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Accusation d’abus sexuel : La junte veut couvrir ses soldats

Accusation d’abus sexuel : La junte veut couvrir ses soldats

Sylvia Bongo ici entourée des soldats gabonais à Bangui en 2013
Sylvia Bongo ici entourée des soldats gabonais à Bangui en 2013
C’est un fait inédit dans les relations internationales. La junte militaro-putschiste au pouvoir au Gabon met en cause les conclusions d’une enquête menée de manière très professionnelle, qui accuse 16 soldats gabonais ayant pris aux opérations de maintien de la paix à Bangui en Centrafrique, d’abus sexuel ou d’avoir monnayé des rapports sexuels contre de la nourriture ou de l’argent. Le gouvernement de la junte militaro-putschiste, qui doit tout de même son existence grâce au déni par Ban Ki-Moon et l’Onu de la souveraineté du peuple gabonais, au lieu d’accueillir froidement ce rapport et prendre des sanctions qui s’imposent, accuse l’Onu, à mots à peine couverts, d’avoir organisé les fuites dudit rapport dans la presse. Le secrétaire général du ministère de la défense, le vice-amiral Gabriel Mally Hodjoua, parle dans un communiqué lu sur les ondes de la télévision nationale « d’une campagne de désinformation et de manipulation médiatique ». Regrettant presque l’usage « non officiel » que constitue l’embrasement médiatique de cette affaire. La junte aurait voulu que l’Onu habille du sceau de confidentielle défense, donc non diffusée publiquement, une affaire qui met en cause sa crédibilité. A l’image sans doute du sort qui a été réservé au rapport rédigé par l’ancien Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies au Gabon, Abdoulaye Bathily, sur l’élection présidentielle de 2016. Frappé du sceau de « confidentiel », celui-ci n’a jamais été rendu public. Mieux, dans un exercice pitoyable, son rédacteur est venu démentir publiquement son existence.

La suite est plus pathétique. Toute honte bue, la junte s’autorise à donner des leçons à l’Onu. Le SG du ministère de la défense a tancé violemment l’organisation en rappelant que la junte « …a toujours veillé à la disciple et à l’éthique des soldats gabonais en opération ». On se demande bien de qui peut se moquer la junte. Son armée a certes une « éthique » et observe une « discipline », malheureusement c’est celle d’une milice qui n’agit pas pour défendre les intérêts du Gabon, mais d’une junte militaire oppressive, qui a fait de la violation des droits de l’homme son mode de fonctionnement. Car une armée qui a une éthique républicaine, et observant une discipline tout aussi républicaine, ne tire pas sur un peuple qui manifeste pacifiquement pour que sa souveraineté ne soit pas violée. Elle ne s’avise pas de procéder à des enlèvements des citoyens ou des séquestrations en dehors de toute procédure judiciaire. Y compris de certains de ses membres jugés, à tort ou à raison, proches des opposants. C’est malheureusement le spectacle qu’offre actuellement l’armée gabonaise au monde entier. Au point que des corps sans vie, portant des impacts de balles, se trouvent encore dans les morgues de Libreville. La junte pense très sérieusement les ensevelir au titre d’indigents (lire par ailleurs). Les accusations d’abus sexuel et d’exploitation sexuelle rapportées dans le rapport de l’Onu à l’encontre de 16 soldats gabonais, apparaissent alors plus que vraisemblables. C’est d’ailleurs une information qui ne peut pas étonné toute personne qui a été en contact avec des filles étrangères, souvent sans papiers, qui vivent au Gabon clandestinement. Elles n’hésitent pas à affirmer qu’elles ont dû consentir systématiquement à des relations sexuelles non consenties avec des agents des forces de défense (gendarmes) qui les avaient interpellées. En échange de la possibilité de les laisser continuer leur route vers la capitale Libreville. Les accusations de l’Onu ne peuvent pas surprendre les Gabonais.

Pour montrer son mécontentement contre l’Onu qui l’a soutenu dans son forfait, BOA annonce fièrement au peuple centrafricain et à ses partenaires internationaux que « … des enquêtes adéquates sont menées pour faire la lumière sur cette affaire de façon appropriée et appelle par conséquent au respect de la présomption d’innocence… » Par cette prise de position, il faut donc comprendre que l’Onu n’a pas mené une « enquête adéquate ». Et qu’en publiant son rapport sans l’autorisation de BOA, elle ne respecte pas « la présomption d’innocence ».
Au-delà des souffrances des jeunes filles qui ont dû vivre des moments difficiles, la charge de la junte contre l’Onu doit servir de leçon à cette organisation. Elle a tout intérêt à militer pour que des pouvoirs démocratiques émergent partout à travers le monde. Au lieu de s’accommoder comme elle le fait avec des dictatures d’une autre époque. Il est clair que Jean Ping démocratiquement élu président du Gabon, si l’Onu sous l’influence des françafricains n’avait pas accompagné BOA dans la mise en œuvre de son putsch, serait aujourd’hui à la tête du Gabon. En démocrate élu, il aurait utilisé ce rapport comme un signal d’alarme sur l’état réel de son armée. Sans hésitation, il aurait saisi la justice afin qu’elle se prononce sur la culpabilité ou non des personnes incriminées. Et non chercher à vouloir les absoudre au non des services rendus à travers le putsch militaro-électoral dont il a bénéficié, en organisant un bras de fer avec l’Onu.

Par Alain de la Rosière

publié le 9 Décembre 2016

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