FOCUS : Réaction de Me Moutet sur la controverse autour de l’acte de naissance d’Ali Bongo Ondimba

Copie de Eric Moutet
Me Eric Moutet

« Madame Dumont-Beghi décide d’asséner une leçon de droit assez complexe au peuple gabonais plutôt qu’à des juges… »

Le point de vue de Me Moutet dont nous avons recueilli la réaction à chaud.

ECHOS DU NORD : Vous avez suivi les déclarations de Me Claude Dumont Beghi. Quelle est votre réaction sur les accusations qu’elle porte sur votre cliente Onaida Maisha Bongo Ondimba ?

Me ERIC MOUTET : J’ai regardé très rapidement cette conférence de presse, j’arrive juste de congés, et me réserve la possibilité d’y revenir plus longuement en d’autres moyens d’expression.

Madame Dumont-Beghi déclare s’adresser au peuple gabonais tout entier dans son « allocution », et choisi ainsi de s’exprimer à l’intention du peuple d’un Etat souverain, qui n’est pas le sien, au lendemain de la déclaration de candidature à la magistrature suprême de son client.

Il m’apparaît évident que son excellence Ali Bongo Ondimba n’a pas besoin d’avocat pour s’adresser directement à son peuple. Nous autres avocats, nous adressons en général plutôt à des juges, dont c’est le métier.

Madame Dumont-Beghi décide d’asséner une leçon de droit assez complexe au peuple gabonais plutôt qu’à des juges. C’est son droit et elle exerce comme elle l’entend son métier d’avocat.

Elle rappelle, à juste titre, le caractère intime de l’état civil, mais oublie simplement de rappeler qu’elle à elle-même évoqué par voie de presse la question au nom de son client et que son excellence Ali Bongo Ondimba s’est lui-même exprimé très librement sur ce. Et c’est son droit le plus strict, au regard de l’article 10 de la Constitution du Gabon.

Madame Dumont-Beghi met en cause les journalistes du « Monde » sur la production, en décembre 2014, d’une copie d’état civil qui avait été indiquée comme émanant de proches de la présidence de la République. On regrette qu’elle n’ait pas cru devoir, à ce moment-là, attaquer ces journalistes en diffamation et provoquer ainsi le débat et attendre aussi longtemps pour affirmer qu’ils écrivent n’importe quoi.

Sur le fond, Madame Dumont-Beghi s’étonne de ce que ma cliente n’ait pas contesté l’acte de notoriété alors qu’elle contesterait la filiation de son demi-frère.

C’est aller bien vite en besogne, car à ce stade de la procédure, Mme Onaïda Bongo Ondimba ne conteste rien du tout, elle cherche simplement à obtenir des réponses.

S’il s’avère que les actes d’état civil dont il est question ne sont pas conformes à la réalité, ce qu’une enquête ou instruction en bonne et due forme pourrait justement permettre d’infirmer ou de confirmer, alors Mme Onaïda Bongo Ondimba prendra ses responsabilités pour contester, le cas échéant, sur le plan civil ce qu’il y aura à contester dans le cadre de la succession.

Au stade où nous en sommes, il existe simplement un certain nombre d’éléments assez troublants qui militent pour une recherche de la vérité. C’est dans l’intérêt de tous, son client bien compris, me semble-t-il ?

Madame Dumont-Beghi rappelle la possibilité de plusieurs registres de l’état civil recopiés par la même personne.

Nous n’avons pas attendu son analyse sur ce point et avons même évoqué l’hypothèse auprès de Madame la procureure de Nantes.

Cela ne retire rien au fait que :

1°) Nous avons produit et plaidé l’existence d’un acte d’état civil concernant Mlle Annick Bongo qui serait née de la même mère que Monsieur Ali Bongo mais à cinq mois d’écart, ce qui est physiologiquement impossible.

Ni le procureur de Nantes à l’époque, ni Madame Dumont-Beghi ne se sont jamais exprimés sur ce point.

2°) Les actes produits ne ressemblent en rien à ceux existant à l’époque en AEF, nous en avons produit, et, surtout, ces actes ne contiennent aucun attribut ou tampon officiel de la mairie ou d’un quelconque service d’état civil.

3°) L’officier d’état civil qui apparaît sur ces actes de 1959, Monsieur Nzalakanda, ne signe pas le registre, ou l’acte, et son nom est d’ailleurs mal orthographié sur l’acte. Comment aurait-il pu se tromper sur son propre nom ?

Nous avons d’ailleurs produit des documents attestant que ce Monsieur Nzalakanda ne serait plus à Brazzaville en 1959, mais à Paris.

4°) La signature de Monsieur Omar Bongo Ondimba n’est pas la même sur les différents actes, et il est d’ailleurs le seul à signer, sans l’officier, ce qui est juridiquement aberrant, car c’est bien la signature de l’officier qui authentifie l’acte.

Si l’on admet la thèse du double registre établi au même moment, ce que plaide Madame Dumont-Beghi sans doute à juste titre, comment expliquer que Monsieur Omar Bongo Ondimba ait pu avoir deux signatures aussi différentes au moment de signer un acte et la copie de cet acte ?

Voilà pour les éléments troublants les plus marquants.

Voilà pourquoi ma cliente souhaite désormais poursuivre la procédure par le biais de sa constitution de partie civile, ce qui aura pour effet de faire désigner automatiquement un juge d’instruction à Nantes chargé d’enquêter de manière approfondie. Je dois déposer cela mardi ou mercredi à venir.

E.D.N: Du classement sans suite…

Me E.M: S’agissant du classement sans suite de Madame la procureur de Nantes, je ne m’étonne pas de sa position dans la mesure où le parquet de Nantes avait déjà mis en avant l’incompétence des juridictions française dans le cadre de notre débat sur l’accès à l’acte devant le juge des référés du TGI.

Le magistrat du siège avait écarté cette incompétence soulevé tant par le parquet que Madame Dumont-Beghi à l’époque, le juge les avait déjà déboutés de cet argument en quelque sorte.

Pour autant, il est cohérent que Madame la procureur maintienne sa position sur le plan pénal.

Nous maintenons la nôtre, avec l’espoir que le juge pénal fera comme le juge civil de Nantes et considérera que la France est bien compétente pour enquêter.

E.D.N: De la proposition financière…

Me E.M: Madame Dumont-Beghi attaque très frontalement ma cliente en l’accusant d’avoir diligenté ces procédures face à un refus de céder à une demande financière extravagante en 2014.

Je n’étais pas le conseil de Onaïda à ce moment-là et ne suis donc pas la meilleure personne pour m’exprimer sur ce point. Ce qui est certain, c’est que tout est extravagant dans cette succession. Les chiffres qui y circulent également.

Dans la mesure où, justement, Onaida n’a aucune idée exacte du montant de cette succession, au moment où un partage partiel était imaginé, il n’est pas anormal que des propositions à l’aveugle aient pu être imaginées, et alors ?

E.D.N: Le fait de vouloir sortir proprement d’une succession est-il anormal ?

Me E.M: Il est évident qu’une bonne défense contient une forte dose d’attaque et qu’il est évidemment de bon aloi de venir salir publiquement ma cliente. Et à ce compte-là, il faudra mettre au ban de la société gabonaise tous les héritiers de la succession Bongo pour ceux qui oseront réclamer une part de cet héritage.

Mais ce n’est pas en salissant Onaida qu’on annulera d’un trait les questions qu’elle se pose et continuera de se poser tant que des réponses claires et précises n’auront pas été apportées.

J’ai reçu mandat pour cela et à ce jour nous poursuivons notre action.

Propos recueillis par : Ramses Frank

Article publié le 08 Mars 2016

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