Par Désiré ENAME
Comme quoi on revient toujours au point de départ. Et pourtant cette nécessité avait été établie à Ntchoréré le 19 juillet 2014. Il suffisait de se montrer fidèle à la charte paraphée par tous. Continuer la route
ensemble. Bon an mal an. Quel gain de temps c’eut été !
Il va donc sans dire que Jean Ping, récemment coopté par les autres, a encore un lourd tribut à payer. Sa démarche solitaire a divisé et affaibli l’opposition. Si ces blessures ont été pansées puis cicatrisées par endroits, il y en a encore où elles restent béantes.
Son état-major, imbu d’orgueil, bouffi de suffisance et d’arrogance, est allé dans la charge contre ses pairs d’hier, avec vilénie et méchanceté. On eut cru que l’adversaire n’était plus au pouvoir mais dans les rangs de l’opposition.
Aussi, le seul ralliement de l’Union nationale, de l’UPG, de l’Adere et des forces de la société civile, ainsi que d’autres ralliements à venir ; les seuls retraits de Nzouba, Casimir Oye Mba, ne sauront solder cette dette.
C’est pour cela que la désignation de Ping par ses pairs a ébranlé certains. Car ceux-là l’avaient définitivement effacé de leur trajectoire politique. Assurés qu’elles ne croiseraient plus jamais la sienne. Ils avaient eu le temps de faire le deuil de cette séparation brutale et certainement impensable, lorsqu’on revit l’instant du 19 Juillet 2014 à Ntchoréré.
Nombre de ces personnes ont déchanté à l’annonce de sa désignation. Alors qu’en pareille circonstance, elle aurait dû être accueillie dans une euphorie géné- ralisée, à l’unisson, comme ce fut le cas en 2009, lorsqu’AMO fut oint par une demi-dizaine d’autres candidats. Pour cette raison, nous croyons que celui qui a été choisi par les autres, doit se vêtir d’abnégation et d’humilité. Car ceux des Gabonais qui ont accepté de mettre leurs ambitions sous le boisseau, l’ont fait avant tout pour la patrie. Ping est condamné à rassembler et à se retrouver avec ces patriotes en rupture avec lui.
Au fil de ces sept dernières années, les Gabonais ont fait entendre leurs voix de diverses manières : à travers la presse ou les grèves ; par des murmures des plus craintifs disant d’une voix apparemment inaudible, leur volonté de briser leurs chaînes. Le point culminant de cette revendication collective a été le 09 juillet dernier lorsque la jeunesse consciente, celle des mapanes et d’ailleurs, ont bravé sa toute petite majesté « Tropicale » Bongo Ondimba Ali, lors du dépôt de sa can- didature. Clairement, le message de cette jeunesse était de dire qu’il ne peut y avoir d’élection à laquelle participerait Bongo Ondimba Ali ou BOA. Elle n’est donc pas acquise à l’élection dans les conditions actuelles et à la participation du SPF (sans papier fixe). Pour de nombreuses raisons.
Le fichier électoral est truqué. Et on ne le dira jamais assez, les institutions devant garantir la crédibilité du scrutin, la Cenap et la Cour constitutionnelle ont clairement démontré ces dernières semaines que malgré les irrégularités consta- tées dans la situation administrative de Bongo Ondimba Ali, elles ont fait leur choix, et leur choix c’est BOA. Conclusion, le Gabon, au bout de vingt six ans de multipartisme et d’ouverture démocratique, n’a toujours pas les prémices de ces institutions fortes dont parlait le président américain Barack Obama.
Devant cette situation, cette jeunesse dont les porte-voix se retrouvent pour la plupart dans les geôles du pouvoir, en exil ou en fuite à travers le Gabon, confirme par son attitude, et chaque jour, que les exigences du FRONT de l’op- position contenues dans la charte du 19 juillet 2014 et dont la première était le respect de la Constitution de la République Gabonaise, restent les seuls préala- bles utiles à l’éclosion du Gabon de l’égalité des droits. Et lorsque Bongo Ondimba Ali réduit au rang de « choses ridicules » (Déclaration à l’Agence France Presse) les questions liées à son état civil, y aurait-il plus grande preuve du mépris des textes et des lois ; et notamment la loi électorale qui fait de la pré- sentation d’un acte de naissance en bonne et due forme une pièce exigible à tout prétendant à la candidature à l’élection présidentielle? Il ne s’agit pas ici de xénophobie mais des dispositions légales.
Cette jeunesse qui a dit non à la candidature de Bongo Ondimba Ali, restaure deux démarches essentielles : celle de la DTE (Destitution-Transition-Election) en premier lieu ; en second lieu celle de la redéfinition du vivre ensemble, à tra- vers l’organisation d’une conférence nationale souveraine, et par laquelle serait revu le cadre institutionnel, seule issue pour la sortie de crise au Gabon.
C’est la prise en compte de ces trois exigences qui donne un sens à la candida- ture unique de l’opposition. Penser qu’elle bouleversera la donne électorale dans les circonstances actuelles est une vaine entreprise. On aura ni plus ni moins désigné le dindon unique de la farce électorale concoctée par Mborantsuo, Aboghe Ella et leur champion SPF-BOA.