L’EDITORIAL : Aboghe Ella doit dégager sous huitaine

Posté le 18 Juil 2016
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PAR Désiré ENAME

PhotoLe président de la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap), René Aboghe Ella, a clairement dit dans son attitude, sans fioriture, que son candidat était Ali Bongo Ondimba. Que cela étant, son choix du cœur prime sur le droit.
Comment, avec autant de plaintes, ce dernier ne s’est-il pas arrêté un seul instant pour retrouver le magistrat qu’il est, c’est-à-dire faire appel « aux valeurs et à l’éthique » de sa profession et se référer à la procédure qui s’imposait en pareille circonstance ?

Devant la communauté internationale, sans craindre d’être la risée de tous, cet homme a rompu avec l’impartialité qui commande tout magistrat à ce niveau de responsabilité.
Trouver prétexte à la République bananière est exécrable. Et c’est justement parce que la majorité des Gabonais ne veut plus de cette République bananière, où un soi-disant président de la République rit à belles dents pour avoir dénigré publiquement des concitoyens ; où des gens de l’acabit d’Aboghe Ella estiment qu’un président est un être divin. Aussi les Gabonais se sont-ils, par milliers, adressés à l’institution qu’il dirige contre un « fraudeur » impénitent.

La question était pertinente. Les preuves irréfutables. Pour trancher, le président de la Cenap s’est réfugié derrière une disposition exceptionnelle : le vote, qui dans ce cas de figure, n’avait pas lieu d’être. Il ne s’agissait pas d’une question qui se limitait à de simples échanges de convenance et dans laquelle on devait recueillir des avis simplement, et le cas échéant être départagé par un vote. La demande de rejet de l’opposition était motivée et reposait sur des faits avérés. Ali Bongo Ondimba, par le simple fait de disposer d’un acte de naissance établi en 2009, pose un problème tant au plan pénal que civil. C’est trois jours après la naissance qu’on déclare un enfant devant l’officier d’état civil du lieu de naissance, qui en retour prend acte de cette naissance. Ce n’est pas au 3e arrondissement de Libreville qu’une retranscription aurait dû être effectuée, mais au 1er arrondissement. Le cas exceptionnel de l’article 163 du Code civil n’y a pas force non plus puisqu’en 2009 Ali Bongo Ondimba, petite majesté « Tropicale », résidait officiellement à La Sablière. Donc dans le 1er arrondissement. Ce n’est pas nous qui l’apprenons à Aboghe Ella. Et lorsque de surcroît il reçoit sur sa table de travail autant de contentieux, le minimum était de ne pas se précipiter à trancher le problème par un banal vote.

Mais bien avant cet état des faits, Aboghe Ella, en rendant publiques, il y a quelques semaines, les modalités de constitution du dossier de candidature à l’élection présidentielle, avait sciemment ajouté des pièces à fournir que la loi ne prévoyait pas. En effet, que dit l’article 11 de l’ordonnance n°18/98 du 14 août 1998 portant modification de la loi n°16/96 du 15 avril 1996 portant dispositions spéciales relatives à l’élection du président de la République ? Il dispose que : « Les déclarations de candidature sont déposées en trois exemplaires au siège de la Commission nationale électorale quarante-cinq jours au moins avant le jour du scrutin, sous réserve des dispositions des articles 10 et 13 dd la Constitution. Chaque dossier de candidature doit comporter les éléments suivants : une déclaration de candidature manuscrite ; un extrait d’acte de naissance ou jugement supplétif en tenant lieu ; un extrait de casier judiciaire datant de moins de trois mois ; une photographie et un signe distinctif choisi pour l’impression des affiches électorales, circulaires et bulletins de vote, signe qui doit être différent pour chaque candidat ; un certificat médical datant de moins de trois mois établi par une commission médicale constituée par arrêté du ministre chargé de l’Intérieur. » Suite à cela, on délivre un récépissé au candidat.

A la suite de ces éléments légaux, le président de la Cenap a ajouté quatre autres qui étaient : « un formulaire à remplir, un certificat de nationalité attestant de la nationalité gabonaise ; une déclaration de non double nationalité sur imprimé CENAP ; une déclaration sur l’honneur relative aux dispositions de l’article 62 de la loi n°07/96 du 12V mars 1996, sur imprimé CENAP… »
La semaine dernière (« Echos du Nord » n° 345), nous avons rappelé l’article 53 de la Constitution de la République gabonaise. A savoir que « l’initiative des lois appartient concurremment au Gouvernement et au Parlement » et l’article 132 du Code pénal (Loi n°21/63 du 31 mai 1963) : « Seront punis de la destitution et pourront l’être, en outre, d’une amende d’un montant maximum d’un million de francs : 1. les juges, les magistrats du ministère public, les officiers de police qui se seront immiscés dans l’exercice du pouvoir législatif, soit par des règlements contenant des dispositions législatives, soit en arrêtant ou suspendant l’exécution d’une ou plusieurs lois, soit en délibérant sur le point de savoir si les lois seront publiées ou exécutées ; 2. les juges, les magistrats du ministère public, les officiers de police judiciaire qui auraient excédé leur pouvoir en s’immisçant dans les matières attribuées aux autorités administratives, soit en faisant des règlements sur ces matières, soit en défendant d’exécuter les ordres émanés de l’administration, etc. Dans tous les cas prévus au présent article, les coupables pourront, en outre, être condamnés à l’interdiction des droits civiques et de tout emploi public pendant dix ans au plus. » La forfaiture d’Aboghe Ella tombe en plein sous le coup de cet article 132 du Code pénal.

Tout montre qu’Aboghe Ella n’a rien fait d’autre que de chercher à sauver la peau de sa petite majesté « Tropicale » Ali Bongo Ondimba. Au point de légiférer en lieu et place du législateur. Alors quelle impartialité a une Cenap dirigée par un magistrat non pas seulement complaisant, mais qui falsifie la loi ?
A partir de là, les candidats de l’opposition ne peuvent laisser Aboghe Ella dans le jeu. Et l’autre mobilisation populaire utile est d’exiger, sous huitaine, le départ d’Aboghe Ella de la tête de la Cenap. Il n’a pas le profil de neutralité requis pour cette fonction.

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