

Thérence Ndombi Bigoumba, un jeune garçon de 25 ans, laissé sans soins, est décédé à la Prison centrale de Libreville le 17 janvier courant. Alors que ses parents avaient pris la peine de faire savoir qu’il était diabétique de type 2, donc ne pouvant vivre sans son injection quotidienne d’insuline. Les dernières paroles du jeune homme adressées à sa sœur, quelques heures avant sa mort, prouvent qu’aucun soin ne lui a été administré malgré le fait que sa santé se dégradait. « Bijoux, il faut venir me voir. Ça ne va rien changer. Dis à maman d’aller chez mon médecin, demander l’hospitalisation. Je ne vais pas tenir, j’irai dans le cercueil comme papa », a déclaré Thérence Ndombi Bigoumba quelques heures avant sa mort, tant oralement que par messagerie téléphonique envoyé aux siens. Que s’est-il réellement passé ?
Arrêté pour violation de domicile et agression en bande organisée avec ses amis le 8 janvier 2016 au soir, c’est dans les locaux de la Direction générale des recherches (DGR) que ses parents le retrouvent après avoir fait le tour des différents commissariats de la capitale. Ce soir-là, un agent leur a dit : « Vous ne pouvez pas le voir aujourd’hui, mais dès demain. Emmenez-lui la nourriture et les médicaments.» Durant sa détention à la DGR, il a bien reçu son traitement. Le major en service durant cette période s’est chargé lui-même de garder les médicaments dans son bureau afin que la traitement lui soit administré.
L’enfer pour ce jeune homme et sa famille commence véritablement le 12 janvier dernier lorsqu’un agent en service a clairement signifié que Thérence Ndombi Bigoumba ne pouvait se faire injecter. Malgré l’insistance des parents qui ont fait comprendre que le major avait donné son aval et que l’enfant était diabétique, l’agent en service a soutenu mordicus ses propos : « Il ne prendra aucune substance tant que c’est moi qui suis au poste. S’il est malade, on l’amène à l’hôpital», aurait-il avancé aux parents.
Le lendemain, Thérence Ndombi Bigoumba est présenté devant le procureur. Celui-ci se déclare incompétent du fait de la présence de deux mineurs parmi les prévenus. Ils vont donc être entendus le jeudi 14 janvier 2016 devant le parquet, puis placés sous mandat de dépôt. Compte tenu de l’absence de soins, la santé du jeune homme ne cesse de se détériorer ce jour-là, du fait de n’avoir pas pris sa dose quotidienne d’insuline depuis quelques jours.Signe des temps, il ne tenait plus sur ses jambes. Soutenu par un gendarme, il a commencé à vomir. Pris de compassion, celui-ci a appelé la mère de l’enfant en lui demandant d’amener les médicaments. Comme il était interdit à cette dernière de voir son fils, c’est dans les vestiaires du tribunal que l’agent a permis à la mère d’administrer les soins requis à son rejeton.
Le dimanche 17 janvier dernier en matinée, alors que la grande sœur de Thérence Ndombi Bigoumba voulait se rendre à l’hôpital afin de rencontrer le médecin de son petit frère, pour une éventuelle hospitalisation, elle reçoit un coup de fil lui demandant de se rendre immédiatement à la maison d’arrêt. Malheureusement, dès que les parents sont arrivés à « Sans famille », ils ont constaté que leur fils était décédé et que le corps avait même déjà été conduit dans une maison des pompes funèbres, où, pour voir le corps de son fils, la mère a dû débourser quelques billets de francs Cfa. Quelle mise au supplice pour cette mère! C’est un corps avachi, maigre du fait de nombreuses privations, qu’elle découvre. Effarée, elle décide finalement de transférer le corps de son fils vers une autre maison des pompes funèbres.
Thérence Ndombi Bigoumba meurt par manque de suivi médical. Malgré les efforts des parents, les agents sont restés insensibles à l’état de santé de ce jeune homme. Un prisonnier révèle qu’après avoir réclamé les médicaments à maintes reprises, il n’a reçu aucun soin. « Il n’y a rien dans cette prison. Dès que vous tombez malade, même si vos parents vous apportent des médicaments, ils ne vous seront pas administrés. Le seul traitement ici ce sont les glucosés », a renchéri un autre prisonnier.
Traité comme une personne bien portante alors qu’il était diabétique, ce jeune garçon meurt en raison du mauvais traitement qui est réservé aux prisonniers à la maison d’arrêt de Libreville. Il laisse sa famille dans un insoutenable vide. Pourtant, l’accès aux soins est un droit fondamental pour tous les citoyens. Mieux, la constitution gabonaise, en son article premier, reconnaît le droit de la personne malade à la santé. Mais, ce droit n’est pas toujours respecté en République Gabonaise. Plusieurs fois déjà, les conditions de détention et surtout d’hygiène à la prison centrale de Libreville ont été dénoncées aussi bien par les détenus, les familles que par les matons eux-mêmes.
Imony Kombile Giowou
Article publié le 22 Janvier 2016