Dialogue des recommandations…ou de l’action ?

Désiré Ename

Par Désiré Ename

Récapitulons. Dès lors que les résultats furent connus le 31 août dernier, la communauté internationale n’a pas eu d’autres mots à l’endroit de Jean Ping que de lui demander d’user des voix de recours qui favorisent la paix et d’agir dans la légalité. La communauté internationale comprenait: l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), l’Organisation des Nations unies (Onu), les Etats-Unis d’Amérique, l’Union européenne (UE), et de façon tout à fait singulière, la France. Du reste, Jean Marc Ayrault, ministre français des Affaires étrangères, sera exceptionnellement actif sur ce front. Les dessous de son activisme pour convaincre le camp Ping de faire un recours par des voies légales, désormais dans le registre des affaires franco-gabonaises, seront révélés le moment venu. Il ne saurait en être autrement.

Désiré Ename
Désiré Ename

Sans fioritures, Jean Ping, dont tout le monde sait, chiffres à l’appui, qu’il a remporté cette élection haut la main et à la majorité absolue, fort d’une large coalition, va alors se mettre à l’écoute de la communauté internationale. Il introduira un recours. Chemin faisant, les autorités de l’ancien régime, ayant prise sur les institutions judiciaires, notamment la Cour constitutionnelle, joueront d’entourloupes avec sa complicité active pour imposer leurs vues, et s’imposer par la suite. Ce fut flagrant et déshonorant. Mais ce fut devant et à la face de la communauté internationale. Une partie d’elle ne dira quasiment rien, participant ainsi à valider le fait accompli au moment du rendu de la Cour constitutionnelle. L’Union européenne, seule, ne marquera pas le pas dans ce bal d’hypocrites. Les Américains prendront acte du rendu de la Cour, sans plus. L’OIF indiquera la voie de la normalisation en appelant à l’apaisement. La France, sans sourciller, annoncera que le Gabon avait « désormais un président ». Bien ou mal élu, elle (ses officiels AVH) n’en aura cure.

Dans cette spirale, Jean Ping restera fermement dans l’action juridique, en optant pour un recours en révision comme le lui autorisait la loi. Recours qui n’aboutira pas plus que le premier. Il continuera malgré cela d’investir le champ diplomatique. A telle enseigne que dans son camp, un climat d’exaspération s’extériorisera. Une fièvre d’impatience gagnera les réseaux sociaux où, dans l’ensemble, il se dégageait une tendance à l’affrontement. D’aucuns arguant qu’aucune libération n’a jamais été obtenue sans en payer le prix fort. Puis viendra le rapport des juristes de l’Union africaine révélé par RFI. Même à ce stade des évidences sur les connivences des institutions en charge de l’organisation des élections (Cénap, Ministère de l’Intérieur et Cour constitutionnelle), Jean Ping, placide, ne se prononcera pas toujours.
Il a fallu attendre que les observateurs de l’Union européenne livrent les conclusions de leur mission, le 12 décembre dernier, pour que Jean Ping monte au créneau, après avoir suivi fidèlement les recommandations de la communauté internationale et…de la France.

Ainsi, il a rappelé que « Jusque-là, nous avons fait le choix de la légalité républicaine, encouragés en cela par la communauté internationale que nous prenons désormais à témoin. Nous considérons avec gravité, à compter de ce jour, que nous sommes arrivés au terme de cette démarche. Pour notre part, chaque Gabonaise et chaque Gabonais doit savoir que désormais, notre destin est entre nos mains et que plus que jamais, la libération de notre pays est en marche ».
Le dialogue entre Jean Ping et ses concitoyens a débuté le 19 décembre courant. C’est un dialogue ouvert à tous sur la situation du Gabon. Il faudra certes tirer les leçons du passé, et ébaucher l’avenir. Mais, de quelle manière la construction de l’avenir devra-t-elle être conduite ? Le 27 août dernier, 60% des Gabonais ont décidé de remettre leur destinée entre les mains de Jean Ping, et de changer le paradigme Etat/système-Bongo Ondimba. C’est à cette forte proportion de Gabonais qu’il reviendra, au cours des jours qui vont suivre, d’indiquer la voie à emprunter pour la libération de leur pays. «…Nous avons fait le choix de la légalité républicaine…nous considérons, à compter de ce jour, que nous sommes arrivés au terme de cette démarche…, désormais, notre destin est entre nos mains ». Phrase lourde d’Histoire et de perspectives.

Ainsi, lorsqu’on a épuisé toutes les voies possibles, les recommandations ne suffisent plus. Et lorsqu’on a tout épuisé comme c’est le cas, il ne fait plus aucun doute qu’entre en vigueur la stricte application du droit à l’insurrection reconnu aux peuples, selon les termes de l’article 35 de la Déclaration des Droits de l’Homme et Du Citoyen de 1793. Il dispose : « Quand le Gouvernement viole les Droits du peuple, l’Insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ».
Sur ce, le dialogue qui s’amorce sera légitimement ce que le peuple qui le conduira, puisqu’il est question de son destin, décidera qu’il soit. En toute certitude, après le temps de la parole, sera celui de l’action.