DETTE-CEMAC : le Gabon en zone de turbulence
Le centre d’études et de recherches en développement international et management des organisations (Cerdimo) a organisé très récemment à l’université Omar BONGO à Libreville, une conférence-débat sur les nouvelles politiques et les instruments modernes de gestion de la dette, dans la perspective d’un développement durable en zone CEMA. Des échanges initiés en partenariat avec le centre régional d’assistance technique du fonds monétaire internationale(FMI) pour l’Afrique centrale (AFRITAC Centre).
Dans son exposé de motifs, le conférencier, l’agrégé en sciences économiques, Pr Zomo Yebe, a motivé la tenue de ces échanges par les conséquences dangereuses de la crise financière, imputables à la chute du prix des matières premières. Le tout, renforcées par les résultats attendus du programme de développement (plan d’émergence) engagés par les états membres de la zone Cemac. La conférence-débat a essentiellement visé à informer le grand public sur l’évolution des données de la dette publique en Afrique centrale, enjeux et perspectives. Des travaux qui ont permis en outre d’édifier l’opinion sur les reformes et les instruments encouragés par le FMI, dans le cadre du contrôle des risques. Pourquoi doit-on viabiliser la dette ? Comment ? Mieux, quelle analyse fait le FMI de la viabilité d’une dette ?
Un bilan de la situation de la dette des pays de la Cemac a été dressé à l’occasion, sur la base d’indicateurs scientifiquement appréciables, dont l’évolution de l’encours de la dette /PIB, l’évolution du service de la dette rapporté aux exportations et rapporté aux recettes budgétaires, outre l’évolution de la dette par habitant. Pour le cas particulier du Gabon, le conférencier a fait une analyse comparative du contre choc pétrolier des années 1984-1987 et de celui des années 2013-2016. De sa lecture, il en ressort, je cite : « Que la crise actuelle est plus accentuée que celle des années 1986, notamment si l’on considère le ratio dette publique/PIB ». Toute chose qui renforce les préoccupations exprimées sur la situation financière du Gabon, a renchérit Pr Zomo Yebe, agrégé en sciences économiques.
L’analyse des caractéristiques de la dette n’a pas été en reste. Ont notamment été passé au crible, le statut des créanciers, les risques et la nature extérieure ou intérieure de la dette. Le professeur Zomo Yebe a noté que la dette actuelle revêt un caractère particulier, qui ne présage de lendemains meilleurs pour le Gabon : « la dette actuelle est contractée auprès des marchés financiers et des pays non membres du club de paris. Il s’agit donc d’une dette avec un risque de change et un risque de taux d’intérêt élevé. Il s’agit également d’une dette à moyen terme ». L’universitaire n’a pas manqué de préciser que le Gabon, et à un degré moindre, les pays frontaliers dont le Congo et le Cameroun, devront s’attendre à un service de la dette élevé dès 2017. A ce jour, La guinée équatoriale, poursuivait-il, est le seul pays en zone CEMAC qui semble avoir un profil de dette acceptable.
Des facteurs pouvant influencer la crise actuelle ont été proposés, comme l’évolution du prix du baril du pétrole et le niveau de compétitivité des économies lié à la réussite de la diversification, qui, elle-même, dépendra de l’environnement des affaires et de l’évolution du solde courant. Selon l’universitaire, ce solde continue à se dégrader. Ce dernier a par ailleurs exprimé des inquiétudes face à la faible compétitivité des économies de la sous région et d’une probable nouvelle dévaluation du franc Cfa, en cas de poursuite de la chute en cours des réserves. C’est la maîtrise ou non de cette situation, soulignait-il, qui influencera la trajectoire d’endettement soutenable. L’orateur a également attiré l’attention sur le processus de choix, d’analyse et de gestion des projets, au cœur des enjeux du surendettement des pays.
L’on a noté comme autre intervention du panel des experts, celle de Shaker Soltani, conseiller résident en gestion de la dette auprès de l’AFRITAC centre, qui a présenté pour sa part le cadre d’analyse de la viabilité de la dette, sur la base des lumières du FMI et de la Banque Mondiale. Documents d’aide à la décision, mis à disposition des pays de la sous région : «L’outil en question, permettra aux états d’avoir une meilleure visibilité de l’évolution future de leur dette, de déceler les facteurs de vulnérabilité liés à l’endettement, et de prendre le cas échéant, des mesures idoines pour encadrer la reconstitution de dettes soutenables, sans compromettre le développement économique».
L’imitative des centres régionaux d’assistance technique du FMI, qui remonte en 2007, vise principalement à renforcer les capacités de l’administration financière des Etats, en facilitant la conception et la mise en œuvre des stratégies de réduction de la pauvreté dans les pays africains.
Nedjma leMonde
Article publié le 16 Juin 2016