Marie Madeleine Mborantsuo est dos au mur

Le président de la Cour constitutionnelle, Marie Madeleine Mborantsuo ...
Le président de la Cour constitutionnelle, Marie Madeleine Mborantsuo …
La présidente de la Cour constitutionnelle est plus que jamais face à sa conscience. Le contentieux qu’elle s’apprête à vider sera loin d’être la balade de santé qu’elle a eue en 2009. Surtout que pour lui faciliter la tâche, Nicolas Sarkozy, le président français de l’époque, n’avait pas attendu la fin de « cette forma- lité » pour promptement recon naître la victoire de BOA et le féliciter sans états d’âme. André Mba Obame (AMO), le véritable vainqueur de cette consultation, avait beau protester contre cette manière de faire de Sarkozy, rien n’a pu arrêter le train BOA. Marie-Madeleine Mborantsuo avait alors rejeté indifféremment les onze chefs sur lequel reposait la requête d’AMO, qui demandait l’annulation de l’élection.

Cette fois-ci, elle est surveillée de près par la communauté internationale. Surtout que BOA s’est évertué à trouver les observateurs de l’UE « partiaux».
Elle aura surtout une opposition dont le recours semble en béton. L’opposition dispose de 174 procès-verbaux originaux sur les 250 bureaux de vote que compte la province du Haut- Ogooué et tient la preuve des faits de corruption sur les agents de la Commission électorale provinciale. Ces éléments à eux seuls suffisent à faire annuler le scrutin et conduire les responsables de tels faits en prison.

Marie-Madeleine Mborantsuo aura en plus face à elle le peuple gabonais qui craint que les juges constitutionnels fassent le choix de leurs intérêts privés et sacrifient le peuple et tous les Gabonais qui sont tombés sous les balles de BOA pour défendre ce en quoi ils croient : la démocratie et l’avenir du Gabon. La présidente et les autres juges vont-ils se ressaisir comme le bon larron dans l’Évangile ? Il n’est jamais trop tard pour être sauvé ou se sauver. Au regard de la jurisprudence de cette Cour qui veut que « le candidat du Parti démocratique gabonais (PDG) soit toujours proclamé élu », le scepticisme demeure. Pour ce peuple, l’étape de la Cour constitutionnelle est au mieux « un répit » pour mieux préparer « l’étape d’après qui doit conduire à chasser BOA du pouvoir par la rue », confie un quinquagénaire rencontré au marché de Bitam en train de faire des provisions. Mais pour Marie- Madeleine Mborantsuo, cette détermination du peuple à chas- ser BOA au prix du sacrifice ultime signifie qu’aux yeux de tous, communauté nationale et internationale, elle portera la res- ponsabilité de ce qui adviendra après sa décision. Autant dire un boulevard tout tracé en direction de La Haye, le siège de la Cour pénale internationale (CPI).
La communauté internationale est restée très active depuis l’an- nonce des résultats contestés par le très zélé ministre de l’Intérieur, Pacôme Moubelet Boubeya. Ses prises de position ont été unanimes et appellent Marie-Madeleine Mborantsuo au respect du verdict des urnes. Ce qui sous-entend qu’elle est en possession de ce verdict. L’Union africaine, qui n’est pas un foudre de guerre en matière de défense de la démocratie, vient elle aussi de se convertir à cette position internationale en demandant désormais le recomptage de voix. Son commissaire chargé de la paix et la sécurité, Smaïl Chergui, l’a expressément indiqué dimanche sur les ondes de la radio britannique BBC. Alors qu’au départ, cette organisation était sur la même longueur d’ondes que BOA qui se cachait derrière l’impossibilité de le faire sans violer la loi.

Ne pas prendre en compte cette donne en essayant de proclamer BOA élu, comme elle est tentée le faire, selon nos sources, va conduire inévitablement la communauté internationale à prendre clairement position. Il n’est pas exclu qu’on revive, dans ces conditions, les mêmes évènements qu’en Côte-d’Ivoire. Lorsque Laurent Gbagbo fut investi par une Cour constitu- tionnelle aux ordres, comme celle du Gabon, Alassane Ouattara qui, face à cette impos- ture, s’était proclamé également élu, a vu sa démarche reconnue par la communauté internatio- nale au détriment de son adver- saire Laurent Gbagbo. Cette reconnaissance de l’élection d’Alassane Ouattara avait précipité la chute du régime Gbagbo. Contraint à ses derniers moments de vie de braquer les banques pour assurer la paie des soldats et autres fonctionnaires. En cas de passage en force de BOA, Jean Ping pourrait fort bien s’en inspirer, mettant ainsi la communauté internationale face à ses responsabilités. D’autant qu’elle vient de lui « forcer la main » en l’amenant à déposer un recours.
Marie-Madeleine Mborantsuo a aussi face à elle les durs de son camp. Plusieurs sources indiquent que des menaces précisent pèsent sur elle et sa famille au cas où elle n’achèverait pas le travail commencé par son facto- tum René Aboghe Ella, le prési- dent de la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap). Le vice- Premier ministre démissionnaire, Séraphin Moundounga, a pu expérimenter cette furie des émergents à l’encontre de leurs anciens camarades qui décident de voir la réalité et de dire la vérité.

Dans tous les cas, elle doit comprendre qu’elle gagnerait à se faire protéger par 1,8 million de Gabonais plutôt que par quelques mercenaires, comme l’assure BOA, sans conviction. Surtout qu’au moment où BOA lui impose cette posture jusqu’au-boutiste, lui-même serait en train de lorgner sur un havre de paix hors du territoire, selon certaines sources Marie-Madeleine Mborantsuo est face à un choix cornélien. Soit, comme prévu depuis le début, elle parachève l’œuvre entamée par Aboghe Ella et Moubelet Boubeya en proclamant BOA élu ; dans ce cas elle verra s’ériger devant elle la communauté internationale qui a les vrais résultats de l’élection et le peuple gabonais tout entier pour qui BOA est totalement disquali- fié pour diriger le Gabon. « Quand un chef d’État tire sur son peuple, il n’est plus en droit de le diriger », aurait dit-il déclaré à l’endroit de Kadhafi au plus fort de la crise en Libye. Aujourd’hui, cette remarque s’applique pleinement à lui- même. Toutes les conditions sont réunies pour qu’un sursaut républicain s’empare de Marie- Madeleine Mborantsuo, qui se dit « croyante », afin qu’elle fasse le choix du peuple, au nom de sa propre descendance. Car au moment de rendre des comptes, le peuple lui trouvera des cir- constances atténuantes pour avoir épargné au pays des rivières de sang et une « instabi- lité durable » de type burundais.

Arthur Page

le 13 Septembre 2016