L’Éditorial par Désiré Ename : Bienvenu dans le club des persona non gratta

Désiré Ename

PhotoA force de jouer avec le feu on finit par se brûler les doigts. Notre rédaction ayant appris que des Gabonais avaient saturé l’hôtel Four Seasons de Washington au 2800 sur Pennsylvania Avenue, NW, nous avons décidé de vérifier l’information. La réceptionniste de l’hôtel qui nous répond s’écrie « Arrêtez de nous appeler, vous saturez notre standard. Nous n’avons pas de client à ce nom ». C’est dire le niveau de mobilisation des Gabonais des USA et de France.
D’autres ont tenu à le faire via e-mail adressé à l’une des responsables de cet établissement Liliana Baldassari. Pour lui dire que son hôtel est l’établissement le plus réputé aux USA et au monde, et que cette réputation mérite d’être préservée. Ceci pour continuer d’attirer une clientèle de grande qualité. Puis de lui signaler qu’une cliente qui y réside actuellement, Marie Madeleine Mborantsuo, trainait de lourdes casseroles. Son histoire récente et ses dernières œuvres, notamment le coup d’Etat électoral et les assassinats qui ont découlé de la décision qu’elle a rendue au Gabon, faisaient tâche d’huile dans son établissement. Sans commentaires.

Nous disions à Mborantsuo, il y a quelque temps, que le monde sera trop petit pour elle. Et qu’il lui faudra la Lune, Saturne et ses anneaux, Jupiter, etc. pour se mouvoir désormais. Simplement qu’un jour ou l’autre, elle n’aura pas où se réfugier.
Ce qui s’est passé au Four Season à Washington n’est pas que plein de symboles. Mais c’est le début d’une nouvelle ère pour une classe de personnes qui a érigé la transgression, à la fois en modus operandi et en modus vivendi. A cette classe de personnes, Franck Jocktane, Tata Huguette, Ndossi, Alain Serge Obame… sont allés dire qu’à eux et à tous ceux de leur acabit, le monde va devenir si petit pour eux qu’ils n’auront plus où mettre le nez. Ce que Mborantsuo et son compagnon, Lin Mombo, ont subi au Four Seasons est ce qui attend nombre d’entre eux. Et ce n’est pas dommage.

Derrière cet acte il y a désormais une réputation qui va s’installer dans ces hauts lieux du luxe de la planète : celle des pestiférés aux poches pleines. C’est ce que Ndossi, Franck Jocktane – mettre le prénom et le nom pour éviter la confusion- Tata Huguette et Alain Serge sont allés instaurer au Four Seasons. Le message prendra partout.

Car ces personnes qui ont passé tant d’années à ficher et à faire ficher leurs compatriotes, seront désormais tous sur une fiche avec le sceau persona non grata. La diaspora gabonaise aux USA vient d’ouvrir, pas un nouveau front, mais a ajouté un autre instrument dans la lutte : celle de restreindre les possibilités de mystification à la caste incrustée aux privilèges et prestiges du pouvoir. Lorsqu’ils n’auront plus accès nulle part, on ne le dira jamais assez, le monde sera bien petit pour eux. Parce qu’il ne se résumera plus qu’au seul Gabon.
Bien entendu, Mborantsuo et consorts ne comprennent pas qu’il y a une fin à toute chose. Bien que nous n’avions pas arrêté de le leur ressasser. Le faire n’est pas pour qu’ils prennent conscience de cette réalité. Ils ne le pourront jamais. Mais c’est pour dire qu’il y a eu dans l’histoire des situations d’occupation et d’asservissement des peuples. Ce, de l’Egypte antique au 20e siècle. L’exemple le plus illustratif de l’histoire des occupations et de la riposte par la résistance est certainement le cas de l’occupation de la France par Hitler. Il disposait à la fois d’une force militaire incomparable et des capacités à la fois offensives et tactiques. La France déploya une résistance qui n’avait d’égale que la détermination de son peuple ; à travers ses jeunes et ses symboles comme Guy Moquet, ses femmes, ses hommes. Ils n’avaient ni l’armement, ni les capacités militaires d’Hitler, qui avait réussi en quelques campagnes à annexer la quasi totalité de l’Europe. Mais qu’en a-t-il été au bout du compte ? La résistance a fait montre de manœuvre et de détermination. Ce sont ces instruments qui viendront à bout de la puissance hitlérienne. Sans cette résistance, les 08 Mai et 11 Novembre n’auraient été que des jours aussi ordinaires que d’autres sur le calendrier français.
Les Gabonais de l’extérieur ont instruit, et mènent depuis 12 semaines, une résistance des plus farouches en Europe et en Amérique. Ce sont des étudiants gabonais du Ghana, une poignée d’entre eux, qui ont empêché le voyage de BOA au Togo le mois dernier. Mborantsuo est passée incognito en France. Enregistrée incognito au Four Season à Washington. L’on apprend qu’elle aurait changé d’hôtel depuis hier. Signe que la peur a changé de camp. Il n’y a donc pas une armée, aussi puissante soit elle, qui viendrait à bout de la détermination des citoyens décidés à « libérer la liberté ».

Pierre Akendengue nous dit aussi dans plusieurs de ses chansons dont « Ntché ngani », bréviaires des traditions gabonaises, que nous avons l’eau, la terre, le soleil, la pluie en abondance, etc. Même le feu s’obtient naturellement. Nos fleuves regorgent de poissons, nos forêts de viande, nos sœurs et nos mères savent toujours planter…, aucun Gabonais ne mourra jamais de faim s’il a sa solde coupée. L’on peut également se priver de télévision, de l’électricité du « blanc », etc. C‘est ce chant de résistance qui gagne et va gagner les chaumières. Résister pour récupérer son dû. Résister pour, comme l’a dit Franck Jocktane, « empêcher ceux qui nous privent de rêves de dormir ».
C’est cette résistance nourrie de la détermination du peuple qui, définitivement, va ouvrir les portes à Mborantsuo, BOA, Moubelet Boubeya, Issoze Ngondet et d’autres, les portes du club des persona non grata.