L’éditorial : La règle est la même pour tous !

Posté le 24 Oct 2016
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Par Désiré Emane

S’emballer pour cette comédie proposée par le chef de la junte militaro-put- schiste, Bongo Ondimba Ali (BOA), quelle balourdise !

Des déclarations de quelques politicards fusent ça et là ; ceux dont la jactance n’a d’égale que leur absence de clairvoyance ; révélation à la fois de leur inconsis- tance et de leur inconstance. Sur ces façons de faire, Jules Aristide Bourdes Ogouliguende (JABO) lançait en juin 1993 que les « hommes politiques sont condamnés, soit à se répéter ; soit à se contredire ». Mais il est mieux qu’un homme politique se répète toujours.
Tout dialogue se passe dans des conditions de sérénité. Et le dialogue devient utile en ceci qu’il est un instrument pour prévenir les crises, plutôt qu’un outil de résolution de crise. Or, à la pratique, l’on a souvent vu que dans les pays où une crise s’est installée, tout dialogue devient difficile. On l’a vu dans le cas centrafricain. On peut en parler dans les crises multiformes au Soudan ; dans le cas du Tchad dont la stabilité n’est que de façade, mais qui ne tient qu’au système répressif mis en place par les autorités de ce pays. Pour retrouver la paix en Côte d’Ivoire, la communauté internationale a mis dix ans.

La situation du Gabon aurait pu être réglée lorsque la société civile, d’un côté, et, de l’autre côté, les hommes politiques avaient tiré la sonnette d’alarme pour signaler la crise qui couvait et qui pouvait à la longue dégénérer. A cette période, feu André Mba Obame, véritable vainqueur de la présidentielle de 2009, des témoignages d’anciens dignitaires français de premier plan dans un document de France 2 faisant foi, appelait la communauté internationale à amener le pouvoir de sa petite majesté « Tropicale », comme on l’appelait à l’époque, à convoquer une conférence nationale souveraine. Ce dernier avait opposé une fin de non-recevoir. « Le Gabon n’est pas en crise », avait-il martelé.

Deux ans plus tard, la situation sociopolitique s’était exacerbée. Dès le 18 novembre 2014, à la suite des journées tumultueuses des 13 et 14 novembre, le représentant des Nations unies, le Sénégalais Abdoulaye Bathily, entreprenait la tournée des acteurs politiques, tant de la majorité que de l’opposition, en vue de les amener à s’asseoir autour d’une table. A cela, l’actuel chef de la junte militaro- putschiste répondra : « A injures publiques, excuses publiques. » Il n’était donc pas question pour lui de s’asseoir avec qui que ce soit pour apaiser la tension politique qui était évidente.

Un mois plus tard, malheureusement, on enregistrait un mort, des journalistes mis sous les verrous et une coercition sans norme sur les leaders de l’opposition, frappés d’interdiction de quitter le territoire national. Si cela n’était pas déjà des signes concrets du chaos à venir, c’est que BOA souffre, en plus de la paranoïa tyrannique, d’une crise aiguë d’irresponsabilité.

Ainsi pour dire que lorsque les conditions du dialogue étaient réunies et disaient l’urgence de le tenir, la chef de la junte a défié la réalité du terrain. Défiant en même temps l’expertise de personnes rompues au règlement des conflits, et qui savent en percevoir les signes. C’est fort de cela que l’opposition estime qu’il n’y a pas de dialogue possible avec une personne qui a démontré un sens surélevé du déni des réalités, et du déni des droits de ses concitoyens.

L’autre aspect des choses est que le dialogue ne peut se tenir pendant que des familles gabonaises pleurent les morts et que, de ce fait, la nation tout entière est endeuillée ; que des personnes sont portées disparues depuis deux mois. Cela, on ne le dira jamais assez, le chef de la junte militaro-putschiste, BOA, a transgressé la morale et banalisé la loi divine, que même les peuples animistes ont fixé comme la norme sociale première : le respect de la vie.

Quand il a décidé de recruter des mercenaires, il avait en perspective l’intention de tuer. Et donc de bafouer cette loi divine. Au nom de ses intérêts primitifs de conservation du pouvoir. Sans restriction aucune. Poussant à la déchéance de ses concitoyens. Déniant aux uns le droit d’exister. Le droit à la liberté. Torturant d’au- tres. Le dialogue n’est pas possible avec un assassin.

La seule attitude que les Gabonais, épris de justice et de paix, ont décidé d’avoir face à cet homme, c’est la fermeté et la détermination qu’ils montrent à le dégager de la scène publique au plus vite. Même bunkerisé dans son palais. Qu’il se sou- vienne que Ceausescu en Roumanie s’était bunkerisé de même, au pire moment de la crise roumaine en 1989. Il envoya des soldats mater les manifestants. Il y eut un semblant d’accalmie. Puis il fut extrait de son palais par des roumains sans forces armées, bravant la puissance de sa garde hyper équipée.

L’histoire n’est qu’un perpétuel mouvement des aiguilles d’une horloge. Ce mouvement est répétitif ; il va dans le même sens, toujours, comme elle. Dans l’histoire, les mêmes signes avant-coureurs ont toujours produit les mêmes effets. Tous les tyrans le savent. Mais ils ont toujours fonctionné de la même manière : défiance et déni de la réalité. Mais ils ont toujours fini de la même manière. Eux et leurs affidés. Il n’y a aucune exception à cette règle. Il n’y en aura jamais.

publié le 24 Octobre 2016

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