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Éditorial de Désiré Ename: Le rapport qui noie Manuel Valls

Éditorial de Désiré Ename: Le rapport qui noie Manuel Valls

Désiré Ename, Directeur de publication d’Échos du Nord
Désiré Ename, Directeur de publication d’Échos du Nord
Est-on en mesure, aujourd’hui, d’infirmer que c’est sous le coup de la compromission que Manuel Valls, à l’époque Premier ministre français, est passé de « président élu, pas comme on l’entend » à déclarer à Abidjan, fin octobre, qu’« il y a un président, il y a eu des résultats proclamés, il faut apaiser. Ce que moi j’attends, c’est qu’il y ait dialogue car la confrontation, au Gabon comme ailleurs, ne peut pas être la voix qui s’impose ». L’on ne manquera pas de relever l’arrogance de ton, lorsqu’il présente le dialogue non pas comme une alternative, mais comme une exigence. Pas le moindre recul après la publication du rapport de la Mission d’observation de l’élection (MOE) de l’Union européenne (UE) ; pas la moindre retenue.

Poursuivons la valse des déclarations de Valls. Sous cape, à Abidjan, il alignera : « De toutes les façons, Ali est soutenu par le Maroc… ». « Il y a un président… le roi du Maroc le soutient », dixit Valls. Mais un président élu de quelle manière ? Le rapport de la Mission d’observation de l’UE donne la réponse la plus cinglante à Valls : le Gabon a un président toujours « élu pas comme on l’entend ». C’est-à-dire frauduleusement. Ceci a le mérite d’amener le petit ambitieux né en Espagne et adopté à 16 ans à réviser les différents protocoles sur le respect des droits de l’Homme. C’est bien que François Hollande ait pris une retraite anticipée. Valls aurait dû l’imiter.

On pourra aller plus loin dans l’interprétation de la réponse que la MOE donne à Valls et à une certaine françafrique AVH (Ayrault-Valls-Hollande). Ce rapport lui indique qu’elle s’est fourvoyée en soutenant l’insoutenable. Mais pis, elle s’est rendue complice d’une mascarade électorale qui a entraîné le massacre de centaines de jeunes, dont les corps d’une trentaine environ ont eu une sépulture digne. Plus de 200 autres, qui ont fini dans des charniers ou « incinérés », n’en bénéficieront point.

Comment Valls accueille-t-il une des anomalies relevées par la MOE au sujet des taux d’abstention réels et ceux, en définitive, bidouillés par Mborantsuo/Aboghe Ella ? On cite : « Selon le PV d’une des 15 CEL (NDR : Commission électorale locale) de la province (la CEL départementale de Moanda), le nombre de non-votants était de 5.248. (59,03% de participation). Le nombre de non- votants de la province se réduit à 2.948 dans le PV de la CEP (95,89% de participation). Ce nombre se réduit enfin à 47, dans le PV du Haut-Ogooué produit par la CENAP le 31 août (99,93% de participation). »

En plus de confondre Valls, ce rapport relance et conforte les soupçons de corruption qui ont bruit autour de cette personnalité, via son homme de main, Ibrahim Diawado N’jim. Si des maîtresses peuvent être entretenues à coups de dhirams royaux, une campagne électorale, cela se finance à gros sous. Même une campagne d’une primaire a besoin d’être financée. Et Valls, à travers toute l’agitation postélectorale, a donné des signes de nervosité de celui qui était tenu par un agenda unique : le sien et trouver le fonds… de campagne. Agenda qui l’a amené à la trahison. Car son détachement de François Hollande n’a pas meilleur substantif pour le décrire.

On dira que la politique est une longue série d’histoires de traitres et de traitrise. Et que même si à droite, dans le temps, un autre hyper ambitieux avait fait la chronique du genre, il reste que toute traitrise frise l’immoralité. A ce niveau, il appartiendra aux Français de gauche de discerner sur les valeurs que devra porter leur futur candidat. Car la droite, leur adversaire farouche, a donné le ton, séparant très vite le bon grain de l’ivraie, et en décidant du type de République qu’ils veulent pour demain : la République de la restauration des valeurs qui fondent l’Homme. Et ce choix a été dit dans les hommes qui se sont présentés à eux. Pour l’incarner, la droite républicaine a mis un accent particulier sur l’intégrité de celui qui doit prétendre à cette haute fonction. Et à n’en point douter, François Fillon est sorti non pas du chapeau d’une magie électorale hasardeuse, mais du plébiscite général. Qu’en sera-t-il pour la gauche ?

La constance est la caractéristique des hommes d’Etat les plus sérieux. Elle se manifeste dans la prise de parole, et dans la capacité qu’ils ont à se répéter sur les mêmes sujets au fil du temps. Il y a une autre constance, chez les vrais hommes d’Etat : la capacité à reconnaître les erreurs et celle à y renoncer spécifiquement. Or, c’est un doute admis et soutenu que Manuel Valls n’a pas l’étoffe de ces grands hommes. Il appartient plutôt à cette classe de petits ambitieux sans vergogne adeptes d’un machiavélisme basique et désuet, qui veut que la fin, seule, justifie les moyens. Quitte à donner caution au mensonge. Hier, on peut estimer qu’un président a été mal élu. Demain, sur un tout autre registre, au gré des intérêts personnels, et quand bien même des circonstances identiques se produiraient et parfois de la manière la plus flagrante, cette catégorie d’hommes politiques sans foi ni loi, pressée d’arriver, cautionnerait sans états d’âme une cohorte d’ambiguïtés qui heurtent la morale.

Dès lors, comment accorder du crédit à un Manuel Valls qui a adoubé Bongo Ondimba Ali et avalisé un déni de droit au Gabon ? Quelles valeurs incarnera-t-il demain, lui, à la tête de la France ?

De là, Manuel Valls s’est aligné, au même titre que Nicolas Sarkozy, au rang des personnes que les Gabonais ont décidé de stopper coûte que coûte. Les binationaux de tout bord en France sont unanimes que Manuel Valls, comme son pendant à droite, n’aura de la présidence qu’un rêve qui devra s’évanouir lors du premier tour de cette primaire de gauche, le 22 janvier prochain. Va-t-on le leur reprocher ? NON. En situation de légitime défense, on utilise les armes en sa possession. Il ne pourra même pas se servir de l’argument sarkozyste du « Vous n’êtes pas au Gabon ici », parce qu’il y a des binationaux d’origine gabonaise qui, plus que l’adoption, sont des Français de souche.

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