FORUM : Le Gabon n’est pas une monarchie, mais une République
Par : Sambatiste Okavango
Ce rappel est fait au diplomate marocain qui a cru bon de se substituer au peuple gabonais, lors des vœux des diplomates au président gabonais. La complaisance était hors de propos.
L’ambassadeur du Maroc au Gabon, Ali Bojji, s’est plié, mardi 5 janvier, aux usages diplomatiques, en présentant, en sa qualité de doyen du corps diplomatique, les vœux des diplomates accrédités au Gabon au chef de l’État gabonais, Ali Bongo Ondimba. Le représentant de sa majesté Mohammed VI près le Gabon n’a pas pris beaucoup de précautions pour dire des choses qui ont blessé plus d’une personne. A cause de ce qu’il a foulé aux pieds le devoir de réserve et les convenances diplomatiques.
En effet, la tribune du Palais Rénovation (présidence de la République) a retenti du panégyrique d’Ali Bongo ; nous avons entendu Ali Bojji vanter les vertus et les bienfaits du tyran ! «Nous sommes témoins de l’énergie, de l’engagement et de la passion qui vous animent dès lors qu’il s’agit de répondre aux aspirations légitimes des populations gabonaises», s’est-il permis d’avancer. «Vous avez initié des réformes de grande ampleur qui sont en train de façonner le nouveau visage du Gabon : celui d’un pays prenant en charge sa destinée et s’engageant à valoriser ses ressources naturelles et à jouer un rôle actif sur la scène internationale. Les résultats sont là. Ils attestent d’avancées significatives dans différents domaines», a-t-il dit à son hôte dont il a, par la suite, dressé le bilan du mandat finissant. Dans une salle qui paraissait mieux convenir au discours qu’il a souhaité prononcer. Devant les regards médusés des autres ambassadeurs.
Visiblement, cet homme frêle et courtois s’est assigné à chaque instant de son intervention de faire l’éloge du président gabonais pour être en mesure — pour mériter ? — d’avoir le pouvoir de participer aux plaisirs d’Ali Bongo. Il le tient visiblement en haute estime et rien ne le fera démordre de cette opinion qui s’assimile à une option stratégique. A l’en croire, le diplomate marocain n’a pas désespéré de trouver en Ali Bongo un homme volontairement ouvert aux échanges. «Cette volonté vous a amené à adopter une démarche inclusive tendant à associer à la vie de la nation, tous les acteurs légalement reconnus et disposés à apporter leur contribution au projet de société que vous ambitionnez pour votre pays», a-t-il dit à ce sujet. Il a également vu dans la reconstitution du Conseil national de la démocratie (CND), un signe patent de cette ouverture. Mais ce que l’ambassadeur du Royaume chérifien a omis de dire, c’est qu’Ali Bongo, son icône, a opposé une fin de non-recevoir aux appels à la conférence nationale ou au dialogue inclusif. Il est même allé jusqu’à émettre le souhait que les prochaines consultations électorales – la présidentielle et les législatives – « puissent se dérouler dans un climat apaisé et dans un esprit de compétition saine».
Passant de la politique à l’économie, Ali Bojji a salué les efforts d’Ali Bongo pour sortir le pays de sa dépendance au pétrole et de l’économie de rente. «Vous avez fait de la diversification de l’économie votre cheval de bataille avec en point de mire le plein-emploi et une croissance pérenne basée sur des fondamentaux solides. Les résultats de votre engagement apparaissent au grand jour : la croissance économique s’est accélérée entre 2011 et 2014 pour se situer à une moyenne de 5%», a-t-il déclaré, avant de se féliciter de la transformation de l’économie gabonaise, matérialisée par l’inauguration du complexe métallurgique de Moanda, la construction du barrage de grand Poubara, la Zone économique à régime privilégié de Nkok, la construction de plus de 1 400 km de route dont la moitié est déjà bitumée, la réforme de la filière bois, etc. «Au plan agricole, le programme Graine que vous avez lancé en décembre 2014, apparaît comme un projet phare destiné à assurer la sécurité alimentaire et à faire du Gabon un pays leader dans la production de l’huile de palme», a-t-il ajouté.
S’agissant du social, Ali Bojji a évoqué la volonté de celui qu’il admire et la hardiesse avec laquelle il entreprend d’améliorer le pouvoir d’achat des agents de l’Etat. « Cela vous a conduit à décider de la mise en place d’un nouveau système de rémunération des salaires. L’élargissement de la couverture médicale aux couches les plus défavorisées est à mettre à votre actif, ainsi que la Stratégie d’investissement humain du Gabon», a-t-il indiqué. L’ambassadeur marocain s’est réjoui du rayonnement de la diplomatie gabonaise. «A travers vous, c’est le Gabon qui se voit honoré et reconnu pour son rôle dynamique en faveur de la sécurité et la paix à travers le monde», a-t-il affirmé, non sans saluer l’initiative du chef de l’Etat d’avoir institué un cadre d’échange avec les diplomates accrédités au Gabon, sur différents sujets d’actualité en tête desquels le terrorisme. «L’inestimable contribution du Gabon dans la lutte contre le terrorisme, en particulier celui de la secte Boko Haram, mérite d’être saluée. Votre rôle pionnier s’étend aux autres formes de violence telles que la piraterie maritime, le braconnage, la traite des être humains, les trafics d’armes légères et de stupéfiants», a-t-il souligné.
Le plénipotentiaire marocain a aussi évoqué le rôle du Gabon lors de la Cop21, avant de se prononcer sur la prochaine Coupe d’Afrique des nations (Can) 2017. «Si en 2012 la Can a généré une véritable dynamique économique, il est permis d’espérer que la Can 2017 produira également des retombées bénéfiques sur l’économie du pays et offrira à la jeunesse gabonaise l’opportunité de vibrer au rythme d’une compétition sportive et jouir d’une grande audience au niveau africain et international», a conclu Ali Bojji.
Ali Bojji a, dans son intervention, manqué au devoir de réserve. A ce titre, il faut qu’on rappelle ce “devoir de réserve” pour à cet ambassadeur peu diplomate. Que le Gabon n’est pas un appendice du Maroc, mais qu’il est une République. Après avoir fait partie de la fédération de l’Afrique-Équatoriale française (AÉF) de 1910 à 1958, le Gabon proclame son indépendance le 17 août 1960. Il s’agit de la huitième colonie française à suivre cette voie depuis le début du mois d’août 1960. Le Gabon, qui avait obtenu l’autonomie relative en 1956, avec l’adoption du suffrage universel, est devenu une république, membre de la Communauté française, à la suite d’un référendum tenu en 1958. Par conséquent, sa souveraineté appartient à son peuple qui exerce le pouvoir politique par l’intermédiaire de représentants élus. Ceux-ci reçoivent des mandats pour une période déterminée et sont responsables devant la nation. Par ses représentants, le peuple est la source de la loi. L’autorité de l’Etat, qui doit servir le “bien commun”, s’exerce par la loi sur des individus libres et égaux.
Article publié le 11 Janvier 2016