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Air France : 70 ans d’exploitation du ciel gabonais sans retombées positives pour ce pays

Air France : 70 ans d’exploitation du ciel gabonais sans retombées positives pour ce pays

air-france_0Air France-KLM c’est plusieurs milliards d’euros de capitalisation boursière en Europe. Dans cette accumulation astronomique des capitaux, le Gabon y a pris sa part pendant 70 ans. Mais ce pays a priori a servi uniquement comme vache laitière à air France. La compagnie qui possède un terminal entier à l’aéroport Charles de Gaulle à Roissy, loue un modeste deux pièces dans un immeuble qui ne pèche pas de mine, au centre-ville de Libreville sur le boulevard du bord de mer. A l’aéroport de Libreville, cette compagnie ne possède pas de bureau. Elle exploite les comptoirs d’enregistrement lors de ses vols qui sont devenus quotidiens au départ de Libreville depuis belle lurette comme le ferait une banale société charter qui vient épisodiquement sur le sol gabonais.

C’est cette entreprise que le gouvernement de la junte est venu fêter il y a quelques jours dans un hôtel de la place. Il a commis la putschiste en charge des transports, Flavienne Mfoumou Ondo, pour aller faire un discours de circonstance. On ne sait pas en quoi le Gabon peut se glorifier de la présence sur son sol d’une compagnie qui ne lui rapporte pas grand chose. Qui, a contrario, a tout fait pour s’assurer du monopole de l’espace aérien gabonais. Air France a torpillé le développement d’Air Gabon. La compagnie française, qui était pourtant le partenaire technique auprès d’air Gabon, ne s’est pas empêchée de développer une concurrence directe avec air Gabon en maintenant une liaison directe Libreville Paris. Il est vrai qu’elle a bénéficié pour cela de la complicité du pouvoir d’Omar Bongo Ondimba qui lui accordait les autorisations nécessaires. Un tel schéma était intenable pour Air France. Cela signifiait qu’elle devait faire concurrence à elle-même pour qu’Air Gabon prenne véritablement de l’envol. Naturellement, les cadres d’Air France, payés à prix d’or, n’avaient pas cet objectif. Ils devaient s’arranger pour plomber air Gabon de l’intérieur afin de rendre cette compagnie non viable. Ils ont réussi leur coup de manière spectaculaire. En 2016, leur compagnie célèbre les 70 ans de présence au Gabon. Dans le même temps, les Gabonais eux célèbrent les 20 ans de la disparition des radars de la compagnie nationale. Les putschistes n’ont pas cette lecture des intérêts du Gabon. Du moment qu’ils trouvent individuellement les leur.

L’absence d’une compagnie aérienne nationale a vu fondre l’expertise qu’avait pu cumuler Air Gabon en matière de transport aérien. Toute chose qui aurait pu être compensée par le développement d’un secteur aéronautique fort comme on l’aurait pu le croire avec la présence pendant 70 ans d’Air France au Gabon. La compagnie française ne possède aucun atelier à Libreville susceptible soit de prendre en charge ses propres avions localement en cas d’avaries, soit de pouvoir vendre cette expertise aux nombreux aéronefs qui fréquentent l’aéroport de Libreville. La compagnie s’est gardée pour elle-même ce savoir-faire à Paris. Malgré que le Gabon demeure depuis très longtemps sa ligne africaine la plus rentable. Ces avions sont toujours pleins à la fréquence quotidienne.

Faut-il rappeler qu’à l’époque où la compagnie nationale du Gabon avait opté pour l’acquisition de plusieurs avions de type Fokker, la compagnie hollandaise avait installé à Libreville, un centre technique qui recevait pour révision tous les aéronefs Fokker acquis par les compagnies aériennes africaines. Ethiopian Airlines, qui est devenue une référence internationale en matière d’aviation civile, envoyait ses avions de type Fokker à l’atelier de Libreville. L’entreprise hollandaise avait agi ainsi parce qu’Air Gabon avait acquis une flotte plus importante que toutes les autres compagnies africaines. Elle a estimé que Libreville devait bénéficier de ce transfert de technologie qui lui permettait de s’assurer des entrées financières. Air France, qui a le monopole du ciel gabonais, ne veut rien partager avec le Gabon.
Le plus surréaliste est que cette compagnie s’est également attaquée au seul secteur où les entreprises gabonaises pouvaient capter une partie de la valeur ajoutée de l’exploitation du ciel Gabonais. Il y a quelques mois, elle a décidé de vendre de manière directe ses propres billets d’avions. Alors que cette activité était jusque-là réservée aux seules agences de voyages installées au Gabon. La junte a laissé faire. Cela a conduit ces agences à de douloureux ajustements pour ne pas disparaitre. Etant donné que les clients auront plus tendance à s’adresser directement à la compagnie pour avoir une place qu’à une agence de voyage.

Sans état d’âme, Air France met en œuvre, un modèle économique digne d’une entreprise coloniale. Il consistait, jadis, en l’exploitation des ressources des colonies pour financer le développement de la métropole. Air France fait face en Europe à de gros défis économiques liés à une concurrence accrue avec d’autres transporteurs européens, qui l’ont conduit à adopter plusieurs plans sociaux ces dernières années. Le dernier en date s’est terminé par une bagarre généralisée entre les syndicats et la direction de cette entreprise. Le monde entier a ainsi pu voir le directeur des ressources humaines d’Air France malmené par les salariés en colère. C’est dire que cette compagnie a besoin de beaucoup d’argent. Son statut d’entreprise privée le prive du bénéfice des subventions de l’Etat français. Elle doit « se débrouiller » comme elle peut pour faire rentrer l’argent nécessaire dans ses caisses. Le Gabon, qui a accepté ce fonctionnement colonial, apporte une partie importante de ce financement en lui concédant son espace aérien, sans contrepartie sérieuse.

C’est ce contrat léonin qui lie le Gabon à Air France que les putschistes sont venus célébrer. On comprend pourquoi, Jean Marc Ayrault, Manuel Valls et François Hollande se sont empressés de reconnaitre BOA contre la souveraineté du peuple gabonais. Honneur ultime pour BOA, et déshonneur pour la France et l’Organisation internationale de la francophonie (Oif), Hollande et le putschiste chef de la junte au pouvoir au Gabon BOA, étaient côte à côte à Madagascar au sommet de la francophonie pour la photo de famille. Sans doute qu’en aparté, Hollande a dû exiger du chef de la junte militaro-putschiste, d’autres contrats léonins de ce type pour de nombreuses autres entreprises françaises qui sont en difficulté dans l’Hexagone.

Par Jean Michel Sylvain

publié le 28 Novembre 2016

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