Guy Pierre Bitéghé, encore un journaliste contraint à l’exil

guy-pierre-biteghePour avoir publié, il y a quelques semaines, une interview dans laquelle un haut gradé de la garde présidentielle dévoilait le nombre 212, comme étant celui des civils tués lors des violences postélectorales de fin août-début septembre dernier, alors que dans les rangs de la junte militaro-putschiste au pouvoir, on n’en compte officiellement que quatre, Guy Pierre Bitéghé, journaliste et directeur de publication du journal Le Mbandja, est désormais contraint à l’exil.

Encore un journaliste contraint à quitter le Gabon pour ses écrits ! Voila qui vient agrandir la grande famille des exilés de la junte de Bongo Ondimba Ali, alias BOA. C’est un avertissement et pas des moindres aux confrères qui se refusent à chanter les louanges du despote BOA. Avis aux « journalistes courageux » du Gabon, la liberté de la presse n’est pas pour demain avec BOA qui veut se maintenir au pouvoir à coups de faits d’armes. Utiliser sa plume pour décrire les faits et rien que les faits, c’est le crime de nombreux journalistes gabonais, en l’occurrence, celui de Guy Pierre Bitéghé qui fait désormais les frais du travail bien fait de journaliste. « Après des menaces proférées contre moi, il y a eu des tentatives d’enlèvement. Des amis bien introduits au sein du régime m’ont demandé de me faire oublier un temps, de quitter Libreville. Je suis alors parti de Libreville pour me réfugier chez moi à Lambaréné, le temps de me faire oublier un peu. Quelques temps après, les mêmes contacts me rappellent pour me dire que j’ai bafoué les règles, qu’on pouvait me faire la peau là où j’étais, il fallait donc que je parte de là. C’est ainsi qu’ils ont organisé mon exfiltration de Lambaréné jusqu’à l’endroit où je me trouve en ce moment », s’est confié le directeur de publication de l’hebdomadaire Le Mbandja dans une interview que le quotidien en ligne Gabonreview a publiée vendredi dernier.

Au lendemain de la parution de l’article incriminé, le Conseil national de la communication, CNC, avait infligé une interdiction de parution durant un mois. Mais, la sanction n’ayant pas été proportionnelle à la gravité des faits révélés par Le Mbandja, selon les faucons de la République tapis dans l’ombre de BOA, il fallait à tout prix mettre fin à la vie de Guy Pierre Bitéghé qui n’est pas souvent tendre avec le pouvoir émergent. « Le CNC avait jugé que compte tenu du climat politique postélectoral, cette interview était de nature à envenimer les choses. L’organe de régulation m’a condamné à une interdiction de parution du journal sur une période d’un mois », précise t-il. En principe, sur cette décision de l’organe de régulation, l’affaire devrait pourtant être rangée au « cold case ». Mais, le dictateur Bongo Ondimba Ali, alias BOA, qui déteste être contrarié a décidé de traquer le journaliste jusqu’à ce qu’il se résigne à lever le camp pour sauver sa peau. « Ce n’est pas de gaieté de cœur que j’ai dû quitter le pays avec ce que ça me coûte comme risques de vivre à l’étranger. J’ai dû utiliser également les quelques fonds qui étaient en Banque, je les ai mobilisés pour essayer de survivre », conclut Guy Pierre Bitéghé. C’est dire que le problème s’est mué en une affaire politique. Comme pour tout d’ailleurs dans ce pays où la normalité, la justice et la vérité restent de vains mots. Craignant d’être clochardisé dans son nouveau pays d’acceuil, le journaliste aurait même déjà entrepris des démarches afin d’obtenir un statut d’exilé politique. Liberté de la presse au Gabon, quel tabou !

Nedjma leMonde

publié le 28 Octobre 2016