans notre pays. L’autoritarisme est la preuve ultime de votre stupidité, de votre incapacité à gouverner le pays. Puisque vous avez touché à l’âme du Gabon, attendez-vous à essuyer les foudres des patriotes. « Si tu ne veux pas que la panthère entre dans ton village, ne prend pas la gazelle qu’elle a tuée », me conseillait mon grand-père.

Mesdames et Messieurs, ne m’en veuillez pas si cette lettre est virulente. Ce n’est pas l’enthousiasme qui m’exalte, c’est la peur qui m’étreint. Il n’est que temps d’endiguer la violence qui noie notre société, par tous les moyens possibles : le rêve, la pensée et la parole. Je reste persuadé que les horions que vous recevez tous azimuts vous font du mal. C’est la raison pour laquelle vous réagissez désormais avec brutalité. « Si tu frappes l’imbécile, s’il se tord la bouche, c’est qu’il a mal », m’expliquait encore mon grand-père, grand pugiliste de son époque.

Article publié le 21 Décembre 2015

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