
Par : Jonas MOULENDA
Monsieur le Président,
Je voudrais, à travers cette lettre, vous rendre un vibrant hommage pour la décision que vous avez prise de démissionner du perchoir de l’Assemblée nationale. Vous avez ipso facto choisi la patrie en appliquant la règle républicaine qui voudrait que vous ne tolériez aucun acte politique à même de constituer une menace pour la paix sociale dans notre Gabon. « On ne perce pas la pirogue à bord de laquelle on est assis », me conseillait mon grand-père.
Vous avez su saisir la possibilité d’entrer positivement dans l’histoire du Gabon, en inversant le cours actuel des événements. Les Gabonais comptent désormais sur votre souci de la cause qui nous déchire tous jusque dans l’âme, mais qui nous lie intimement en tant que filles et fils du Gabon. De par votre acte, vous avez regagné la confiance et l’estime du peuple. Vous l’avez honoré en renonçant à vos privilèges pour combattre à ses côtés. C’est une grande preuve de gratitude. Mon aïeul disait : « Lorsque quelqu’un meurt d’amour pour vous, pourrissez-en pour lui.»
La triple crise éthique, identitaire et managériale que vit notre pays ne laisse le choix aux patriotes que de s’unir et de se dresser contre ceux qui en sont à l’origine. Vous avez donc pris votre part de responsabilités. Il appartient à d’autres citoyens, qui réfléchissent par la tête et non le ventre, de prendre les leurs. Je suis convaincu que d’autres patriotes marcheront dans le sillage du grand sage que vous êtes. Mon papy observait que « les chameaux suivent les traces de ceux qui les précèdent».
Aujourd’hui, tous les patriotes sont appelés au secours de la nation prise en otage par un groupe de métèques cleptomanes n’ayant d’attaches ni avec la patrie ni avec nos ancêtres. Nous avons donc le devoir d’œuvrer pour la libération de notre pays. Car son renouveau a été scellé par le despote d’Ali Bongo et sa légion étrangère, qui pillent sans vergogne notre pays. Les Gabonais observent avec la plus vive préoccupation l’enlisement de la situation, en raison de l’absence de perspectives. «Quand on vide l’eau, les poissons s’en inquiètent», m’expliquait mon grand-père.
Il est temps d’agir. Nul n’est fondé à exiger du peuple qu’il contribue par son attitude passive à préserver la paix civile pendant que dans le même temps, le président de la République et ses sbires se livrent, d’une part, impunément à des atteintes à la liberté d’expression, à des exactions contre des militants politiques pacifiques et non-violents ; et d’autre part qu’ils spolient ce même peuple. Celui-ci est en droit de réagir. Cette heure a sonné. Mon pépère m’expliquait que « la graisse du cabri se mange chaude».
Le calme et la sérénité qui ont régné jusqu’à ce jour font la démonstration que l’opposition et la société civile ont fait preuve de responsabilité. Il est maintenant grand temps qu’on se débarrasse de la gangrène. En la laissant perdurer, ce sont la survie et la cohésion de la nation tout entière qui sont en jeu. Les Gabonais ne sauraient s’y résigner ad vitam aeternam. Ils doivent se rapproprier leur pays pour en prendre soin. « Les tiens mangent ta chair, mais en conservent les os », disait mon aïeul.
Face à un monstre politique qui fait tant de dégâts, il faut les hommes qui l’ont fabriqué pour le stopper dans son œuvre destructrice. C’est l’explication de l’engouement autour de votre démission pour lui porter l’estocade fatale. Vous étiez le chaînon manquant à la plate-forme de la libération de notre pays. Maintenant que vous vous y êtes ajouté par patriotisme, faites bien tourner la machine. Vous savez comment vous y prendre. Mon grand-père disait: « Si une antilope sort de la forêt, elle ne demande pas à boire chez la gazelle. »
Vous êtes désormais un électron libre. Vous avez des atomes crochus avec beaucoup de vos compatriotes. Travaillez avec ces hommes et femmes pour abréger la souffrance du peuple. Le contexte est favorable à la révolution. Le dictateur d’Ali Bongo fait l’objet d’un rejet total du peuple gabonais. Les dégâts de sa politique sont pires que ceux de son prédécesseur de père adoptif. C’est la raison pour laquelle il n’a pas réussi à ôter de la mémoire des Gabonais le souvenir de ce dernier. « Les traces de l’antilope n’effacent pas celles de l’éléphant », me faisait comprendre mon papy.
Honorable, mettez tout en œuvre pour libérer le Gabon du joug dictatorial. L’ardeur libératrice que vous affichez avec d’autres patriotes pourra être mise à mal par des menaces tous azimuts. Ne cédez pas à la peur. Ali Bongo a voulu se moquer du peuple et de tous ceux qui l’ont fabriqué, ne respectant que sa légion étrangère. Faisons-lui payer le salaire de son étourderie et de ses vilenies. « La mouche qui se moque de l’araignée finit par être prise dans la toile de l’araignée », aimait à dire mon grand-père.
Article publié le 4 Avril 2016