EDITORIAL : Quelle concertation?

Posté le 18 Avr 2016
Par :
Commentaire (s) inactif
Photo

Désiré Ename

Par : Désiré Ename

Omar Bongo Ondimba, sachant que la sérénité ne reviendrait dans son pays qu’à la seule condition de suivre les mouvements insufflés par le printemps de Berlin en 1989, lui qui venait de rejeter toute idée de multipartisme dans son pays, dut se rendre à l’évidence que plus il résisterait à toute idée d’ouverture, et laisserait le temps passer, plus les frustrations accumulées au bout de ses vint-trois ans de règne sans partage rongeraient le peu d’accalmie que le pays connaissait.

C’est ainsi qu’il accepta de se contredire sur sa déclaration de Bitam quelques mois plus tôt. Prenant de court les caciques du PDG, il amorça un virage à 180° pour, dans un premier temps, proposer la dissolution du PDG en vue d’un Rassemblement social démocrate gabonais (RSDG) puis, de se rétracter et de s’aligner sur la seule exigence de l’opposition qui était la conférence nationale, rien qu’elle. Sa petite majesté tropicale (SPM tropicale pour le raccourci), Ali Bongo Ondimba n’a malheureusement ni l’intuition de son prédécesseur ni sa capacité à plier comme un roseau par temps d’orage, comme ce dernier le fit.

Sur cette page, nous n’avons eu de cesse de démontrer l’amateurisme de SPM tropicale. A la lumière de son annonce, notre thèse vient de s’enrichir d’une preuve supplémentaire. SPM tropicale n’a toujours rien compris à la gouvernance politique (Lire Jean-Michel Sylvain en page 3). C’est ce que l’Union sacrée pour la patrie (USP), qui regroupe la société civile, les confessions religieuses, les partis politiques de l’opposition et des personnalités de poids, lui rappelle. Et s’il se croit plus futé que tous, en voulant surfer sur la menace du terrorisme pour se glisser par la suite vers l’application de l’article 25 de la Constitution, qui lui permettrait de décréter l’état d’urgence, il s’est une fois de plus fourré le doigt dans l’œil. Son plan est aussi grossier que sa manœuvre.

Qu’est-il brandi à SPM tropicale ? La réalité crue de sept ans d’insouciance, de villégiature et d’arrogance. La réalité nue d’un exécutif sans véritable chef. Parce que le chef désigné fait n’importe quoi. Il faut y trouver le sens de la démission de Guy Nzouba Ndama, président sans discontinuer de l’Assemblée nationale de 1997 à 2016. C’est dire que la déchéance des institutions a atteint un point de non-retour. La presse d’Ali Bongo Ondimba, qui écrit sous ses ordres et parfois sous sa dictée, aura beau tenter d’instiller des artifices dans la conscience populaire autour d’une velléité de candidature que mijotait Nzouba Ndama que cette intox organisée n’édulcorera en rien le malaise profond des institutions de la République dénoncé par tous, en montrant la véritable urgence : tout remettre à plat. C’est ce que l’USP lui rappelle. Elle dit clairement que « … le combat contre le terrorisme ne consiste pas à faire des concertations vaseuses et oiseuses, à quelques mois des échéances électorales. Il s’agit plutôt, d’une part, de promouvoir sur le plan interne une culture de paix, de justice, d’éradication de la pauvreté, de développement humain, de tolérance ethnique, religieuse et, d’autre part, de tirer parti sur le plan externe du dispositif offert par les organisations internationales, régionales et sous régionales compétentes en vue de renforcer la lutte antiterroriste, la prévention et la résolution des conflits ». Conclusion : pas de subterfuge. Et aujourd’hui, toute concertation aura lieu sans lui.

SPM tropicale s’enferre à ne pas comprendre que c’est la fin et que rien ne pourra le sortir de la situation actuelle. Ni cette mascarade d’invitation. Ni une remobilisation des forces du PDG ravagé et désormais sous le contrôle de Héritage et Modernité. Et la saignée va se poursuivre. Il ne peut non plus durablement compter sur les forces armées. Des troupes qui les composent, il n’en connaît pas l’état psychologique. Minées par des crises internes (cas des bérets rouges affectés à Bangui). Frustrés par des infiltrations. Aussi, entre l’obéissance aveugle au chef suprême des armées dont elles doutent d’être en pleine possession de toutes ses facultés et le cri de la patrie, le choix est vite fait. L’état d’urgence qu’il a planifié, avec certitude, va lui réserver de bien désagréables surprises. Mais SPM tropicale n’en a cure. Il fonce tout droit sur la falaise comme Andreas Lubitz de la Germanwings, a dit Guy Nzouba Ndama le 5 avril dernier. Et c’est à juste titre que l’USP ne peut servir de caution à sa dérive. Qu’il se fracasse lui et son troupeau d’émergents, « ces phalanges profito-situationnistes » qui ont érigé « des murailles pour l’isoler, le dévitaliser et ainsi» continuent de« le leurrer à volonté », avait déclaré Héritage et Modernité le 27 juin 2015. C’est toujours d’actualité. Nous persistons et signons : SPM tropicale, c’est la fin.

Article publié le 18 Avril 2016

Copyright@echosdunord.com

A propos de l'auteur