Les « jeunes Nzouba, Oye Mba et Ping » vont libérer le Gabon de sa dictature ce 27 août 2016. Annonce Jean Ping. Rassurant et confiant, il lance l’ultime appel : « Aux urnes, citoyens ! »
EDN: Le 16 août dernier a marqué un tournant important dans la campagne avec la mise au ban des clivages dans l’opposition. Quel est votre regard sur cette nouvelle dynamique ?
Jean Ping : Je me suis réjoui, naturellement, de cette nouvelle candidature. Avec messieurs Guy Nzouba Ndama et Casimir Oye Mba, nous avons fusionné nos trois candidatures en une seule. C’est sans précédent au Gabon. Le peuple l’exigeait. Nous avons répondu à son appel. Notre frère Léon Paul Ngoulakia a rejoint cette dynamique.
Nous avons commencé nos campagnes séparément. Chacun de nous a tenu des causeries et des meetings. Nos partisans se sont mobilisés. Ensuite, nous tenons, depuis le 16 août 2016, des meetings en commun. L’engouement est réel. Maintenant ou il y a quatre mois, ce qui compte c’est de battre Ali le 27 août 2016.
EDN:On a vu les Gabonais se lever pour saluer l’événement par dizaines de milliers au rond-point de Nkembo. Quelle est votre analyse de cette réponse spontanée de la population gabonaise ?
La population gabonaise réclamait, depuis plusieurs mois, une candidature unique de l’opposition. Nous avons pris nos responsabilités pour répondre à cette aspiration. Cela n’a pas été facile. Nous y sommes parvenus. Et le peuple a répondu massivement au rond-point de Nkembo. Il a manifesté sa satisfaction devant ce fait historique. La mobilisation du peuple gabonais s’explique par sa soif d’alternance à la tête de l’État. Cela fait cinquante ans que la famille Bongo est aux commandes du Gabon. Ni dans la Bible, ni dans le Coran, encore moins dans la Torah, il n’est écrit nulle part que ce sont les Bongo qui doivent diriger le Gabon. Et malgré cette longévité, le pays, qui est très riche par ses ressources, voit la majorité de sa population croupir dans la pauvreté. Enfin, les Gabonais ne connaissent pas les origines de celui qui les dirige depuis 2009. Ils vivent cela comme une frustration
EDN: Malgré cette mobilisation, de nombreux Gabonais restent pessimistes du fait des manigances du pouvoir en place. Ils fondent ce pessimisme sur l’histoire électorale de notre pays. Comment les rassureriez-vous ?
Que les Gabonais soient rassurés, 2016 ne sera ni 2009, ni 2005, ni 1998, encore moins 1993. Nos équipes de campagne respectives se sont mobilisées pour organiser les brigades anti-fraudes. Nous faisons tout pour que les velléités de fraude d’Ali Bongo et les siens soient contenues. Nous lançons donc un appel à chaque Gabonaise et à chaque Gabonais de dénoncer toute pratique frauduleuse.
Nous demandons au peuple de se mobiliser. Chaque électeur doit récupérer sa carte. Le 27 août, les Gabonais devront voter, surveiller le vote et être présents lors du dépouillement. Car ce dernier est public. Enfin, nos coordinations récupéreront les procès-verbaux et les centraliseront. Au vu de l’histoire, leur pessimisme est compréhensible. Cela dit, nous avons appris de nos erreurs. Nous nous organisons. Croyez-moi ! Nous serons prêts le 27 août 2016.
EDN: Quel est le véritable avantage de la mise en route de cette dynamique au milieu de la campagne et non pas quatre mois ou un an plus tôt ?
Vous savez, ce ne sont pas les délais qui étaient importants pour nous entendre, ce qui l’était à mes yeux c’était d’arriver à ce que le peuple a exigé. De toutes les façons, tout candidat peut se retirer, selon le Code électoral, à 48 heures du scrutin. Donc le fait de nous réunir en milieu de la campagne électorale ne gêne en rien le résultat auquel nous sommes parvenus. Le véritable avantage de la mise en route de cette dynamique de la candidature unique de l’opposition peut s’expliquer à trois niveaux. Premièrement, la candidature unique est une exigence du peuple pour éviter la dispersion des voix. Deuxièmement, la candidature unique remet en cause la justification des prétendues victoires du système Bongo-PDG par le fait de la division de l’opposition. Cela pourrait empêcher le pouvoir de proclamer les faux résultats comme en 1993, en 1998 et en 2009. Troisièmement, enfin, la candidature unique de l’opposition vise à prouver à la communauté internationale que la prétendue division de l’opposition qui justifiait jusque-là les impostures ne doit plus être un argument pour reconnaître les coups d’Etat électoraux du système PDG-Bongo.
EDN: Parlons de cette élection. Etes-vous confiant ?
Grace au peuple gabonais, je suis très confiant, je suis sûr de gagner et je gagnerai cette élection.
EDN: Et qu’est-ce qui fonde votre confiance ?
Ma confiance est justifiée par la mobilisation du peuple autour de ma candidature, mais aussi par l’apport très important de Casimir Oye Mba, Guy Nzouba Ndama et Léon Paul Ngoulakia.
Des documents qui circulent suscitent des inquiétudes sur la fraude électorale qu’aurait préparée le camp d’Ali Bongo Ondimba. Et dans votre lettre publiée dans nos colonnes, vous l’avez aussi souligné. Avez-vous des éléments plus concrets ?
Comme je l’ai dit, nous savons les fraudes qui sont en cours. Nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour que le vote du peuple ne soit pas volé. Des audits indépendants du fichier électoral ont révélé des anomalies de ce dernier. De même, on nous signale des achats des cartes d’électeurs ici et là. Ce qui est important est d’être prêt le 27 août 2016. Nous préparons très sérieusement cette échéance. Nous serons prêts.
EDN: On a entendu le candidat du PDG vous lancez, vous et vos amis, des vertes et des pas mûres. Usant même d’ironie en parlant du « jeune Ping, du jeune Myboto, du jeune Oye Mba, ou du jeune Nzouba ». Comment avez-vous accueilli son attitude ?
Nous sommes en politique. Les attaques sont permises. Ali Bongo est coutumier de l’injure, de l’outrance et des critiques stériles. Je n’accorde pas d’importance à ses propos. Ce qui compte pour nous, c’est la libération du Gabon. Les « jeunes Nzouba, Oye Mba et Ping » vont libérer le Gabon de sa dictature ce 27 août 2016.
EDN: Vous reconnaissez-vous dans sa charge contre vous au sujet de l’appauvrissement des Gabonais, puisqu’il estime que les anciens barons du régime dont vous en sont la cause ?
Une maxime de Bill Clinton paraphrasée par feu Andre Mba Obame dit : « Si je fais partie du problème, je fais aussi partie de la solution. »
J’ai ma part de responsabilité dans la situation actuelle du Gabon. J’ai travaillé auprès de feu Omar Bongo Ondimba de 1984 à 2008. Pour la petite histoire, Ali et moi avons été nommés par le même décret comme collaborateur du président Bongo. Nous avons travaillé pour un même chef et donc sommes comptables d’un même bilan. C’est aussi le cas pour Guy Nzouba Ndama, Casimir Oye Mba et bien d’autres de nos soutiens. La solution Ali Bongo a échoué depuis 2009. Je demande aux Gabonais de tester la solution Jean Ping !
EDN:Nous le citons à Koula-Moutou : « Dites à Jean Ping que nous voulons la paix. » ou encore « «Dites à Jean Ping de ne pas nous chercher. » Vous serez donc une menace pour la paix dans ce pays ?
Le mandat d’Ali Bongo se caractérise par la violence, l’intolérance, l’entêtement, l’arrogance, la répression et l’autisme. Ali Bongo n’écoute personne et exerce sa violence sur tous ceux qui contestent son opinion et sa politique : opposants, syndicalistes et citoyens. Les détentions arbitraires de Firmin Ollo, Jean-Rémy Yama et Landry Amiang. Le 23 juillet 2016, les opposants ont été gazés au départ d’une marche pacifique. Les journalistes ont été brutalisés. Et là je ne parle que des trois derniers mois. Finalement, qui menace la paix au Gabon ?
L’opposition gabonaise n’a pas d’armes et réclame pacifiquement le respect de l’Etat de droit. Ali Bongo, lui, exerce sur nous, en réponse, toute la violence d’Etat, car il ne supporte pas le débat contradictoire. Nous voulons la paix. Ali Bongo ne cesse, depuis 2009, d’être violent dans sa pratique du pouvoir.
EDN:Une attaque majeure souvent relayée par la presse internationale est que votre groupe et vous n’avez aucun projet pour le Gabon et n’êtes pas capables de proposer une solution aux difficultés de ce pays ?
J’ai présenté un projet : « Le Gabon à l’abri du besoin et de la peur ». Messieurs Oye Mba, Nzouba Ndama et Ngoulakia ont présenté chacun un projet de société. Comme je l’ai déjà dit, les émergents sont coutumiers des critiques stériles et fallacieuses.
EDN: Vous qui l’avez connu et côtoyé dans les multiples gouvernements d’Omar Bongo Ondimba, voyiez-vous un potentiel successeur de son père et une personne à même de faire progresser le Gabon vers un autre stade de développement ?
C’est ce que j’ai cru en 2009. Mais au fur et à mesure que le mandat suivait son cours, il a voulu défaire tout ce que « son père » avait construit. La paix et l’unité nationale, les grands acquis d’Omar Bongo Ondimba, ont volé en éclats. Que dire de la promesse d’émergence sept années après ? Le Gabon est dans une situation calamiteuse. En un septennat, il a régressé sur tous les plans.
EDN:Parlons des sept ans qui viennent de s’écouler. Quelle note donneriez-vous à Ali Bongo Ondimba s’il était votre élève ? Quel est votre regard sur ce septennat ? Quels ont été ses ratés ?
Comme a dit Mme Paulette Missambo hier dans l’Ogoué-Lolo : « 0 + 0 = 0 ». Bilan nul et désastreux. Tous les voyants sont au rouge. Depuis 2009, le Gabon traverse une crise politique, économique, sociale, culturelle et morale. Nous allons devoir rebâtir ce pays. Il nous faut rapidement construire des logements décents, des salles de classe, fournir l’eau et l’électricité à tous les Gabonais et relancer l’activité économique.
EDN:Votre mot de la fin ?
Aux urnes, Citoyens !
Propos recueillis par Désiré Ename Zang Memine
publié le 26 Aout 2016