LE DEBAT AUTREMENT:« Le dialogue inclusif doit nous emmener à renforcer notre démocratie et l’État de droit(…) et à mettre sur pied la commission Vérité et Réconciliation. »

Dieudoné Milama
Dieudonné Minlama Mintogo

déclare Dieudonné Minlama Mintogo, avec qui nous ouvrons cet espace : « Le débat autrement » via de grandes interviews. Cet espace, que nous améliorerons au fil des semaines, est voué à accueillir des personnalités politiques et de la société civile ; des enseignants d’université, des responsables des organisations, des institutions et des confessions religieuses.

 Echos du Nord : Jusque-là on a connu le Dieudonné Minlama  Mintogo de la société civile, il y a celui qui se porte candidat aux élections à venir. Qu’est-ce qui a créé le déclic ? 

Dieudonné Minlama  Mintogo : Comme je l’avais dit lors de ma première sortie politique au Collège Ntchorere  «  s’il n’y avait pas eu le 12 avril, il n’y aurai jamais eu le 20 juin  ». En effet, le 12 avril  2015, le Gabon a perdu un de ses fils les plus brillants en la personne de Monsieur  André Mba Obame.

Au lendemain du décès du président Bongo, AMO était convaincu que l’unité nationale et la stabilité politique léguées par ce dernier allaient être mises à rude épreuve.

AMO savait que les pesanteurs internes et externes, les intérêts multiples et complexes, les craintes, les peurs, les ressentiments,  les frustrations, en un mot l’impact de la partie sombre de l’héritage Bongo allaient forcement peser sur notre destin immédiat et que les risques d’une implosion, d’un embrasement du pays étaient réels. AMO savait aussi que la Nouvelle Espérance qu’il proposait ne pouvait pas prospérer dans un environnement instable et non pacifié.

C’est fort de ces certitudes qu’il s’était positionné en interposition entre les différentes  forces, les différentes ethnies, les différentes personnalités, les différents intérêts,  pour éviter au pays de connaitre les affres de la violence et de la déstabilisation  qui ont détruit plusieurs pays africains dans les phases de transition ou de tentatives d’alternance.

C’est au nom de cette interposition que, convaincu de sa victoire aux dernières élections présidentielles mais face à une situation explosive qui allait faire sombrer le pays, AMO avait finalement décidé de prendre une décision difficile et inacceptable. Il a préféré le jugement de Salomon à la destruction du pays. Oui, il suffisait qu’AMO tousse pour que le Gabon s’embrase au sortir de la dernière élection  présidentielle…

Milama meeting
Dieudonné Minlama Mintogo, au sortir d’un meeting au complexe N’Tchorere à Libreville

E.D.N : « AMO a maintenu la paix et la stabilité.  Il a semé la graine de l’Espoir et de la Nouvelle Espérance. »

D.M.M : Comme vous pouvez le constater, rien n’était plus important pour AMO que la stabilité du pays et son unité, même pas le fauteuil présidentiel pour lequel beaucoup d’hommes politiques n’hésitent pas à mettre leurs pays à feu et à sang, à organiser des génocides ou à exacerber les haines  et les rancœurs.

Tout au long de ces six (6) dernières années, AMO a maintenu la paix et la stabilité.  Il a semé la graine de l’Espoir et de la Nouvelle Espérance. En nous quittant, la digue qui servait d’interposition s’est effondrée. L’espoir s’était obscurci et l’espérance s’était éloignée.

Face à une classe politique qui se déchire et qui  s’amuse à nous faire peur. Face à une classe politique qui sème haine, division, vengeance, répression, j’ai compris qu’il nous fallait, très vite, réinventer l’interposition si nous ambitionnons atteindre la Nouvelle Espérance.

J’ai aussi compris qu’en pareille situation, AMO allait simplement me dire de prendre l’initiative comme il ne cessait de me le dire en situation de crise. C’est ce que j’ai fait. J’ai décidé de créer le Mouvement citoyen «  Convention Nationale de l’Interposition  ». Et pour atteindre la Nouvelle Espérance j’ai décidé de me porter candidat aux prochaines élections présidentielles.

E.D.N : On ne s’improvise pas en politique. Généralement certains de ceux qui ont pris la décision de se porter candidat pour la charge suprême ont eu derrière eux une longue histoire politique. En ce qui vous concerne, que pouvez-vous dire de votre parcours politique ?

D.M.M : Je crois que très jeune, je me suis toujours mis au service des autres, de la société, de la communauté, du groupe. J’ai toujours porté sur moi les problèmes des autres et leurs espoirs. Quand nous jouions au foot, très rapidement on faisait de moi le capitaine de l’équipe, à l’internat  j’étais le maître, dans les associations et autres groupes les autres faisaient souvent de moi leur président. Au fait, je crois que je dois cela  à mon éducation mais aussi à mon parcours scolaire et académique.

E.D.N : « …chez les catholiques la formation de l’esprit était une véritable préparation au don de soi, à la générosité, au respect de la chose publique, au refus de l’injustice, à la compassion… »

D.M.M : J’ai eu la chance de connaître  quatre (4) grands pères et chacun excellait dans un domaine. J’ai beaucoup appris d’eux. Je me souviens encore de la dernière leçon que l’un d’entre eux, ancien catéchiste, me donna, deux semaines avant sa mort. J’étais en classe de 4ème, il prit la Bible et me fit lire l’Evangile Selon Saint Mathieu, chapitre 25, du verset 31 à 46 … Je crois que ma conscience politique est née ce jour. Il m’avait dit de vivre et d’agir selon ce passage biblique, bref.

J’ai aussi eu la chance d’apprendre dans les établissements  catholiques : Collège Jésus Marie de Bitam ; Collège Saint Gabriel de Mouila ; Collège Bessieux (Libreville). Dans ces établissements, il existait des mouvements chrétiens. J’étais GEN (Génération Nouvelle). Une expérience formidable. Je me souviens encore que chacun de nous devait réaliser au moins une BA (Bonne Action) par semaine. Au fait, chez les catholiques, cette formation de l’esprit était une véritable préparation au don de soi, à la générosité, au respect de la chose publique, au refus de l’injustice, à la compassion …

C’est finalement à l’USTM (Université des Sciences et Techniques de Masuku) que j’ai rencontré la politique  au sens propre du terme.

Déjà 1989, en plein monopartisme, nous avions reçu une cassette du président Mamboundou. Je me souviens que nous la faisions passer clandestinement entre amis. C’était osé.

Ensuite, c’est la Conférence nationale. La suite a été très riche, membre des jeunesses bleues, avec des amis nous avons animé la vie politique au sein des universités gabonaises et en dehors au début des années 90.

Nous avons crée  un grand mouvement  dénommé «  Espoir démocratie  », ensuite le RJB (Rassemblement des Jeunes Bucherons). Après nous avons créé le SEG (Syndicat des étudiants gabonais) et  le SEPS (Syndicat des Elèves du Primaires et du Secondaires).

Ceux qui connaissent l’histoire politique  du Gabon savent le rôle important que ces différents mouvements ont joué dans la démocratie gabonaise au début des années 90.

Il est vrai qu’après l’échec de 1993, après avoir compris que l’heure de l’alternance n’était pas arrivée, nous avions, d’un commun  accord, décidé de mettre une parenthèse (moi et certains de mes amis), à la vie politique. En 2009, après le décès du président Bongo, nous sommes revenus, et nous avons crée l’Observatoire National de la Démocratie que je dirige aujourd’hui.

E.D.N : Qu’est-ce qui vous a particulièrement marqué dans cet événement ?

D.M.M : La Conférence nationale était comme un rêve pour moi. Vous savez, un an, avant cette Grand-messe, le président Bongo avait déclaré à Bitam  «  Tant que je serai à la tête de ce pays, il n’y aura jamais de Multipartisme ».

Un an après, l’histoire s’était accélérée et nous étions à cette grand-messe. Pour la première fois, les Gabonais ont pu dire ce qu’ils pensaient. J’avais été émerveillé par la pertinence des interventions des uns et des autres, par la richesse intellectuelle mais aussi par le sens du consensus des différents acteurs. Je découvrais un autre Gabon, des nouveaux Gabonais. Un vrai contraste par rapport à ce qui nous était servi par le petit livre vert et la minute du parti. J’avais espoir , je pensais que le Gabon  allait décoller …Mais hélas , les égoïsmes des uns et des autres , la volonté de perdurer au pouvoir , l’obsession de s’enrichir  de certains  ont  , en quelques années , détruit tout ce que les Gabonais avait  bâti   de façon consensuelle au cours de cette rencontre historique .

E.D.N : Qu’est-ce qui vous amène aux avant-postes de ces mouvements où on retrouve certaines figures comme Jean Rock Abaga et d’autres ?

Milama société civile
Dieudonné Minlama Mintogo, ici sous la casquette de Président de l’Observatoire National de la Démocratie, plate-forme majeure de la société civile

D.M.M : Nous étions déjà des leaders estudiantins à l’USTM. Je dirigeais l’Assemblée Générale des étudiants. J’assurais aussi la gestion de la Mutuelle. Nous participions déjà à toutes les négociations qui se tenaient entre les étudiants   et les différentes autorités. Jean Rock Abaga était mon fidèle lieutenant.

Nous avions compris, après, avec nos collègues de l’UOB  (Désiré Ename, Jean-Christian Mombo, Marc Ona Essangui, Feu Ateng Mendome, etc.) qu’il fallait coordonner notre lutte vu que nos revendications  étaient souvent les mêmes, c’est pour cela que nous avons décidé de créer le SEG.

E.D.N : Le SEG est apparu comme la branche active d’un mouvement du Rassemblement national des bûcherons appelé le RJB (Rassemblement des Jeunes Bûcherons) ou les « Jeunesses Bleues ». Qu’en était-il ? Comment tout ceci était-il organisé.

D.M.M : Effectivement,  une des stratégies du RJB était de coordonner les différents mouvements sectoriels. C’est dans ce cadre que nous avions créé des Syndicats et des Bureau Spéciaux à l’intérieur des syndicats déjà existants.   Nous avions une direction centrale. Un noyau dur et des branches. Le noyau décidait, choisissait les dirigeants, définissait la politique et les branches exécutaient. Le SEG, comme le SEPS, comme les bureaux spéciaux au sein des autres Syndicats étaient simplement des branches du RJB.

« L’argent n’a jamais fait partie ni de nos discussions  ni de nos préoccupations.

Nous étions des jeunes engagés et ambitieux, nous travaillions pour le pays. »

E.D.N : Officiellement c’est au sein de ces « jeunesses bleues » que vous démarrez votre carrière politique alors ?

D.M.M : Effectivement, ma carrière politique a démarré au sein de ces «  Jeunesses bleues ».

E.D.N : Parlez-nous des valeurs au sein de ce mouvement. Est-ce que l’argent était un dénominateur essentiel ? Quels étaient vos motivations ?  

D.M.M : Nous étions au sein du RJB par conviction. L’argent ? Le RJB n’avait même pas de budget. L’argent n’a jamais fait partie ni de nos discussions  ni de nos préoccupations. Nous étions des jeunes engagés et ambitieux, nous travaillions pour le pays. Plusieurs d’entre nous, après leurs études, avait décidé volontairement de  sacrifier   quelques  années de leur vie  pour faire avancer la démocratie. C’était mon cas.  Nous ne réclamions rien à personne.

Nous étions sincères, organisés, disciplinés  et solidaires. Pour implanter le RJB sur toute l’étendu du territoire national, Désiré Ename, le chargé de l’organisation,  empruntait les clandos et passait les nuits chez les militants du parti.

Je me rappelle  des élections présidentielles de 1993. C’est moi qui avais convoyé le budget alloué à la coordination de campagne du Père Mba Abessole dans le Haut-Ogooué. Cette coordination, dirigée par Jean Rock Abaga,  était essentiellement composée   des membres du RJB, du SEG et du SEPS. Vous savez combien j’avais amené ?

E.D.N : Non. Dites nous !

D.M.M : Une somme de 500 000 FCFA. Mais avec conviction et détermination, ce groupe a mené une campagne formidable. Le Père Mba est sorti victorieux dans plusieurs centres de vote du Haut-Ogooué.

D’ailleurs, au cours de cette élection, des candidats plus fortunés avaient mordu la poussière devant notre candidat de l’époque qui ne disposait pratiquement d’aucune ressource : JP Lemboumba-Lepandou (1, 4 %),  Marc Saturnin (0,9 %), Léon Mebiame Mba (0, 4 %).

E.D.N : De là vous entrez dans la vie professionnelle et sur des années vous n’agirez que dans l’ombre pour recommencer à vous faire entendre dans le cadre de l’Observatoire national pour la démocratie (OND). Quel a été votre rôle en 2009 et après ?

D.M.M : Effectivement, après le décès du président Bongo, avec mes amis, nous avions pris la décision de réinvestir le terrain politique et social. C’est dans ce cadre que la direction de l’Observatoire National de la Démocratie m’a été confiée. Aussitôt, il fallait peser dans l’élection qui suivait.

J’ai formé 200 observateurs et j’ai mis en place un autre système  de supervision de cette élection. Le gouvernement, qui se méfiait de nous, a refusé de nous donner des accréditations.

E.D.N : « A l’annonce des résultats, nous étions les premiers à dire au président actuel qu’il n’avait pas gagné…et rappelé au Président Sarkozy que les facteurs externes ont faussé le résultat du vote… »

D.M.M : Mais grâce à notre plan B, nous avons suivi et observé cette élection. A l’annonce des résultats, nous étions les premiers à dire au Président actuel qu’il n’avait pas gagné. Nous avons aussitôt écrit au Président Sarkozy, en lui rappelant que les facteurs externes ont faussé le résultat du vote, en  le mettant en garde sur les éventuels débordements qui pourraient déstabiliser le pays.

Nous avons ensuite procédé à l’analyse des résultats et nous avons compris qu’en dehors des pesanteurs externes, ils existent aussi des facteurs internes qui empêchent les alternances politiques au Gabon. Aussi avons-nous soumis une proposition de transition à la classe politique.

Le deuxième grand dossier sur lequel nous avons travaillé concerne le dialogue et les réformes sociopolitiques au Gabon. En effet, après la formation d’un gouvernement alternatif par Monsieur André Mba Obame, nous avons lancé un appel au dialogue inclusif. Cet appel a été  enrichi, quelques jours plus tard,  par la production du mémorandum de la Société civile gabonaise sur la situation sociopolitique au Gabon. Le plaidoyer , le lobbying et le réseautage qui s’en sont  suivis ont  abouti : à la non participation des  Gabonais aux élections législatives de 2011 avec le slogan «  pas de biométrie  pas d’élection » , à la rencontre de Paris de 2012 , à la participation aux élections locales de 2013 avec pour objectif de tester la biométrie , à la réforme du CND  et aujourd’hui à la décision  du pouvoir d’ organiser enfin ce dialogue inclusif.

Le troisième axe sur lequel nous avons travaillé, a concerné la gestion de la crise du PNUD. Notre plaidoyer, avec le concours des uns et des autres auprès des institutions nationales et internationales, a abouti à l’abandon de toutes les charges qui pesaient sur la personne d’André Mba Obame  et à son retour au pays en toute sécurité …

Le quatrième axe a concerné la défense des militants des droits de l’Homme et des journalistes, des syndicalistes. A chaque fois qu’un défenseur des droits de l’Homme a été inquiété, l’Observatoire s’est toujours organisé pour assurer sa protection et sa sécurité.

Nous avons aussi participé à plusieurs médiations. Enfin, à travers, les publications séminaires et colloques, nous avons participé au renforcement de capacités des acteurs politiques et des membres de la société civile.

 

André Mba Obame et vous

E.D.N : Vous rencontrez sur votre parcours un personnage politique et pas des moindres : André Mba Obame.  Comment cette histoire a-t-elle commencé ?

D.M.M : J’étais encore étudiant. J’étais leader et le Président Bongo était venu à Franceville. Au cours d’une rencontre avec les étudiants, AMO a découvert que nous étions frères. Voilà comment cette histoire a commencé.

E.D.N : Certains voient une relation peu ordinaire avec lui. Car, disent-ils, vous étiez non seulement le visiteur impromptu mais très souvent le dernier visiteur du soir. Etiez-vous seulement le frère, ou alors l’émissaire spécial voire le haut représentant ?

D.M.M : Nous avions une relation forte et riche. Oui j’étais son frère. J’étais aussi un émissaire spécial. Dans certains milieux, il a fait de moi son Haut Représentant. Il disait à certains de nos interlocuteurs que j’étais le seul qui pouvait signer en son nom.

E.D.N : Sans trahir de secrets, quels genres de missions vous confiait-il ?

D.M.M : Les missions étaient de plusieurs ordres. Je passais  des messages. Je négociais avec certains  hommes politiques. Je le représentais  à certaines rencontres stratégiques. J’organisais et coordonnais des rencontres avec certaines personnalités…

« J’ai appris d’AMO  qu’en politique, il faut bâtir des ponts et non des murs. »

E.D.N : Des gens spéculent sur le fait qu’AMO aurait adoubé un homme politique actuel. Cela a-t-il un début de crédibilité ?

D.M.M : Non, non et non !  AMO m’informait de tout et demandait toujours mon avis quand il s’agissait de ce type de dossier. Je sais ce qu’il pensait de chacun. Certaines personnalités politiques ont essayé de le rencontrer, il m’en a parlé. Il n’a jamais accepté. A chaque fois, il me rendait compte et me donnait des instructions sur les messages à faire passer auprès de qui de droit.

E.D.N : Pour avoir côtoyé un personnage aussi important et de façon quasi exclusive, qu’avez-vous retenu de lui ?

D.M.M : Humble et respectueux.  AMO était humble. Il respectait tout le monde. Il respectait beaucoup ses aînés. Un jour, après que lui et moi nous sommes mis d’accord sur la participation aux élections locales de 2013, il a décidé d’aller lui-même l’annoncer au président Myboto  et au Premier ministre Jean Eyeghe Ndong,  malgré son état de santé.  J’ai essayé de l’en dissuader pour que ce soit le président Myboto et le Premier ministre qui viennent vers  lui, vu de son état de santé. Il m’a dit : «  par respect, c’est la cadet qui doit aller vers les aînés  ». J’ai aussi appris d’AMO  qu’en politique, il faut bâtir des ponts et non des murs.

 « Je me dois, à un moment ou à un autre, d’apporter ma petite pierre

à la consolidation de cet édifice…Union nationale »

E.D.N : Un des legs d’AMO était l’Union nationale. C’est au sein de ce cadre que tous ses amis fidèles continuent de se regrouper. Est-ce que vos perspectives politiques déclinent une proximité à venir avec ce cadre ?

D.M.M : Il me disait toujours que  tous les amis du roi ne sont pas au Palais.  Je sais que l’Union nationale est un des legs d’AMO. Je sais  combien, il tenait à cette œuvre. Vous conviendrez bien avec moi que je me dois , à un moment ou à un autre , d’apporter ma petite pierre à la consolidation de cet édifice .Lui et moi  étions d’accord sur le fait qu’il n’était pas nécessaire  de créer un petit parti de trop, mais qu’il fallait œuvrer pour l’avènement d’un grand parti, d’un parti capable de prendre le pouvoir et de gouverner …

E.D.N : Parlant plus de votre candidature, vous vous présentez comme le candidat de l’interposition. Est-ce à dire que vous vous placez dans la droite ligne d’André Mba Obame ? 

 D.M.M : Cela ne souffre d’aucune ambiguïté, je me place exactement dans la droite ligne d’André Mba Obame. Je le répète et je persiste, s’il n’y avait pas eu de 12 avril, il n’y aurait jamais eu de 20 juin.

E.D.N : Quels sont vos rapports avec l’opposition de façon générale ?   

D.M.M : Mes rapports avec l’opposition sont bons.  J’ai travaillé avec l’opposition dans le cadre des réformes politiques en 2011. Je connais personnellement plusieurs leaders avec lesquels j’entretiens de relations très cordiales.

La présidentielle

Milama
Dieudonné Minlama Mintogo, en course pour la magistrature suprême

E.D.N : Vous avez inscrit votre démarche d’emblée en dehors de la coalition formée autour de plusieurs leaders politiques dénommée Front de l’opposition pour l’alternance (Front). N’avez-vous pas l’impression de faire le jeu d’Ali Bongo Ondimba puisqu’en tant qu’un ancien proche d’André Mba Obame, vous risquez de puiser dans l’électorat de l’opposition ?

 D.M.M : Mon objectif est d’amener le maximum de Gabonais a voté pour moi et non de faire le jeu de qui que ce soit. Je propose aux Gabonais une troisième voie. La voie de la stabilité, de la rupture et des réformes.

Je pense  qu’un pouvoir qui serait dirigé par un camp extrême ne pourra pas prospérer. Pour que le Gabon traverse cette phase sans heurts ni violence avec tous ses enfants, il faut que le pouvoir soit confié à quelqu’un de neuf, à une personne qui peut faire le consensus, à une personne qui peut rassembler, à une personne qui peut négocier les grands accords  dans les différents secteurs d’activités  pour mettre les réformes nécessaires  en œuvre. Il faut que le pays soit dirigé par une personne qui peut rompre avec les pratiques du passé et solder la face sombre de l’héritage Bongo, sans prendre le risque de précipiter le pays dans le désordre et le chaos.

Je rencontre beaucoup de jeunes. Ils me disent qu’ils sont fatigués de la monotonie.  Ils veulent autre chose : une nouvelle élite, de nouveaux dirigeants, un homme neuf qui ne soit pas impliqué dans les maux qui ont mis ce pays à genou.  Ces jeunes et plusieurs autres Gabonais ne veulent pas choisir entre le mal et le pire ! C’est pour eux que je me présente.

N’oublions surtout pas que plus de 65 % du corps électoral sont composés des jeunes de moins de 30 ans et que le taux d’abstention est plus important au sein de cette tranche d’âge.  C’est cette tranche d’âge que nous mobilisons  et conscientisons aujourd’hui.

E.D.N : Votre démarche n’aura-t-elle pas eu plus d’impact en vous soumettant à la règle de cette coalition qui vise une candidature unique de l’opposition ?

D.M.M : J’avais été clair, à ce sujet. Une  candidature unique de l’opposition comporte des gros risques de divisions  et d’incertitudes. Par contre je pense que l’opposition pouvait se coaliser et  mutualiser les efforts et les moyens sur des aspects plus pratiques. Regardez les dégâts que cette démarche  cause au sein de l’opposition.  L’impression que nous avons c’est que les opposants  passent plus de temps à se neutraliser  entre eux qu’à travailler pour l’alternance.

« Il y a ceux qui  sont dans l’opposition par conviction, ces derniers travaillent  vraiment pour  l’alternance »

E.D.N : Le Front de l’opposition vient d’imploser. Que vous inspire cette impossibilité presque congénitale de l’opposition à s’unir sur l’essentiel depuis 1990 ?

D.M.M : Il est difficile d’unir des acteurs  qui ne visent pas les mêmes objectifs. Pour avoir eu la chance de travailler, pendant près d’un an, avec l’opposition, j’ai compris  que tous ceux qui se réclament de ce camp politique ne militent pas pour les mêmes causes. Il y a ceux qui  sont dans l’opposition par conviction, ces derniers travaillent  vraiment pour  l’alternance. Il y a ceux qui veulent se faire remarquer par le pouvoir  et espérer négocier quelques  postes. Il y en a aussi ceux qui viennent dans l’opposition pour  juste se servir de ce positionnement  pour se donner une hypothétique   « virginité politique » et espérer rebondir en bernant le peuple. En plus de ça, il y a des pesanteurs internes, ne nous voilons pas la face : le tribalisme, la guerre des égos, le clientélisme …

E.D.N : Vous avez annoncé votre intention de participer à une élection présidentielle alors que le minimum en termes de transparence n’est pas réuni. Il n’y a pas si longtemps que cela, vous avez appelé à la mise en place d’une transition sur le modèle Sud-africain pour éviter le chaos. N’est-ce pas là une contradiction ?

D.M.M : Pas du tout, je reste constant et cohérent dans ma démarche ! Dans ma déclaration du 20 juin,  j’avais encore une fois de plus  appelé à l’organisation d’un dialogue avant la tenue des élections. D’ailleurs, je déclarais le 30 décembre 2014, qu’une élection, fusse-t- elle libre, démocratique et transparente, ne peut pas à elle seule garantir la stabilité du pays: le dialogue s’impose à nous !

« L’histoire récente de l’Afrique nous enseigne que plusieurs candidats à «  réseaux » ont lamentable échoué »

E.D.N : Il y a en face de vous des personnalités dont une s’est déclarée, en l’occurrence Jean Ping. On le dit homme d’une riche expérience internationale et de réseaux. Ne pensez-vous pas que muni de ces atouts, il part favori ?

D.M.M : Je ne souhaite pas parler de mes éventuels adversaires mais je pense que ce sont les Gabonais qui éliront  leur président. Ce ne seront ni les réseaux encore moins les carnets d’adresse. C’est sur le terrain que se dégageront les vrais favoris.

J’ai tenu un meeting à Libreville (Collège Ntchoréré)  et une rencontre citoyenne avec les jeunes d’Oyem. Plusieurs observateurs s’accordent à dire que, seul, je mobilise mieux  que certains supposés «  grands candidats  » disposant de très grands moyens financiers  et soutenus par une  cohorte de personnalités politiques  et autres leaders d’opinion.

En plus, vous êtes sans ignorer que l’histoire récente de l’Afrique nous enseigne que plusieurs candidats à «  réseaux » ont lamentable échoué à ce niveau de la compétition politique : Modibo Diarra au Mali, El Baradei  en Egypte, Edem Kodjo au Togo et Marc Saturnin Nnang Nguema au Gabon…

E.D.N : Des personnes, notamment le Maire Essono  Mengue  d’Oyem, ont appelé à une candidature non Fang. Cela ne vous met-il pas à l’étroit ?

D.M.M : Je respecte Monsieur Essono Mengue, c’est un grand notable fang. C’est quelqu’un pour qui j’ai une très grande admiration.  Mais je pense que ceux qui lui ont vendu cette idée ont fait preuve de cécité et d’amateurisme. Chez les Fang les questions de pouvoir ne se traitent pas comme ça. On est venu dire  aux Fangs «  donnons d’abord le pouvoir à telle personne d’une ethnie différente, après il nous le rendra  ». Mais les Fang savent que le Pouvoir ne se prête pas. Ils savent aussi  que le Pouvoir ne se rend pas. Plusieurs notables Fang m’ont dit n’avoir rien compris de cette démarche qui semble surréaliste et incongrue. Cet appel fait rire dans les corps de garde. Cette démarche est même très dangereuse car elle vise à diviser le pays et à isoler les Fang.

De toute façon, en ce qui me concerne, je ne me sens pas à l’étroit par rapport à cet appel.  Je suis un Gabonais disposant de tous ses droits civils et politiques. La Constitution me permet de me présenter. Je ne suis pas le candidat des Fang. Je suis le candidat de tous les Gabonais qui souhaitent rompre avec les pratiques du passé et qui veulent bâtir un nouveau Gabon sur de nouvelles bases et sur les principes qui ont fait émerger de nombreux autres  pays.

E.D.N : Est-ce que l’idée vous est venue d’intégrer une des forces politiques organisées comme l’Union nationale, l’Adere, le RNB ou l’UPG ?

 D.M.M : Oui j’y pense.

E.D.N : Pensez-vous à des alliances ?

D.M.M : Les alliances sont nécessaires et voire incontournables. Je compte, une fois  élu, gouverner avec la base politique et sociologique la plus large possible  pour permettre à tous les Gabonais,  qui le souhaitent,  de mettre leur expertise à la disposition du pays. Nous avons besoin de tout le monde   pour sortir le pays du gouffre dans lequel ceux qui le dirigent depuis une quarantaine d’années l’ont plongé.

E.D.N : Votre mot de fin.

D.M.M : Je remercie le journal Echos du Nord pour cette opportunité qui m’est offerte de  parler avec les compatriotes. Je continue à penser que le Gabon a besoin d’une période au cours de laquelle nous devons tous nous mettre d’accord sur l’essentiel pour sortir le pays de l’impasse actuelle. Aussi je salue tous les acteurs qui, de près ou de loin, ont milité pour l’organisation du futur dialogue inclusif tant attendu par les Gabonais. Je souhaite que ce dialogue soit l’occasion de solder l’héritage des années Bongo. Ce dialogue doit nous emmener à renforcer notre démocratie et l’État de droit. Il doit aussi nous permettre de mettre sur pied la commission Vérité et Réconciliation.

Les Gabonais ont besoin de savoir. Les Gabonais ont  soif de vérité et de réconciliation. Ce dialogue doit aussi nous permettre de dédiaboliser la prochaine élection présidentielle qui fait tant peur. Que l’année 2016 soit pour tout le peuple Gabonais, l’année de la renaissance et le début d’une ère nouvelle.

Propos recueillis par : Ramses Frank et Jean Michel Sylvain

Article publié le 02 Mars 2016

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