Par Désiré Ename
Les observateurs de l’Union européenne viennent d’assener le coup de grâce à Bongo Ondimba Ali, sa petite majesté déchue : les élections n’ont pas été organisées dans la transparence, ont-ils dit en substance. De la fraude massive à une campagne disproportionnée, tout a été révélé dans leur rapport préliminaire. Malgré cela BOA persiste et signe : il veut se maintenir par la force avec l’appui d’un groupe de faucons désormais minoritaires dans la galaxie du régime Bongo Ondimba Ali.
Pourtant, des modérés autour de lui conseillent de laisser parler le verdict sorti des urnes et de s’y plier. D’autres lui ont donné le même conseil, en l’occurrence les missions diplomatiques. Dans les tractations en cours, elles sont allées plus loin en demandant à Jean Ping, président élu, de lui assurer un retrait des plus confortables et des plus sécurisés. Il est clair que ce dernier, fin diplomate, y est tenu et n’a pas vu à redire. Peut-être que certaines autres questions relatives à la gouvernance pourraient faire l’objet d’un regard plus approfondi. Bref.
Dans tout ce bloc, BOA a décidé de jouer sur deux tableaux. Dans le premier, il fait mine de s’engager et d’accéder aux propositions de la communauté internationale, le temps que ses limiers peaufinent le plan du vol des élections, en dépit des conseils des modérés du groupe pour qui il n’y a rien à faire, et que même en trichant sur les PV, il sera impossible de rattraper l’écart. Même l’option suicidaire d’éliminer des PV entiers issus des centres de vote à travers le territoire national où il a été copieusement laminé par Ping ne convaincra personne. A ce propos, les observateurs de l’UE ont déjà glissé un avertissement. C’est malheureusement cette option suicidaire que lui conseillent les faucons en tête desquels Marie Madeleine Mborantsuo, René Aboghe Ella, Jean Pierre Oyiba, Pacôme Moubelet Boubeya et Alain Claude Billie by Nze entre autres. Cette option, pour qui connaît la nature de BOA, est parfaitement en phase avec ses vrais desseins du moment. Guidé par ce sens de la transgression et du mépris des Gabonais dont il ne peut se départir.
BOA est libre de suivre la voix qui lui plait. Et nous sommes convaincus qu’il se fermera naturellement à l’obligation de reconnaître sa défaite et la victoire de Jean Ping. On en vient à croire que son Q.I ne lui permet pas d’entrevoir une option différente. Pour lui, la seule qui vaille et qu’ils ont dessinée depuis plusieurs mois est: s’imposer et gérer le contentieux et la rue avec. Ils espèrent, comme c’est devenu coutumier, d’amener la communauté internationale au fait accompli. Après tout, Nkurunziza n’a-t-il pas fait des charniers au Burundi, qu’a fait la communauté internationale ? Mais BOA ne s’embarrassera pas de se poser les bonnes questions sur les nombreux enjeux et les différences entre les deux régions. Celle d’Afrique centrale et celle des Grands Lacs. Obsédé par le coup de force électoral qu’il veut perpétrer avec l’assurance que ses milices pacifieront la rue, il n’a plus ce temps. Et pourtant il devrait.
Un exercice additif que BOA devrait faire est de comparer son accession au pouvoir en 2009 et ce qu’il se passe au cours des présentes élections. Faire une simple comparaison des forces en présence. Il s’apercevra bien qu’en dehors de l’armée qu’il croit tenir, trop d’alliés l’ont quitté. En 2009, il a été littéralement adoubé par la France. Nicolas Sarkozy, président français, l’a reconnu alors même que la Cour constitutionnelle ne l’avait pas encore proclamé élu. On se souvient de l’incident que cela avait causé dans la classe politique française avec une réaction énergique de Martine Aubry, alors Secrétaire générale du PS. Cette fois-ci, c’est la mission diplomatique française qui a de fait marqué à Jean Ping une forme de reconnaissance. Car, en demandant à ce dernier d’accompagner dignement son prédécesseur à la sortie, c’est qu’il ne fait l’ombre d’aucun doute qu’à un très haut niveau de l’Hexagone, le vainqueur de cette élection c’est Ping. Un proverbe puisé dans la besace du papy de Jonas Moulenda dit que « ce qui a sorti la vipère des fourrés, est aussi ce qui l’y reconduira. » Par ailleurs, des voix autorisées en France comme celle de Jean Marie Bockel se sont prononcées avec clarté. Ce n’est pas à banaliser. A côté de cette attitude, celle de la Mission diplomatique américaine n’en dit pas moins. C’est là deux poids lourds du G8.
La mission d’observation de l’UE, nous l’avons mentionné, vient de donner son rapport préliminaire. Un rapport sans complaisance qui traduit son rôle actif lors de ce scrutin, dont il remet clairement en question l’organisation. Contre la crédibilité de ce rapport, ni Christine Desouche, ancienne délégué à la Paix de l’OIF, encore moins Edmond Jouve, professeur de droit à la Sorbonne, observateurs à la solde de BOA, n’y pourront rien.
BOA peut sans doute prendre le pari d’affronter la communauté internationale et s’isoler définitivement. A Echos du Nord, nous lui garantissons, sans se tromper, que ce sera de très courte durée. Car il ne saura pas faire face durablement à cette dernière, qui ne le reconnaitra pas. La missive du porte-parole de Ban Ki-Moon, qui attend que les résultats soient « le reflet de la volonté du peuple » en dit long à ce sujet. Et il ne soupçonne même pas la détermination du peuple gabonais à ne pas se faire voler une énième fois sa victoire.
Ainsi, BOA a le choix de sortir grandi, et même victorieux même, car en prime, il aura véritablement contribué à faire grandir la démocratie au Gabon. Il sera le premier président en Afrique centrale à reconnaître la victoire de son adversaire et à l’en féliciter. Ce qui lui ouvrirait assurément une autre vie après le pouvoir. Une telle sortie par la grande porte ne manquera pas d’être saluée par tous les Grands de ce monde. Ou alors l’autre choix, servir ses faucons, qui le manipulent en lui servant de fausses certitudes, et incontestablement, il sortira par la petite porte. A lui de décider…