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EDITORIAL : Le clou de l’histoire (Du PDG-Rénovateur au PDG-Héritage et Modernité)

EDITORIAL : Le clou de l’histoire (Du PDG-Rénovateur au PDG-Héritage et Modernité)
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Désiré Ename

Par : Désiré Ename

L’histoire est parfois d’une ironie ! Et très souvent aussi elle est un perpétuel recommencement. L’histoire du courant Héritage et Modernité, désormais accolé au sigle PDG (PDG-H&M), confirme combien le cours des événements peut aussi tourner en dérision ceux qui, à une période, croyaient en être les faiseurs.

En réalité, l’histoire poursuit un seul homme, qui n’a pas su faire son choix de vie, comme dans le mythe d’Er de Platon, où les âmes ramassent des sorts sans savoir de quoi ils retournent. Mais chaque sort amène chaque âme à un ordre de passage pour choisir un modèle de vie. Il doit l’examiner avec prudence, car un modèle de vie peut paraître bienfaisant et dissimuler, au contraire, une vie bien médiocre. C’est ainsi qu’une âme, aveuglée parla gloire promise par le modèle de vie qu’il avait pris, ne s’était plus soucié de ce à quoi il le vouait. Au bout de la gloire se cachait une fatalité. A savoir qu’il dépiécerait cette gloire et sombrerait dans la solitude et la misère la plus abjecte. Au point qu’au final, il mangerait ses êtres les plus chers. Sa petite majesté (SPM) tropicale Ali Bongo Ondimba a poursuivi inlassablement la gloire pour soi. Sans prendre le soin d’en regarder les contours.

Appâté par la gloire, il s’est bouché les oreilles à ce que la muse lui soufflait : sa véritable voie. Celle de son art, la musique. Où, de Brand New man, il serait devenu une Star. Qui sait ! Mais non, il a choisi le pouvoir, sans savoir ce que le sort lui réservait derrière ce pouvoir.

En 1990 s’opère le retour au multipartisme. Sur ce, il fonde un courant : les Rénovateurs. Dans cette mouvance, il va désigner sa cible : les Caciques. Nom donné aux compagnons de la première heure de son père et président fondateur du parti qu’il a laminé le 12 mars dernier. Puis, deuxième étape, nourrir à leur endroit les salves les plus mortelles. Il mène une guerre sans merci contre eux et les couvre de tous les péchés de la terre. Alors qu’aucun d’entre eux n’aligne une fortune par l’accaparement des biens de l’État, l’échec du développement c’est eux. L’échec de la politique étrangère dont il fut le chef de département, c’est eux. L’assèchement des caisses, dont l’essentiel se trouve à la FIBA, la banque des Bongo, père, fils et filles ; à Monaco, en Suisse, aux Etats-Unis et dans divers paradis fiscaux, c’est encore eux. L’absence d’infrastructures scolaires, hospitalières et routières, c’est naturellement ces caciques, quand, pendant dix ans, le ministère dédié aux routes est dans les mains du Tonton, « Associé » au pillage de l’Etat. « Son tonton à lui », comme disent les « mwanas* » au quartier.

Les caciques subiront quolibets et coups bas de toutes sortes. Résultat des courses, leur éviction du gouvernement est actée. Non content de ce qu’ils se sont éloignés des affaires, il voudra en plus leur éviction totale du Parti démocratique gabonais (PDG), le parti de papa dont il estime être le digne héritier. Pour ainsi faire, avant l’heure, du « neuf » sans plus de «vieux ». Oubliant qu’il y avait son « vieux » (désignation familière du père chez les jeunes). Sur ce, il orchestrera un lobbying des plus acharnés auprès de son « vieux », fondateur du PDG, pour avoir la peau de ses compagnons de la première heure et construire son idéal de vie sans « vieux caciques ». A telle enseigne que le « Grand camarade-Président-Fondateur », poussé à bout, convoque les différentes tendances, sans les caciques, pour plancher dessus. Il est sauvé de justesse par un proverbe du pays nzebi que lui souffle un jeune de l’époque, nourri à la sagesse des « vieux » du village. Il lui dira : « Lorsqu’on veut abattre un très gros arbre, on commence généralement par couper tous les arbres moyens et arbustes autour de ce gros arbre. Ainsi le gros arbre mis à découvert on peut tranquillement le terrasser. »Sur ce, « le gros arbre » qu’était OBO va éconduire définitivement son rejeton.

Devenu chef de l’État et chef de parti par défaut, il est pris dans son propre piège et dans la nasse. L’initiateur des courants est rattrapé parle courant. Et la décharge est lourde. Et c’est ici que le sort le rattrape, et en satrape, le conduit inexorablement vers sa prédestination : la chute. Lui qui voulait un renouveau dans son parti, vingt-cinq ans plus tard et un 27 juin 2015, il a été servi et il a eu un parfait retour de bâton, avec la naissance du courant Héritage et Modernité (H&M). Mais en piètre démocrate, il va procéder à des exclusions à la fois non statutaires et anticonstitutionnelles (Lire JMS).

Oui, ce que l’histoire est parfois d’une cruelle ironie ! Ces mêmes caciques se sont retrouvés à la déclaration de H&M qui vient de réaliser un double exploit. Primo, récupérer le parti régulier en osant la scission avec les « profito-situationnistes… ces ploutocrates aux relents phalangistes… et aux chaussures enfoncées dans la boue des chemins tortueux de l’enrichissement astronomique sans cause… », en allant, eux, au bout de leur bataille pour la restauration des valeurs qui ont fondé leur parti. Secundo, opérer un rassemblement républicain, comme le PDG ne l’a pas fait ces six dernières années. Alexandre Barro Chambrier, Michel Menga, Jonathan Ignoumba, Sylvain Momoadjambo, Vincent Gondjout, Vincent Ella Megne, Michel Mboumi, Basile Ondimba, Clotaire Ivala, Philippe Nzengue Mayila, Serge Maurice Mabiala et d’autres ont fait encore plus fort en réussissant ce que SPM tropicale n’a pas réussi en 1990 : casser l’appareil et faire scission avec les pourfendeurs de ses valeurs.

Ils ont imposé leur marque. Ce que SPM tropicale n’a pas pu imposer au « vieux » OBO qui contrôlait sa machine et savait redistribuer les cartes, et qui, en plus, a gardé son groupe de « vieux » pour mieux le narguer. Peut-il en tirer les leçons ? C’est une compétence que son doctorat en droit ou en géographie (on s’y perd) ne lui permet pas.

Les caciques doivent se réjouir. Un limier de SPM tropicale, ministre de surcroît, a traduit la présence de certains d’entre eux, passés à l’opposition, à Ossengue, comme une connivence avec l’ennemi. Erreur d’appréciation. Leur présence a une triple lecture : la leçon d’humilité, celle de l’endurance et de la patience, puis le transfert de légitimité aux vrais héritiers. C’est cette leçon, assortie d’un message que, côte à côte, Chambrier Rahandi, Malékou, Kassa Mapsi, Kakou Mayaza (bien qu’appellistes à l’époque), ou Michel Anchouet, pour ne citer que ceux-là, ont administré à SPM tropicale.

Le choix des termes et des photos sur les banderoles, les T-shirts et le pagne en disait long sur le message. Leur héritage est la valeur de dialogue, de tolérance et de paix que ce parti, même de façon très contestable — ceci est une autre histoire –, cultive depuis 1968. Leur héritage, c’était aussi les grands symboles qui ont accompagné les quarante-deux ans du pouvoir d’OBO. Entre autres : la cité de la Démocratie, haut lieu de l’histoire du processus de démocratisation au Gabon, le palais du Mont-Bouët, la salle des conférences, Jeanne Ebori, la foire, devenue un grand tas de sable, etc. Symboles que SPM tropicale a…mangés. H&M n’a pas sonné le glas. Il a sifflé la fin de la récréation.

De quoi demain sera-t-il fait ? SPM tropicale Ali Bongo Ondimba doit très sérieusement méditer sur cette question. Parce que « Moukombo », nom d’initié de Guy Nzouba Ndama, dont le silence hante aussi bien les réseaux sociaux que les couloirs du palais du bord de mer, n’a encore rien dit de ce qu’on dit être ses intentions. Lui qui l’a intronisé contre vents et marrées. Envers et contre tous.

Tout a commencé en 1968 en pays nzebi. La première opposition hors pays « fang et punu », qui a raflé des pans du Haut-Ogooué-Lolo au pouvoir d’OBO dès 2005, a été insufflée par un patriarche du pays nzebi, en l’occurrence Zacharie Myboto. Il n’est pas à exclure que la chute définitive de ce régime intolérant aura comme maître d’ouvrage un  – ou une – ressortissant(e) du pays de Wongo.

Alors SPM ABO, de quoi sera fait demain ? Just wait …and see !

* enfants

Article publié le 14 Mars 2016

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