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EDITORIAL : Ali Bongo Ondimba n’est pas le Gabon

EDITORIAL : Ali Bongo Ondimba n’est pas le Gabon
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Désiré Ename

Par : Désiré Ename

Cela devient coutumier. Egratigner sa toute petite majesté (SPM) tropicale Ali Bongo Ondimba dans un média, le critiquer ou le contredire, expose l’infortuné à des représailles policières quand il n’actionne pas d’autres leviers de l’Etat pour le mettre hors d’état de nuire.

S’inscrivent dans ce registre les convocations de Chantal Myboto Gondjout ; l’arrestation de Jean-Pierre Doukaga Kassa, supposé proche de Guy Nzouba Ndama ; et récemment Joyce Ondo, qui a commis le crime de lèse-majesté de rappeler à Ali Bongo sa responsabilité paternelle sur sa fille. Aux dernières nouvelles, depuis le Palais du bord de mer, on lui a conseillé que désormais en marchant dans la rue, qu’elle veille scrupuleusement sur ses arrières. La menace est claire. Son origine aussi. On sait d’avance à qui ce crime profiterait.

Faire la morale à SPM tropicale est peine perdue. Il faut se rendre à la seule évidence que pris telle une panthère dans la nasse et acculé de toutes parts, son seul recours reste la violence pour tenter de s’en sortir. Violence d’Etat, violence criminelle, violence crapuleuse, tout y sera. Et qu’à cela il faudra opposer une farouche résistance. Sans faille.

Dès le départ, SPM tropicale a compris qu’il avait accédé au pouvoir par défaut. Qu’il n’a jamais été élu « comme on l’entend ». Il a alors voulu jouer au président régulier. Sans succès. Imposé au sein du PDG. Imposé par la France qui, du reste, a fait le grand déballage par des voix autorisées de la Françafrique, dès novembre 2010 sur France 2. Comment pouvait-on espérer qu’il sorte du complexe du « mal élu » autrement que par l’instauration d’un régime coercitif.

Sa petite majesté ne sait rien ni de la gouvernance politique ni de la gouvernance économique. Il a pensé qu’un peuple se mène à coup de doses de démagogie et de mystification. Amateur, il tentera de bricoler une administration autour des agences. Résultat : la déstructuration totale de cette dernière. Puis il va s’entourer de têtes de pont qui, dans un gouvernement digne de ce nom, n’y auraient jamais été admis. Leur seul mérite est d’avoir été pendant longtemps soit des laudateurs du prince – époque Night Fever –, soit des cerbères aux ordres, prêts à mordre au moindre claquement de doigts du maître.

C’est l’un de ces cerbères que Héritage et Modernité vient de présenter, en quelques lignes, sous sa couture la plus exacte : « ancien repris de justice à la moralité vermoulue, archétype du profito-situationnisme, chef de gang devenu à la stupeur de tous et dans l’émoi général, conseiller du Prince et dont la transhumance politique, tel un gastéropode aux mœurs équivoque, ne lasse pas d’étonner ». En clair, le limier est connu pour des chèques en bois qu’il alignait, tout ministre qu’il était, à ses débiteurs. D’antan, mangeait dans la main de Paul Mba Abessole tout en lui ensanglantant la paume et les doigts. Dernier exploit en date, le détournement de la subvention à la presse. C’est le « chien » de service du maître. Celui aux aboiements les plus tonitruants. Il est l’instrument de la violence verbale par excellence de SPM tropicale. Il se reconnaîtra dans cette échelle du terrorisme d’Etat.

A côté et autour de SPM version tropicalisée, il y a tout un réseau d’anciens hooligans, capistes et maîtres chanteurs de la pire espèce commis à de basses besognes. C’est un de ces chefs de gang qui avait opéré au domicile de Jean Ping en janvier 2015. Bénéficiant du système d’impunité mis en place par SPM tropicale, ils ne seront jamais inquiétés. Du moins pas sous ce régime finissant.

Pour boucler la boucle, SPM s’est arrogé les pleins pouvoirs et peut ainsi allègrement définir sa notion d’Etat de droit. Sa notion de l’appareil judiciaire. Sa notion des systèmes de sécurité de l’Etat. C’est l’Etat ABO-Accrombessi, où il tient tous les leviers du pouvoir et les actionne à sa guise et au gré de ses humeurs. C’est ainsi que lorsque Chantal Myboto Gondjout, que SPM tropicale a vu insulter par la presse qu’il contrôle sans mot dire, décide de se défendre en disant simplement non aux pratiques d’un fossoyeur de la République, SPM tropicale envoie la police militaire (B2) à son domicile. Pour peu que des députés du PDG, élus du peuple, assument leur responsabilité devant et au nom de celui-ci, et qu’au nom du mandat obtenu de lui, disent non à la déliquescence de l’Etat ; non à une gouvernance à visibilité nulle, c’est la fatwa, le châtiment suprême : l’exclusion du PDG sur ordre de SPM tropicale ou la prison sans mobile. Hier, Serge Maurice Mabiala, aujourd’hui Jean-Pierre Doukaga Kassa, dont le seul crime, en réalité, est sa proximité avec Guy Nzouba Ndama, et Chantal Myboto Gondjout.

Nul n’a un devoir d’obéissance à sa petite majesté Ali Bongo Ondimba. Entre lui et nous, ce sont des rapports de citoyenneté. Parce que nous sommes tous égaux par le fait de la Constitution de la République gabonaise. Nos pères fondateurs ont ainsi conçu cet Etat. La distinction de chef de l’Etat n’établit en aucun cas entre lui et nous un rapport de maître à serviteur. Les Gabonais qui portent et incarnent cette République ont le droit et le devoir de le mettre face à ses responsabilités et d’exiger, en plus des comptes, son départ lorsque ces derniers ont clairement fait le constat que l’Etat se porte mal par son incompétence.

SPM tropicale veut-il régler des comptes et faire appliquer la justice ? Alors pourquoi un ancien ministre « du ciel et de la terre », en l’occurrence Magloire Ngambia, n’est-il pas sous les verrous ? Quand ce piètre commis de l’Etat, goguenard, était venu tranquillement dire aux députés que plus de 150 milliards avaient été gaspillées dans de fausses études, quel compte lui a-t-il été demandé ? Pourquoi le scandale de Sovog, dans lequel ses proches sont impliqués, n’a-t-il pas fait l’objet d’une enquête ? Son directeur de cabinet et gourou est pris dans la nasse pour corruption active d’agent public de l’Etat en France, et c’est curieusement le jet privé de l’Etat qui lui est affrété, le tapis rouge déroulé à sa descente d’avion, sans compter le comité d’accueil des voyous de service, d’un ambassadeur et des ministres de la République. Tout cela pour fêter le trophée de la corruption et de l’humiliation décerné par la brigade de la délinquance financière à Nanterre. Nous pourrions allonger la liste des malversations et autres violations de l’Etat de droit par son cercle d’amis. Lui-même n’est pas en reste.

Poursuivi par des scandales dont celui de l’acte de naissance qui le met directement en porte-à-faux avec l’article 10 de la Constitution ; empêtré dans de nouvelles poursuites judiciaires en France suite à l’affaire d’une fille qu’il ne veut pas reconnaître, née de sa relation épique et idyllique avec Joyce Ondo, cet homme croit-il être l’incarnation du « Grand inquisiteur », ce juge absolu dans « Les Frères Karamazov » de Fedor Dostoïevski ?

Le Gabon est un Etat de droit. Sa petite majesté tropicale Ali Bongo Ondimba n’est pas l’Etat, encore moins l’Etat de droit. Il n’est pas le Gabon. Et le Gabon ne peut être pris en otage. C’est ce que les Gabonais lui disent aujourd’hui. Qu’il en tire les conséquences, toutes les conséquences.

Article publié le 25 Avril 2016                                                                    

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