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EDITORIAL : détruire une si belle histoire…

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Désiré Ename

Par : Désiré Ename

Le cas Ping. Il émerge dans les intrigues de camps divergents autour de lui et qui dévoilent leur déchirure. Mais aussi de sa propre histoire. Et on n’a jamais meilleure réponse à son histoire que le reflet que renvoient les actes posés.

L’histoire de Ping pèche déjà à sa sortie officielle. Ses propos n’étaient ni fondateurs d’une dynamique comme le fut le discours de Jacques Adiahénot, ou de Jean François Ntoutoume Emane, pour ne citer que ceux-là ; ni porteurs d’une vision pour le Gabon.

«On empêche mes enfants de travailler. On les contraint à l’exil. Puisqu’ils ont décidé de m’emmerder, je vais aussi les emmerder. Et puis je n’ai plus rien à voir avec ces gens-là. » C’est ce qui est sorti le1erfévrier 2014, au Palace Wenzhou (Haut-des-Gué-Gué), à Libreville. Ces gens-là ! Pas le PDG, mais des gens. Expression d’une frustration sur un fond revanchard. Contre des gens. Or, la vengeance, malheureusement, est destructrice. Le pendant inverse est le modèle de combat de Nelson Mandela et ses pairs en Afrique du Sud. Tout est donc dans cette sortie qui, tôt ou tard, allait révéler son fond. C’est ce qui s’est produit le 15 janvier 2016 : le refus de la correction.

Ping avait-il besoin de ce jeu ? NON. Et pour cause. Un axe s’est ouvert après les élections de 2009. Un axe qui créait des convergences utiles pour rassembler à nouveau les Gabonais de tous bords ethniques dans une seule revendication : la libération du Gabon. L’axe Myboto-André Mba Obame. Un axe Nord-Sud. Inédit dans l’histoire politique gabonaise depuis 1967. Cet axe réconciliait incontestablement des communautés qui avaient été divisées pour maintenir le système d’Omar Bongo Ondimba, attisé par le TSF (tout sauf un Fang) et le repli identitaire que Nzouba Ndama mit au goût du jour. Traduit par une métaphore : « pied gauche-pied droit », pour évoquer l’alliance Haut-Ogooué et Ogooué-Lolo pour la préservation des acquis.

Une convergence de cet axe va inexorablement et progressivement s’amorcer vers Pierre Mamboundou et des factions essentielles de l’UFA-ACR. Et vice versa. En illustration, le rapprochement et l’intégration de l’UPG via ses véritables héritiers emmenés par Jean-de-Dieu Moukagni Iwangou.

A n’en point douter, une autre réalité politique, loin des clivages du système Bongo, se profile et se construit, avec ses imperfections certes, mais graduellement depuis 2009. Elle saura élaguer ses branches mortes. Au centre de cette force, André Mba Obame. Seulement, privé de disponibilité au sein de ce combat par la maladie, il allait de soi que, d’une manière ou d’une autre, au cas où ce dernier, personnalité la plus en vue, serait empêché, l’option allait automatiquement être portée sur une autre personne qui ferait l’unanimité. Il ne fait aucun doute qu’à sa sortie, même mitigée, et au fil du temps, Ping était quasiment devenu ce primus inter pares.

Qu’a choisi le candidat « frontiste » ? Un club d’apprentis sorciers mal inspirés, sans base idéologique ; et une bande d’anciens de l’Ageg (Association générale des étudiants gabonais) au parcours reflétant les contradictions qui émaillent leur discours fondamental. Ces derniers ont partagé leur histoire entre l’opposition et le Parti démocratique gabonais (PDG), et un mal commun : la frustration de l’échec total de l’entrisme, leur fondement idéologique depuis les années françaises. Ping est balloté entre ces deux clans : d’un côté des enfants gâtés ou anciens lieutenants en crise d’émancipation : les souverainistes ; et de l’autre d’éternels loosers pour qui la théorie de l’entrisme a été cramée par Omar Bongo Ondimba d’abord, ensuite par sa petite majesté Ali Bongo Ondimba, en 2009 ; et qui n’ont pas compris que leur logiciel politique est démodé. L’un et l’autre courant vont lui insuffler une posture. Les souverainistes, anti-Front, estimeront mezzavoce d’abord, et a capella ensuite, par le ténor Francis Aubame, que Ping n’avait pas besoin de s’enfermer dans le carcan de 27 personnes dans le huis clos d’un bureau, pour décider de sa candidature ; mais de se fier plutôt au peuple qui l’appelle.

Pour le cartel des « entristes », il leur fallait le label « Front ». Ping a préféré prendre fait et cause pour le cartel des « entristes ». Car avec ce label, il croit se libérer des compromissions qui le tiennent : les soutiens extérieurs, en leur présentant ce trophée. (Nous y reviendrons). En fin de compte, cette option a fini en eau de boudin. Ping va sombrer dans son propre piège : la soif de la désignation qu’il quémande depuis le congrès nébuleux de Paris (5-7 décembre 2014). Aux souverainistes, même s’il y a à redire sur leur argumentaire, Ping aurait mieux fait d’accorder une oreille attentive. Trop tard !

Il va désormais porter sur ses épaules deux fardeaux : les divergences à venir au sein de son clan et l’image du tricheur. Parce que son coup de force ne diffère pas du passage en force d’Ali Bongo Ondimba (ABO), en s’adoubant candidat du PDG en 2009.

Comme pour ABO, les critères ont été taillés sur mesure, glissés dans le journal « La Loupe » (N°253 du 1er/12/2015) par un souverainiste ; un cartel prêt à tout pour adouber son homme, le cartel des 16 dont Ping vient de confirmer l’existence sur Africa N°1, mené par les intrigants Amoughe Mba, Ndemezo’o Obiang. ABO avait Nzouba Ndama, Boukoubi, Lemboumba. Comme ABO en 2009, en lieu et place d’une confrontation autour d’un corps électoral consistant et clairement défini, selon les textes du PDG, le cartel choisira un cadre fermé, le comité permanent composé de 18 personnes dont deux contestaient la procédure et qui était donc réduit à…16 hommes. Même procédé pour Ping : le cartel des…16. Assorti d’un gros handicap : l’absence de quorum nécessaire, 18 membres, pour valider le passage en force. On peut aller plus loin. ABO n’ayant jamais été au contact des populations de toute sa vie de Gabonais, la présidente de la République pour la transition improvisa des tournées à travers le Gabon pour être vu. Le cartel se dira qu’il fallait également donner une image populaire à Ping qui, au bout de 40 ans aux côtés d’Omar Bongo Ondimba, allait découvrir le Gabon profond et sa misère pour la première fois. On pourrait en dire plus…

L’avènement de Jean Ping a été une si belle histoire que…Jean Ping lui-même vient de faire voler en éclats.

 Article publié le 18 Janvier 2016

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