TRIBUNE LIBRE : Lettre aux citoyens Gabonais

Posté le 23 Mar 2016
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Jonas Moulenda

Jonas MOULENDA

Par : Jonas MOULENDA

Mes chers compatriotes,

J’ai l’honneur de m’adresser de nouveau à vos cœurs. A l’approche de l’élection présidentielle, vous avez enclenché le compte à rebours de la fin du règne du despote Ali Bongo et sa légion étrangère. Vous nourrissez l’inébranlable espoir que la force des urnes les boutera dehors. Mais, j’ai le regret de vous annoncer que ces obnubilés du pouvoir n’entendent pas partir par la voie des urnes. « La panthère qui a faim n’abandonne pas sa proie », m’expliquait mon grand-père.

Le calife général et ses vassaux ont enrôlé des milliers d’expatriés acquis à leur cause. Le vote risque donc de ne pas être notre sésame. Il pourrait être un nouveau rendez-vous manqué avec l’histoire et la démocratie. Il faudra donc exploiter la voie du triptyque destitution-transition-élection. Après le faux rendez-vous du dialogue inclusif, c’est la seule issue qui s’offre à nous pour neutraliser ce dictateur des temps modernes. « Si le cabri ne se soumet pas à toi, il faut l’attacher à un arbre », me conseillait mon aïeul, grand berger de son époque.

Avant d’organiser l’élection présidentielle, il nous faudra assainir toutes les bases démocratiques et républicaines. Même nos partenaires extérieurs sont favorables à ce schéma. L’idéal serait donc qu’on repousse cette échéance capitale pour organiser une transition qui permettra de remettre à plat toutes les institutions, de poser les fondamentaux d’une nouvelle République et de définir de nouvelles règles du vivre ensemble. En clair, le Gabon doit être débarrassé de ses oripeaux. « On ne fait pas sa toilette avec de l’eau sale. »

L’élection présidentielle doit être ramenée à deux tours et le mandat présidentiel fixé à un, renouvelable une seule fois, comme dans certaines grandes démocraties. Cela favorisera l’alternance dans notre pays. Chaque président élu devra s’atteler à marquer son passage à la tête de l’Etat sur une période de dix ans. Pas plus ! Il ne sera plus question de s’éterniser au pouvoir. Car le Gabon n’est pas un royaume. Il nous faut désormais appliquer les normes démocratiques universelles. « Si la rivière change d’itinéraire, le caïman est obligé de la suivre », m’expliquait mon papy.

Le président ainsi élu constituera son cabinet en recrutant parmi les Gabonais de souche pour les fonctions exécutives et éventuellement parmi les autres citoyens pour les postes de conseillers. Le Premier ministre, issu de la majorité à l’Assemblée nationale suite aux élections législatives, ne sera plus un simple factotum d’un dirigeant qui concentre sur lui tous les pouvoirs. C’est d’ailleurs l’une des raisons de l’échec d’Ali Bongo. « Le palétuvier sauvage danse mal à cause de ses nombreuses tentacules », disait mon grand-père.

Grâce à une bonne organisation de l’Etat, le pays cessera d’être l’affaire d’une famille ou d’un clan pour devenir celle d’autant de personnes représentant toutes les ethnies que compte le Gabon. Chacune d’elles se sentira concernée, à l’image de la curie romaine où les catholiques du monde entier ont leur représentant avec le sentiment de détenir une partie du pouvoir du Vatican, car ayant chacun les mêmes chances d’être élu pape. Attelons-nous donc à bâtir une république d’égalité des chances. Si nous ne le faisons pas, nous serons condamnés à rester au bas de l’échelle sociale. Mon pépé disait: « Celui qui ne sait pas grimper à l’arbre reste à terre.» 

Il est donc important que le futur président veille prioritairement à l’épanouissement de la ressource humaine. Celle-ci constitue la base de la création intellectuelle et de la transformation de nos matières premières en portant une attention particulière aux domaines de l’éducation, de la santé, de la recherche, de la formation professionnelle, du sport et de la culture. Nous ne pouvons plus attendre la concrétisation d’un tel rêve avec le président sortant. Nous n’avons rien vu de concret tout au long de son mandat finissant. Mon aïeul disait : « Le mouton noir qui manque, que tu n’as pas vu durant la journée, ce n’est pas à la nuit tombée que tu le verras.»

Mes chers compatriotes, il y a de fortes chances que la destitution de notre despote national rencontre une farouche résistance de la part de ceux qui voudront conserver leurs privilèges. Ils pourront user de tous les moyens pour le maintenir au pouvoir. D’ailleurs, lui-même a commencé à s’agiter et à faire de grandes acrobaties pour s’y accrocher. Ne vous en faites pas. Il se cassera la figure. « L’antilope qui est toujours en mouvement ne tarde pas à tomber dans une fosse », aimait à dire mon grand-père.

Article publié le 23 Mars 2016

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