

Par Jonas MOULENDA
Monsieur le Président,
La tournure que prennent les choses dans notre pays m’interpelle en tant que patriote et m’angoisse au plus haut point. C’est pourquoi je me permets encore de vous adresser une philippique. D’ores et déjà, je suis désolé si elle transforme votre sourire de dirigeant cynique en rictus d’homme peiné. De toute façon, il en sera ainsi le peu de temps qu’il vous reste à passer à la tête de l’Etat. Si vous n’aimez pas les critiques acerbes, songez à démissionner. « Si la boue te fais grossir les pieds, ne traverse pas le marigot », disait mon grand-père.
Notre pays s’achemine vers une situation chaotique dont vous porterez seul la responsabilité historique, du fait des hautes fonctions que vous occupez. Vous êtes le garant de l’intégrité du territoire et de la Constitution. Votre famille domine la scène politique gabonaise depuis presque cinquante ans. Ça suffit comme ça ! Il faut que vous vous retiriez de l’échiquier politique national. Il est encore possible pour vous d’entrer dans l’histoire par la grande porte, en permettant l’alternance démocratique. Vous n’obtiendrez pas de second mandat, parce que vous êtes un piètre dirigeant. Mon aïeul disait : « Le chien qui a la cloche ne mord pas deux fois.»
Souffrez que je vous rappelle l’état général de notre pays : une jeunesse sacrifiée qui se cherche en exil ou dans les rues mal entretenues du Gabon, des familles disloquées par la misère, de jeunes filles prostituées, des diplômés désorientés, une nation endeuillée par vos escadrons de la mort et une économie pillée par votre cénacle. Laissez-moi aussi vous rappeler la mémoire des victimes des crimes rituels. Ceux-ci sont commis à l’instigation de vos gourous, pour maintenir votre régime chancelant. C’est la résultante de vos espérances obscures. Mon papy m’expliquait que «l’homme qui se noie s’accroche à tout, même à un serpent».
Vous avez fait un passage à vide à la tête de l’Etat. Au lieu de faire renaître Air Gabon, comme vous l’aviez promis, vous avez préféré vous doter d’avions privés: un Boeing 737 pour votre épouse, un 777 pour vous, un 7X gardé en France, un G 650 Grumman, sans compter les avions de Maixant Accrombessi dont vous êtes « le guignol ». Vous avez donc préféré votre flotte personnelle, au détriment de la nation. Vous êtes égoïste comme dirigeant. C’est votre cupidité qui a amené le peuple à vous vomir. « Qui mange seul s’étrangle seul », m’avertissait d’ailleurs mon grand-père.
Le Gabon a reçu en ressources d’emprunt 18 000 milliards de F CFA, selon vos chiffres. Qu’avez-vous fait de cet argent ? Le pays ne peut même pas en consommer le tiers ou le quart. Tout ça, c’était pour qu’on apprenne vos exploits avec vos amis aux quatre coins du monde. Les Gabonais cherchent des logements, c’est aux Bahamas que vous allez acheter des maisons. C’est au Bénin qu’Accrombessi va construire des cités. C’est à Paris que vous allez acheter des maisons qui valent 200 milliards de F CFA, le prix d’une nouvelle capitale comme Libreville. Ce sont des actes d’ingratitude envers le peuple. Je n’en suis pas surpris. Mon papi disait : « L’âne vous remercie toujours avec un coup de pied. »
Pendant ce temps, vos proches vivent dans des mosquées, à Akébé, eux qui vous ont vu arriver au Gabon. Vous vous comportez comme un braqueur de route en allant inaugurer des ponts dont vous ne payez pas le constructeur, jusqu’à organiser des poursuites judiciaires futiles. Ce sont des pratiques dignes d’un coupeur de route. Au moment où le président équato-guinéen inaugure des villes qu’il a lancées, il y a six ans, quand vous arriviez au pouvoir, vous allez plutôt inaugurer des robinets d’eau boueuse. C’est vraiment méchant de votre part.« On ne circoncit pas un ami avec un couteau à cran », disait mon pépère.
Vous n’êtes qu’un parfait mystificateur. Où est passé le fameux projet de la marina que vous avez annoncé à grands coups de cymbale ? Où sont les 400 salles de classe promises à grand tapage médiatique ? Où est le nouveau palais international des conférences de la cité de la Démocratie ? Voyez-vous, vous avez passé votre mandat à pomper l’air aux Gabonais. Vous voulez encore solliciter leurs suffrages, alors que vous vous êtes royalement moqué d’eux. Sachez-le : vous ne serez pas élu. Au grand jamais ! Vous auriez dû respecter vos concitoyens pour obtenir leur blanc-seing. « Attends d’abord d’avoir traversé la rivière, avant de dire au caïman qu’il a une sale gueule », disait mon pépé, grand pêcheur de son époque.
Le silence et la retenue dont les Gabonais ont pu faire preuve à certains moments de votre septennat n’étaient ni un aveu d’impuissance, ni un aval donné à vos méthodes péremptoires. Ils vous demandent désormais de quitter le pouvoir, car ils n’ont plus la force de vous supporter comme dirigeant. Partir de votre plein gré sera le plus grand accomplissement de votre long passage calamiteux à la tête de notre beau pays. Vous avez échoué dans votre mission. Vous allez percevoir le salaire de votre goguenardise. « La mouche qui se moque de l’araignée finit par être prise dans sa toile », aimait à dire mon grand-père.
Article publié le 24 Janvier 2016