Des élèves en colère violentés par les forces de l’ordre

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L’une des nombreuses victimes de cette répression policière

Les élèves du Lycée Paul Indjendjet Gondjout ont décidé le 1er février dernier, comme ceux d’autres établissements de Libreville, Owendo et Ntoum depuis près d’un mois déjà, de manifester leur mécontentement en posant des barricades sur la voie express. La raison de ce mouvement d’humeur qui a été assorti d’une intervention musclée de policiers lourdement armés, était motivée par le retard de paiement de la bourse du deuxième et troisième trimestre de l’année dernière, outre celle du premier trimestre de l’année en cours.

La semaine passée a donc été très mouvementée dans les établissements de Libreville. Du Lycée de Bikélé au Lycée d’Avorbam, en passant par le Lycée Paul Indjendjet Gondjout (ex-Lycée d’Etat de l’Estuaire), les élèves sont montés au créneau. Si les élèves de certains établissements ont posé des barricades sur la voie publique, les apprenants d’autres structures d’enseignement secondaire ont organisé une marche pacifique. Mais comme à son habitude, le gouvernement, au lieu de chercher à communiquer pour pallier le problème, a envoyé les forces de l’ordre faire le sale boulot. Ainsi, c’est avec des matraques, des bombes lacrymogènes et même des tirs avec des balles à blanc qu’ils sont allés réprimander les élèves. Ceux qui, par malheur, parvenaient à tomber dans leur piège se faisaient malmener tel du gibier. Plusieurs élèves tombés sous l’effet des gaz ont été conduits d’urgence dans des structures de soins. Ces agents, sans gêne, et en violation des franchises, n’hésitent plus à entrer dans des établissements, violenter les élèves. Il y a deux semaines, au cours de leur embuscade au Lycée Technique National Omar Bongo, une fille enceinte, qui avait été lynchée, a failli faire une fausse couche.

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Le rapport de force a été disproportionné

Faire grève, pour réclamer la bourse, commence à devenir récurrent dans les lycées et collèges comme dans les universités du Gabon. Cette situation n’était pas connue avant. En effet, les élèves percevaient la bourse du premier trimestre au deuxième trimestre et celle du deuxième trimestre au troisième trimestre. Celle du troisième trimestre était souvent remise pendant les grandes vacances ou à la prochaine rentrée des classes au plus tard. Ainsi, pour entrer en possession de leur bourse de 2014, les élèves ont dû recourir à la grève. Et cette année, c’est le même son de cloche. C’est à croire que l’unique langage que les gouvernants comprennent est celui de la grève. Mais Ali Bongo Ondimba, pour qui la jeunesse est sacrée, loin de chercher à résoudre les problèmes de celle-ci, préfère faire des dépenses dans des futilités : le carnaval des brésiliennes, juste pour s’extasier avec des femmes nues ; la motoshow ; le New York forum Africa (Nyfa), manifestation au cours de laquelle son ami Richard Attias vient faire fortune sans aucune réalisation.

Voilà, pour cette année, le premier trimestre est passé et rien n’est pointé à l’horizon. On s’achemine vers la fin du deuxième trimestre et c’est encore le statu quo. Aucune communication pour essayer d’expliquer la situation aux apprenants. C’est ce mutisme des autorités qui entraîne souvent les élèves à emboîter le pas aux enseignants dans leur grève. C’est dommage de constater que le gouvernement est prompt à envoyer les forces de l’ordre mater les élèves, mais est incapable de solutionner le moindre problème. « Tout ce que nous voulons, c’est notre argent. Mais au lieu de trouver une solution, le gouvernement pense que nous sommes manipulés par les enseignants. Ils réclament leur dû, et nous le nôtre », a déclaré un élève de l’ex-Lycée d’Etat de l’Estuaire.

Le mutisme de la Fédération nationale des associations des parents d’élèves du Gabon (Fénapeg) est tout aussi flagrant et complice. C’est comme si l’unique question qui préoccupe ce regroupement d’associations est de percevoir les 2.000 francs Cfa que les parents versent à chaque début d’année pour leurs enfants. Quand les apprenants sont victimes d’une injustice ou des violences policières, le président de la Fénapeg n’a jamais levé la voix pour dénoncer de tels agissements. Cette situation qui, malheureusement, dépite les élèves, les amène à comprendre que l’école publique n’a jamais été la priorité des Bongo. « La famille régnante du Gabon » privilégie la création d’établissements privés avec l’appui des fonds publics. Pour preuve, Sylvia Bongo, pour ne citer que son exemple car il y en a d’autres, vient de recevoir, le 30 janvier dernier, le personnel des missions diplomatiques accréditées à Libreville pour faire la promotion de l’Ecole internationale Ruban Vert, dont elle est la fondatrice, et assurer concomitamment de ce que malgré la récurrence des grèves dans l’éducation publique au Gabon, Ruban Vert, qui «  ne cherche pas seulement à se positionner comme l’école la plus innovante d’Afrique », dixit Matthew Smith, responsable de l’établissement, fonctionne et reçoit les enfants issus des familles nanties.

Sophie Beuve Mery

Article publié le 04 Février 2016

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