

Par : Stephen Jean Landry
« Le Douk-Douk », hebdomadaire pro-gouvernemental, vient de nous livrer à la une de sa dernière parution une correspondance du tribunal de grande instance de Libreville qu’il considère comme l’épilogue du feuilleton que constitue l’imbroglio des origines de sa petite majesté. Et ce journal, fidèle avocat du système-Bongo, se fait donneur de leçons de droit, en veux-tu en voilà. Selon les commentaires de ses rédacteurs, l’avis de classement délivré par le tribunal de Libreville viendrait non seulement « certifier qu’il n’y a aucun faux dans les papiers du citoyen gabonais Ali Bongo Ondimba » mais également « confirmer la régularité et l’authenticité de l’acte de naissance de M. Ali Bongo Ondimba et qui a été délivré par le maire Serge William Akassaga ». Maire du 3e arrondissement, il faut le préciser. De son côté, comme en écho au « Douk-Douk », Me Dumont-Beghi, l’avocate de sa petite majesté, ne nous a pas vraiment tenus en haleine pendant près d’une heure de Gabon Télévision, tentant, elle aussi, de nous convaincre, sans grand talent, que l’avis du procureur de la République classant l’affaire la clôt. Pourtant, loin s’en faut.
Tout est apparemment bâti sur l’article 163 du Code civil qui autoriserait que la « transcription » puisse être « faite sur les registres du lieu du domicile ». C’est ainsi que le procureur écrit à Gondjout Paul Marie « qu’il suit que la transcription ainsi faite à la Mairie du 3e arrondissement, lieu du domicile du susnommé [Ali Bongo Ondimba]… est conforme à l’article 163 du code civil ». Sans toutefois préciser la nature et l’authenticité de l’acte qui a permis cette transcription, ce qui demeure jusqu’aujourd’hui une énigme. D’autant que la précision fournie par Hélène Le Gal, conseillère Afrique de François Hollande, dans sa correspondance adressée, le 15 juillet 2015, à Jean de Dieu Moukagni Iwangou, vaut son pesant d’or : « L’extrait d’acte de naissance délivré le 18 juin par le service central d’état-civil [de Nantes] …ne comporte aucune mention relative à la filiation. »
Revenons à l’article 163 du Code civil gabonais. Lisons : « Lorsque la transcription d’un acte de l’état-civil ou d’une décision judiciaire en matière d’état-civil ne peut être effectuée sur les registres prévus par la disposition qui l’ordonne, cette transcription est faite sur les registres du lieu du domicile, ou, à défaut, sur ceux de la mairie du premier arrondissement de la capitale. » Or, les actes « dressés ou transcrits » le sont, article 162 du même Code civil, « par les agents diplomatiques ou consulaires du Gabon, par Tribunal de Grande Instance de la capitale ». Telle est « la disposition qui l’ordonne ». Cependant, si vous résidez à Oyem, la transcription peut se faire sur les registres du lieu du domicile, c’est-à-dire au tribunal d’Oyem. A défaut de tout cela, uniquement « sur ceux de la mairie du 1er arrondissement ». Ce qui revient à dire que, résidant à Libreville, sa petite majesté n’avait le choix qu’entre le tribunal de grande instance de la capitale et la mairie du 1er arrondissement. La spécification de la mairie du 1er arrondissement exclut d’office non seulement les mairies des autres arrondissements de Libreville, mais également celles de tout le pays.
Par ailleurs, il faut bien le noter, alors que la plainte de Paul-Marie Gondjout porte sur l’inauthenticité de l’acte de naissance de Bongo Ondimba Ali, le procureur, lui, botte en touche en écrivant : « Mais attendu qu’à l’examen dudit acte, il ressort que celui-ci a été établi suivant le jugement portant changement de nom rendu par le Tribunal de première instance de Libreville. » Mais s’agissait-il, pour Gondjout, de vérifier la conformité ou non de la procédure de changement de nom de sa petite majesté ? Le problème posé par Gondjout vise quant au fond deux choses. D’abord, l’authenticité du document-matrice, l’acte de naissance, qui a permis à ABO de passer d’Alain-Bernard à Ali puis à Ondimba et, au grand dam des Gabonais, de se présenter à la présidentielle de 2009. Puis, l’incompétence, conformément au Code civil, de toute mairie autre que celle du 1er arrondissement de Libreville en matière de transcription d’un acte d’état civil. Incompétence juridique qu’ont allègrement transgressée « Akassaga Okinda Serge William et X » au profit de sa petite majesté.
C’est de cela qu’il est question. Or, pour le procureur, apparemment, changement de nom vaut acte de naissance. Comme si dans une épreuve de course, un petit malin, dans les derniers kilomètres de la compétition, sortant subrepticement de nulle part, se mêlerait aux coureurs et, profitant de cette ruse, arriverait en tête de la compétition. Inacceptable ! Le point de départ, c’est l’acte de naissance de sa petite majesté. Sa sœur jumelle, Ngozi Okonkwo, a retrouvé ses parents de sang au Nigeria. ABO, lui, s’ingénie à nous faire croire qu’il est le fruit des œuvres d’Albert Bernard Bongo et Joséphine Kama. Tout ça dans un même ventre ! Il y a de quoi avoir des doutes. Et pour les Gabonais, il n’y en a plus. Il n’y a qu’à lire les journaux. Au-delà des décisions que peut rendre une justice en laquelle très peu estiment qu’elle agit selon le principe de l’égalité de tous devant le juge, les Gabonais attendent de véritables et indiscutables preuves qui attestent qu’Ali Bongo Ondimba est Gabonais de naissance. Contrairement à ce qu’est venue bégayer, samedi soir, à Gabon Télévision, l’avocate de sa petite majesté, l’affaire n’est pas close.
Mais elle pourrait pourtant l’être. Déjà, en se rendant à Miami, pardon, à Brazzaville, récupérer l’un des deux exemplaires de l’acte de naissance original dressé et conservé dans la capitale congolaise, comme nous le confirme Hélène Le Gal. Mais, par les temps qui courent, il faut se l’avouer, la météo politique n’est pas très propice pour la santé de sa petite majesté dans le pays de Sassou Nguesso qui le soupçonnerait, comme nous le détaille Médiapart, d’avoir voulu lui faire un bébé dans le dos en organisant son renversement. Jean-Boniface Assele s’y serait d’ailleurs rendu pour faire baisser la tension. Rien n’interdit de penser que ce fut là une mission impossible. Il reste donc le test d’ADN. « Sans moi », semblent dire le fils et la mère qui a pourtant subi, avant l’heure, une césarienne, autrement plus fastidieuse que ce banal test.
Sans Brazzaville où Nantes et Paris visiblement renvoient l’affaire, et sans test d’ADN, il faut bien se dire que les déclarations à l’emporte-pièce et les décisions d’une justice aux ordres ne convaincront pas grand monde. Elles seront, et le sont déjà, assimilées à une préparation d’un prochain coup de force.
Article publié le 09 Mars 2016