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TRIBUNE LIBRE : Lettre au Chef de l’Etat

TRIBUNE LIBRE : Lettre au Chef de l’Etat
Jonas Moulenda
Jonas MOULENDA

Par : Jonas MOULENDA

Monsieur le Président,

Samedi dernier, vous avez organisé, à coups d’espèces sonnantes et trébuchantes, la cérémonie de votre investiture à la prochaine élection présidentielle. Vous vous fiez à la ferveur citoyenne lors de vos manifestations pour espérer rester à la tête du pays. Détrompez-vous. Ce sont les mêmes gens qui vous acclament aujourd’hui qui vous sanctionneront demain dans les urnes. « Le poisson a confiance en l’eau et c’est dans l’eau qu’il est cuisiné », disait mon grand-père.

Vous auriez dû renoncer à briguer un second mandat. Car le premier a été un échec total. Sur toute la ligne. L’État s’est étiolé, aussi bien dans l’esprit des citoyens que dans la réalité quotidienne. Même les règles démocratiques les plus élémentaires ne sont pas observées par votre régime, au moment où il est question de tourner la page pour écrire un nouveau chapitre de notre histoire collective. C’est pour cette raison que vous auriez dû saisir l’occasion qui vous était offerte pour sortir par la grande porte. Malheureusement, vous avez raté cette opportunité. Je vous comprends dans une moindre mesure. Mon aïeul disait : « La poule voit la porte, mais elle sort par la fenêtre.» Mais il n’est pas encore trop tard pour vous ressaisir.

Au moment où les combattants de la liberté sont embastillés, incarcérés ou exilés, le monde découvre un visage inquiétant de votre régime, du fait du recul incessant de l’État de droits et des libertés publiques. Chaque jour qui passe, nous assistons au délitement de la République, parce que les lois votées par votre majorité sont bafouées par vous-même. Or, vous devez les respecter, même lorsqu’elles ne vous arrangent pas. « Celui qui veut la pluie doit accepter la boue », me faisait observer mon papy.

Vous avez exclu de votre parti trois députés frondeurs. Quelle mouche vous a piqué pour que vous arriviez à l’extrême ? Je sais bien que tout pouvoir corrompt. Tout pouvoir absolu corrompt absolument. Vous auriez dû découvrir et éviter les traquenards ayant entraîné un tel dérapage. L’acte que vous avez posé vous portera préjudice, parce que  les trois députés ne réclamaient que des réformes légitimes. Mais votre appétit gargantuesque du pouvoir vous a fait voir en eux de dangereux adversaires. Finalement, mon pépère n’avait pas tort, lui qui disait : « Quand on a un marteau dans la tête, on voit tous les problèmes sous la forme d’un clou.»

Vous manquez de cohérence dans votre conduite politique. Vous avez prôné le changement, mais votre régime a plutôt instauré la pensée unique et le sectarisme discriminatoire le plus obscur pour régner plus longtemps. Vous entretenez le régionalisme, le tribalisme, le népotisme, les inégalités sociales, dont les conséquences sont la haine, l’intolérance et la méfiance. Il vous est difficile de continuer de mentir, car le peuple n’a pas l’intention de fermer les yeux. D’ailleurs, il ne compte pas sur votre politique politicienne. « La poule sait renverser la calebasse mais ne sait pas la relever », faisait remarquer mon pépère.

Avec vous, le Gabon a échappé à un péril pour se retrouver face à un autre péril encore plus grand. L’administration est désormais composée d’analphabètes, d’ignares, d’illettrés et d’incompétents, qui dictent leur loi aux instruits et expérimentés. Ils occupent des postes techniques. Pour émerger, il faut passer par des pratiques immorales ou la loge maçonnique. Vos collaborateurs n’existent que pour mystifier le peuple et répandre la misanthropie. Les voleurs s’habillent en costumes pour dissimuler leur cleptomanie. Les Gabonais veulent d’un pays débarrassé de ces oripeaux. Après votre chute, personne ne vous regrettera. D’ailleurs, mon aïeul disait : « Lorsque l’épervier meurt, la poule ne pleure pas. »

Votre népotisme vous a amené à confier tous les postes des régies financières et juteuses à votre fameuse légion étrangère. Et vous restez  motus et bouche cousue devant les malversations financières et les situations catastrophiques touchant directement à la dignité humaine, politique et socioéconomique des Gabonais. C’est une irresponsabilité de votre part ! Vous avez trahi la conscience nationale. Vous n’êtes pas digne de diriger le Gabon. Il faut qu’on vous le dise pour que vous ne vous gargarisiez pas d’un succès en carton-pâte. « Trop de louanges amène le chat à se prendre pour la panthère », disait mon grand-père.

Monsieur le Président, il n’est pas encore trop tard pour que vous négociiez votre départ. Jetez aux orties la crainte d’une retraite politique cauchemardesque et d’actions vengeresses de la part de votre futur successeur. Renversez les totems et faites éclater les tabous. Ou, mieux, considérez-les comme non avenus. Froidement, soyez intelligent et négociez votre départ. Les Gabonais ne veulent plus de vous comme dirigeant. Ils s’activent actuellement pour votre chute. Vous allez bientôt vous en rendre compte. « On entend le fracas des arbres qui tombent, mais pas le murmure de la forêt qui pousse », aimait à dire mon aïeul.

Article publié le 14 Mars 2016

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