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TRIBUNE LIBRE : Lettre aux députés gabonais

TRIBUNE LIBRE : Lettre aux députés gabonais
Jonas Moulenda
Jonas MOULENDA

Par : Jonas MOULENDA

Mesdames et Messieurs,

Je voudrais, à travers cette philippique, attirer votre attention sur la nécessité d’une prise de responsabilité rapide, au regard des menaces d’implosion qui planent sur notre pays. La règle républicaine voudrait que vous ne tolériez aucun acte politique ou juridique à même de constituer une menace pour la paix sociale dans notre Gabon. Car nous n’avons pas de pays de rechange. « Celui qui n’a qu’un seul cache-sexe craint que la pluie le mouille », disait mon grand-père.

La triple crise éthique, identitaire et managériale que vit le Gabon s’est considérablement aggravée. Des milliers de nos compatriotes souffrent dans leur vie quotidienne. Tout se désagrège chez nous. Le chômage, la pauvreté, la désespérance et le manque d’opportunités sont autant de facteurs qui constituent un risque grave d’implosion sociale. Prenez donc vos responsabilités. Cette situation risque, à terme, de transformer notre pays en un véritable chaudron. Mon aïeul disait : « Un pet prolongé entraîne une vraie chiasse. »

Vous devez être conscients qu’une majorité silencieuse de Gabonais observe, avec la plus vive préoccupation, l’enlisement de la situation, en raison justement de l’absence de perspectives que vient accentuer leur peur des lendemains. Ali Bongo Ondimba semble avoir provisoirement scellé le sort du renouveau politique, économique et social tant attendu par les Gabonais. Ceux-ci ne veulent plus d’un tel dirigeant, en raison de ses mauvaises intentions. « L’oiseau qui aime manger les petits des autres ne fait pas son nid auprès d’eux », observait mon papy.

L’opposition a jusqu’ici exercé son droit de manifestation et de pétition, dans le plus grand calme, sans qu’aucune violence n’ait été constatée ou ne puisse lui être imputée. Son service d’ordre a parfaitement fonctionné et les difficultés constatées sont systématiquement l’œuvre de l’armée à la solde du régime, comme en témoignent les événements de septembre 2009, à Port-Gentil. Des films démontrent d’ailleurs les agissements antirépublicains à l’endroit de paisibles citoyens de cette ville. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle certains ont pris le large. Mon grand-père disait : « Si tu mets le pied parmi les fourmis en ligne, elles se disperseront. »

Honorables députés, il convient aujourd’hui de tirer lucidement et sagement tous les enseignements utiles pour préserver la cohésion nationale et construire une société de confiance. Nul n’est fondé à exiger du peuple gabonais qu’il contribue par son attitude digne à préserver la paix civile, pendant que dans le même temps on se livre, d’une part impunément à des atteintes à la liberté d’expression, à des exactions contre des militants politiques pacifiques et non violents ; et d’autre part que l’on spolie ce même peuple. « La vipère te mord si tu lui marches dessus », me prévenait mon pépère.

Le calme et la sérénité qui ont régné jusqu’à ce jour sont la démonstration que l’opposition a fait preuve de responsabilité et a respecté les termes du contrat moral passé avec le peuple gabonais.
En revanche, cette partie du contrat n’est pas respectée par le pouvoir, tant dans ses missions régaliennes que dans la préservation de la paix sociale. Il vous faut donc un sursaut patriotique. Ne vous contentez pas de vos privilèges personnels. Débarrassez le pays de la gangrène. « Si tu es éleveurs des poules, ne mets pas le vautour entre elles », me prévenait encore mon aïeul.

Le peuple gabonais a jusque-là pris ses responsabilités. Il vous appartient maintenant de prendre les vôtres devant l’histoire en tirant toutes les conséquences de cette fâcheuse situation. En la laissant perdurer, ce sont la survie et la cohésion de la nation tout entière qui sont en jeu. Les Gabonais ne sauraient s’y résigner ad vitam aeternam. Ils ne sont pas responsables de la cleptomanie des gouvernants. Ceux-ci doivent donc s’attendre à une vive réaction populaire. « Celui qui souffle sur le feu reçoit les étincelles aux yeux », disait mon papy.

Mesdames et Messieurs les députés, vous avez encore la possibilité d’entrer dans l’histoire, en inversant le cours actuel des événements dans notre pays. Je sais pouvoir compter sur votre souci de la cause qui nous déchire tous jusque dans l’âme, mais nous lie intimement en tant que filles et fils du Gabon tout entier. Puisse Dieu vous éclairer davantage pour préserver l’altruisme en vous et cette part d’humanité que représente notre mère patrie. Car tous les Gabonais aspirent au bonheur. « Le poil blanc convient au cabri et au mouton », disait mon grand-père, grand éleveur de son époque.

Article publié le 15 Février 2016

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