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TRIBUNE LIBRE : Lettre au Chef de l’Etat

TRIBUNE LIBRE : Lettre au Chef de l’Etat
Jonas Moulenda
Jonas MOULENDA

Par : Jonas MOULENDA

Monsieur le Président,

Je ne vous ferai pas l’injure de vous demander de régler les problèmes politiques, économiques et sociaux auxquels est confronté notre pays. C’est la chose qui vous rebute le plus. Vous avez d’autres chats à fouetter. Je peux, cependant, vous exhorter à rendre féconde la paix que vous avez entre vos mains en la distribuant à tous les Gabonais. Il y va aussi de votre intérêt. « On ne perce pas la pirogue à bord de laquelle on se déplace », me conseillait mon grand-père.

Votre candidature à la prochaine élection présidentielle pose problème. Dans l’absolu, tout le monde est d’accord pour que vous soyez blackboulé, à cause des ambiguïtés que vous ne parvenez pas à lever au sujet de votre état civil. Vos trois extraits de naissance vous compliquent la tâche. A défaut de renoncer à un second mandat, vous aurez à prouver votre filiation. Pour cela, vous devez passer un test ADN, afin de clouer au pilori tous vos détracteurs. Mon aïeul disait: « Quand la plaie est guérie, les mouches meurent de honte. »

Lorsque le président américain, Barack Obama, s’est trouvé confronté au même problème, il a demandé à une commission indépendante de se constituer et d’aller vérifier à Hawaï, l’État américain où il est venu au monde, pour clore le débat. Et il le fut. Pourquoi rechignez-vous à suivre son exemple si vous êtes tant sûr que vous êtes le fils d’Omar Bongo Ondimba et de Joséphine Kama? Pourtant, vous avez la chance que votre supposée mère soit encore en vie. Qu’est-ce qui coince ? Vos détracteurs disent que vous êtes réfractaire même au test ADN, procédé scientifique infaillible, pour ne pas couler. « Celui qui refuse de traverser la rivière ne se noie pas », disait d’ailleurs mon papy.

A votre place, à défaut d’une commission indépendante, je me soumettrais volontiers au test ADN pour mettre un terme à cette polémique. Pour la première fois, dominez votre pusillanimité et prenez la décision de passer le test scientifique qui constitue votre dernier sésame. N’êtes-vous pas lassé d’être traité de Biafrais ? Respectez votre serment, bon sang ! N’écoutez pas les conseils des profito-situationnistes qui vous encouragent dans la bêtise. Quand les choses se gâteront, ils rejetteront toute la responsabilité sur votre personne pour que vous en pâtissiez seul. « Le vin de maïs ne nuit pas à celui qui le prépare, mais à celui qui le boit », me prévenait mon grand-père.

Si vous caressez le rêve de violer encore la Constitution, comme en 2009, je vous conseille de renoncer à cette option suicidaire. Carles Gabonais ne croiseront plus les bras. D’ailleurs, ils sont en train de s’organiser actuellement pour parer à toute éventualité. Faites donc le test ADN ou renoncer à briguer un second mandat. Il faut sortir par la grande porte. Ne vous accrochez pas aux privilèges. Le jour où vous tirerez votre révérence, vous n’emporterez rien. Mon pépère me faisait remarquer que « quand un riche meurt, il n’emporte que son linceul».

La crise que traverse notre pays est précisément due au non-respect de la Constitution et des textes qui en découlent et au fait que des centres de pouvoir se placent délibérément au-dessus des lois. Vous avez violé la Constitution dans ses fondements et dans tous les domaines qu’elle recouvre. La solution au problème de la crise que connaît le Gabon ne réside pas dans les simples réaménagements des textes de loi, mais plutôt dans votre départ et la mise à plat de toutes les institutions républicaines. « Quand on va enterrer un mort, on piétine les vieilles tombes », disait mon grand-père.

La crise de notre pays découle de votre volonté de vous situer au-dessus de la loi, allant à contre-courant des aspirations légitimes du peuple et notamment de la jeunesse abandonnée, brimée, désemparée, sans projet, sans perspectives, sans possibilité de recours et poussée, ainsi, à tous les expédients comme la drogue, la criminalité et autres délinquance et violence, à l’immolation et autres suicides. Et pourtant, votre régime ne cesse d’étaler la richesse en ressources financières qu’il dilapide et distribue à tout-va. C’est ce qui attise les rancœurs. Mon aïeul m’expliquait que «celui qui nourrit les chiens des voisins mécontente les siens ».

Monsieur le Président, la rue gronde dans l’ensemble du pays. Les citoyens n’hésitent plus, malgré la dissuasion et la répression, à exprimer leur mécontentement. Cette agitation, au-delà des demandes sociales qu’elle exprime, traduit un déficit profond de confiance, de dialogue et de concertation, lui-même conséquence de votre illégitimité et de votre forfaiture. Prenez donc toutes vos précautions après tous les messages sibyllins que vous envoie le peuple. « Si l’éléphant mange la nuit dans ton champ, c’est qu’il a du respect pour toi », disait mon aïeul, grand cultivateur de son époque.

Article publié le 08 Février 2016

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