TRIBUNE LIBRE : Lettre au président de la république

Posté le 04 Jan 2016
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Jonas Moulenda

Jonas MOULENDA

Par : Jonas MOULENDA

Monsieur le Président,

J’ai suivi, avec attention, votre dernier discours à la nation, qui a sonné comme une langoureuse et monocorde mélopée. Vous avez bercé les Gabonais, sans pour autant réussir à les endormir, avec votre pitoyable refrain sur votre bonne volonté qui s’apparente au mythe de Sisyphe. Vos concitoyens sont devenus si vigilants qu’ils ne se laissent plus conter. « Qui hume ne mange pas ce qui est pourri », disait mon grand-père.

Votre discours manichéen destinait les uns pour le paradis et les autres à la géhenne. Vous ne faites rien pour vous réconcilier avec tous vos concitoyens. Or, vous êtes entré dans l’histoire du Gabon d’une manière brutale et violente, car le sang a coulé afin de vous placer au pouvoir. Quoique vous fassiez, cette réputation vous collera ad vitam aeternam à la peau. Mon aïeul me rappelait d’ailleurs que « celui qui se cache ne cache pas sa mauvaise renommée».

Malgré vos ambiguïtés et bien que le Gabon ne soit pas une dynastie, le peuple espérait que vous seriez l’homme de la paix et de la renaissance du pays dans tous les domaines. Hélas ! Le pays est tombé de Charybde en Scylla. Le contraste est devenu même saisissant entre les riches et les pauvres. Les ressources financières du pays sont limitées, mais votre oligarchie continue de briller par la gabegie. A cette allure, le Gabon ne se développera pas. « Si tu veux que ton parc de bœufs soit grand, ne vends pas les taureaux », me conseillait mon papy, grand éleveur de son époque.

Le peuple avait cru en votre personne pour le conduire sur le chemin du bonheur. Il espérait voir en vous l’homme de la rupture avec le passé. Malheureusement, vous avez instauré un régime de terreur, gelant tout vrai développement et projet social. L’appareil étatique connaît une gestion calamiteuse. Votre cénacle et vous ne resterez donc pas à la tête du pays. Le peuple vous balayera lors de la prochaine élection présidentielle. «Les fourmis qui partent mordre le pangolin ne reviennent pas à la fourmilière », m’expliquait mon grand-père.

Les richesses sont confisquées par vous, les membres de votre famille et ceux de votre caste, qui se conduisent tous comme des maffieux n’ayant aucun respect pour la vie et la dignité de la personne humaine. Dans votre discours fumeux, vous avez demandé aux Gabonais de garder espoir. Mais comment avoir confiance en l’avenir dans un tel contexte ? Si vous aviez des solutions aux problèmes du pays, celui-ci ne s’enliserait pas dans une crise sans précédent. « Si le margouillat connaissait le médicament de la rougeole, son dos ne serait pas tacheté », observait mon aïeul.

Quel héritage laisserez-vous aux générations futures ? Je ne vous demande pas d’aller jusqu’ à toucher du doigt les blessures de Gabonais. Vous avez d’autres chats à fouetter. Je ne m’appuie pas, non plus, sur votre sainteté pour vous demander la guérison des maux dont souffre le peuple. Je préfère donc éviter de m’en remettre à la pureté de votre âme pour que les Gabonais retrouvent leur équilibre d’antan. Il est inadmissible qu’ils vivotent dans un pays si riche. Mon papy me faisait remarquer que « le poisson ne meurt pas de soif».

Dans votre discours, vous avez occulté le dialogue franc, sincère et inclusif sur toutes les questions liées à la crise que traverse notre pays. Pourtant, le courage est mis à l’épreuve lorsque l’on est dans la minorité, tandis que la tolérance est mise à l’épreuve lorsque l’on est dans la majorité. Au lieu de construire le pays sur la base des valeurs démocratiques et de progrès, vous excellez dans la ruse et le mensonge. Faites un choix qui met en avant les intérêts du peuple gabonais. « C’est à cause de ses petits que l’éléphant déblaie les broussailles », disait mon papy.

Toute personne qui serait président de la République dans notre pays devrait se sentir fière de représenter une nation dotée de tous les atouts pour un destin fabuleux. En même temps, cet honneur se conjugue avec une exaltante responsabilité. Je vous dis régulièrement tout le mal que votre régime fait subir quotidiennement au peuple. A cause de votre méchanceté, vous ne serez pas plébiscité à la fin de votre mandat. Mon grand-père m’expliquait que « le chien qui a la cloche ne mord pas deux fois».

Monsieur le Président, vous avez le choix. C’est maintenant qu’il vous faut négocier votre départ. Vous devez sortir soit par la grande porte, tout sera alors à votre honneur, soit par la petite porte, mais alors avec tout ce que cela suppose du sort qui vous sera réservé. L’histoire du monde nous enseigne que les grands despotes subissent souvent le retour de la manivelle lorsqu’ils perdent le pouvoir qui leur permet d’oppresser le peuple. « Quand l’eau monte, les poissons mangent les fourmis. Quand l’eau baisse, les fourmis mangent les poissons », aimait à dire mon aïeul.

Article publié le 04 Décembre 2015

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