

La prison centrale de Libreville a connu une agitation sans précédent le samedi 23 janvier dernier. Grilles et portes ont volé en éclats. Les détenus sont tous sortis de leurs cellules pour protester contre le mauvais traitement dont ils sont victimes au quotidien. Cette réaction de révolte est la résultante d’une succession de décès enregistrés au sein de cette maison d’arrêt. En effet, en moins d’une semaine, deux prisonniers y sont morts.
D’abord Thérence Ndombi Bignoumba, 25 ans, décédé dimanche 17 janvier 2016. Diabétique, il n’a pu avoir droit à son insuline, malgré les efforts des parents qui, à chaque fois, venaient déposer le médicament, afin que leur fils soit traité. Ensuite, Armstrong Amovet. Il souffrait d’une anémie sévère. Il aurait fallu qu’il soit d’urgence interné dans une structure sanitaire. Mais, le service infirmerie, au lieu de le prendre en charge, l’a plutôt fait dormir dans un couloir sans toiture, sans aucune couverture et sur une chaise roulante. C’est au petit matin que ses congénères, qui pensaient qu’il avait passé la nuit à l’infirmerie, le découvrent grelottant de froid. Malgré les efforts des parents arrivés sur les lieux et qui ont dû hausser le ton avant de le conduire à l’hôpital, ce dernier n’a pu être sauvé.

Après avoir encore appris le décès d’Armstrong Amovet samedi dernier, faute de suivi médical, les voix se sont élevées chez les taulards. « Trop, c’est trop! En moins d’une semaine, deux détenus sont morts par négligence alors qu’ils pouvaient être sauvés. Nous sommes autant des humains que vous. Dans cette prison, il n’y a pas que des coupables. Même des innocents croupissent ici. Mais, pourquoi nous traiter pire que des animaux ? ». L’agitation était telle que tout ce raffut était perceptible de l’extérieur. Il a fallu que le procureur de la République, le commandant en chef de la police et celui de la prison interviennent de toute urgence pour faire revenir le calme.
Ces cas de maltraitance sont tellement devenus monnaie courante que les prisonniers vivent désormais dans la psychose. Entassés dans des cellules étriquées, ils dorment les uns sur les autres. Pas d’eau, pas de distraction. Tout est réuni pour les détruire. « On ne compte que sur la force de Dieu pour sortir en vie de cette prison. Les conditions de vie sont tellement exécrables que même les animaux refuseraient de vivre ici », a déclaré un détenu. La mort d’Armstrong Amovet, qui aurait, tout comme celle de Thérence, pu être évitée survient une fois de plus par l’effet du manque d’humanisme chez les gardiens de prison. C’est l’occasion de s’interroger sur la formation reçue par nos matons. Sont-ils conscients qu’ils veillent sur des êtres humains et non sur des animaux? Toute personne, même un détenu, mérite qu’on la traite dignement.
Sophie Beuve Mery
Article publié le 26 Janvier 2016