
Par : Désiré Ename
Pour une surprise, l’annonce de sa petite majesté (SPM) tropicale, Ali Bongo Ondimba, sur l’ouverture d’un dialogue inclusif en est une. On peut dire que SPM vient de faire un pas important. Et marque pour ainsi dire un bon point. Il faut le reconnaître. Mais…
Son annonce a manqué de précision sur les questions essentielles qui doivent conduire ce dialogue. D’abord le cadre. Une grande partie de la classe politique a trouvé le propos de SPM imprécis sur cette question pourtant cruciale. L’opposition, qui avait répondu favorablement à l’offre de la communauté internationale, avait clairement milité pour un dialogue hors du Conseil national de la démocratie (CND). Ou tout au moins, si c’est le cadre retenu par SPM tropicale, que celui-ci soit révisé pour intégrer la société civile et toutes les autres composantes de la nation intéressées par le débat sur la redéfinition du «vivre-ensemble ».
Par ailleurs, l’arbitrage de ce débat est une question sur laquelle l’opposition, notamment le Front, est restée intransigeante. L’ampleur de la crise impose, à défaut d’un arbitrage international, que ce dialogue se fasse devant des tiers. Puis last but not least, l’applicabilité des conclusions qui en découleront. Le discours de SPM, qu’il a fait lire par Léon Nzouba, le ministre des Relations avec les institutions constitutionnelles, a péché par l’opacité sur ces questions essentielles. Me Séraphin Ndaot, le président du CND, l’a relevé et le Front, dirigé actuellement par Pierre-André Kombila, le précise également dans un communiqué que nous publions in extenso dans cette édition (page 8). Une question se pose : sa petite majesté tropicale a-t-il occulté ces questions ? Alors, revisitons des pans de son annonce.
« Le dialogue que nous voulons ne doit pas être qu’un dialogue politique. Il doit être un dialogue social, un dialogue culturel, un dialogue civil, un dialogue intergénérationnel. Un dialogue impliquant tous les Gabonais et toutes les Gabonaises, tous les militants ou non des partis politiques ou ders associations, un dialogue duquel doit naître un Pacte républicain définissant comment vivre le mieux possible ensemble.»
Visiblement, SPM a ouvert une brèche qu’il ne pourra refermer. Il en a précisé le cadre, le CND, mais un CND qui accueillerait toutes les couches de la population. C’est ce qu’il précise dans son annonce. En ouvrant ainsi, SPM a implicitement mis en orbite l’irréversible déclenchement des réformes de cette institution. D’abord pour intégrer les groupes en dehors des partis politiques auxquels il fait allusion. Et d’autre part, comme il s’agit de redéfinir notre vivre-ensemble et que cela doive aboutir à un nouveau « Pacte républicain » qui va régir le cadre de ce vivre-ensemble, les décisions qui en découleront ne sauraient ne pas être exécutoires par la suite. La redéfinition du « vivre-ensemble » passe par quoi ? Nécessairement par la redéfinition des règles à tous les niveaux : les règles électorales avec la crédibilité de nos processus, qui impliquent que les citoyens aient la liberté de se choisir les hommes qu’ils veulent pour présider aux destinées du pays – Assemblée nationale, assemblées locales, présidence de la République, etc.
Car ce seront ces règles acceptées de tous qui amélioreront les relations entre les fils et les filles d’un même pays. Il ne s’agit pas là des consensus mous ou des caricatures à la Billie By Nze. Mais des consensus qui recréent des rapports sains au sein de notre nation. En réalité, SPM a placé ses ambitions aussi haut que les exigences de l’opposition. S’en est-il rendu compte ? Est-ce la raison pour laquelle le porte-parole de son gouvernement a tenté de les réduire aux réalités gabonaises ordinaires ? Mais trop tard !
Quant à sa manière de les formuler, elle dissimule peu que c’est sous la contrainte des réalités sociopolitiques et économiques du moment qu’il s’y est résolu. De là, une question subsiste : sa pette majesté tropicale peut-il persévérer dans l’attitude autiste qu’on lui reproche ?
Nous réitérons qu’au-delà des signes de détente qui ont précédé cette annonce, dont la libération de Serge Maurice Mabiala, la réalité du terrain ne milite pas pour qu’il fasse autrement que s’aligner. Que peut-il quand son bilan le met désormais dos au mur, assorti d’une crise économique, sociale et politique sans précédent dans l’histoire de notre pays. Crise marquée par la baisse du prix du pétrole. Un front social en ébullition. Au plan politique, la tension dans son propre camp est montée d’un cran avec le mouvement Héritage et Modernité, plus déterminé qu’auparavant.
Tout ceci ne permet pas de jouer les prolongations et de divertir avec un calendrier électoral. AMO avait dit que toutes les options étaient désormais sur la table. SPM le sait. Alors ?
Article publié le 22 Février 2016