
En réalité, René Ndemezo’o Obiang, que l’on prenait pour une « bête politique », ne s’est pas aperçu que la ferveur populaire qui s’est manifestée pour Jean Ping n’était pas née du charisme ni de Jean Ping lui-même, ni des hommes, certes de qualité, qui ont décidé de le soutenir dans cette élection. Il s’agissait avant tout d’une volonté unanime de tous les Gabonais de tourner la page PDG-Bongo. Jean Ping ou pas, cette lame de fond va subsister.
Or, René Ndemezo’o Obiang a cru que la forte adhésion de la communauté fang à la candidature de Jean Ping était de son fait. Il a ainsi entrepris, en sous-main, d’entrer en négociation avec le chef de la junte, dans l’espoir « de gagner sur tous les tableaux ». Il aurait, selon nos sources, fait croire à BOA, en pleine campagne électorale alors qu’il présidait le directoire de campagne de Jean Ping, de pouvoir faire revenir à lui « la sympathie de la communauté fang, tout comme il avait réussi par son départ du Parti démocratique gabonais (PDG) à l’en éloigner ». Benêt, le chef de la junte a cru à cette thèse et a ordonné que les caisses de la banque familiale, BGFI, soient ouvertes aux desiderata de René. C’est ainsi qu’on le verra très souvent, à cette période-là, à l’agence BGFI d’Owendo.
Le chef de la junte ne s’est pas limité à la simple question d’argent. Il a alors discuté d’avenir avec René. Le poste de Premier ministre était devenu hors de portée pour lui, compte tenu de la précipitation avec laquelle BOA comptait installer la junte. Il lui a plutôt promis celui de vice-président de la République. Mais pour montrer sa « bonne volonté », René a été invité à participer à la formation du « gouvernement de large ouverture ». C’est ainsi qu’il a obtenu que sa nièce Flavienne Nfoumou Ondo en fasse partie.
BOA ayant tenu parole à mi-chemin, le tour revenait à René de faire sa part de « boulot ». L’homme va commencer un intense lobbying en direction de certains leaders d’opinion de la communauté fFang, dans le dessein de les désolidariser de Jean Ping. Il va alors leur servir sa thèse erronée selon laquelle « c’est la communauté fang qui a payé un lourd tribut ». Sous-entendu qu’il était temps de « stopper » ces massacres en se rapprochant de BOA, au nom de cette maxime fang qui veut qu’« on ne tourne pas le dos au pouvoir ».
Quelques leaders mordront à l’appât. Le plus emblématique étant le général Simon Mengome Atome. D’autres, à l’image de Vincent Essone Mengue, le maire d’Oyem, feront comprendre à René que le moment n’était approprié pour un tel retournement. Et qu’il valait mieux, au nom de ces centaines de jeunes gens morts pour le Gabon, soutenir « jusqu’au bout » Jean Ping. René, qui avait un autre deal, ne l’a pas écouté et a préféré poursuivre son travail de sape, ce qui va amener le groupe très majoritaire des leaders fang du Woleu-Ntem à aller rencontrer Jean Ping pour lui témoigner son soutien. Assorti d’une déclaration musclée contre « le mercenaire politique ».
Parallèlement à ce « lobbying », René va s’employer à mettre d’autres personnalités fang devant le fait accompli. Ce sera le cas lorsqu’il déclare sa flamme à BOA en acceptant son dialogue. Sous- prétexte d’inauguration du siège de son parti, il va proprement piéger Jean Eyeghe Ndong en saisissant ce moment pour dire « oui » au dialogue. L’effet médiatique était assuré puisqu’il était permis de considérer que toutes les personnes présentes à cette cérémonie étaient en accord avec René. Face à ces images, BOA pouvait alors se frotter les mains.
C’était compter sans la détermination de ces leaders à ne pas laisser Jean Ping seul face à BOA. Jean Eyeghe Ndong, d’abord, et Vincent Essono Mengue, ensuite, réaffirmeront leur soutien à Jean Ping, laissant René seul, sans troupe, dans son projet fou de ramener la communauté fang à BOA.
Par Gil Lawson
publié le 19 Octobre 2016