
Réflexe d’un régime totalitaire qui rame à contre-courant des sociétés modernes. Ces sociétés s’identifient par des systèmes politico-économiques qui établissent l’ouverture comme gage d’évolution. Dubaï ou Singapour n’auraient pas eu la même histoire s’ils avaient été sous l’emprise d’un totalitarisme primaire. C’est leur ouverture au monde qui a fait la différence. Dubaï et Singapour sont en réalité deux tas de sable. Si l’un, Dubaï, un des Etats des Emirats arabes unis, est riche en gaz et en pétrole, l’autre, Singapour, n’était pas doté du même potentiel. Et pourtant, le progrès de cet archipel de 64 îles, dont la superficie globale est de 719,1 km2, ne le doit qu’à la mise en valeur du potentiel humain. Sans discrimination.
Bongo Ondimba Ali dit « BOA-Honoré » a, lui, posé l’équation à l’envers : fonder une caste, composée de quelques privilégiés, pas plus d’une trentaine, élargie à quelques sous-fifres commis à des besognes diverses. C’est cetteconfrérie de corvéables à souhait qui se présente en ardent défenseur du régime répressif de BOA-Honoré. Puis, en face de ces privilégiés, se tient un groupe marginalisé par la volonté de BOA-Honoré, composé de tous ceux qui estiment, à raison donc, qu’il est inapte à la fonction présidentielle. Le gros de ce bloc végète dans les administrations sans attribution ou est simplement réduit à se cloîtrer ailleurs. BOA-Honoré n’a déployé de l’énergie au cours des sept dernières années que pour anéantir ces personnes et leurs proches. Il suffit, pour s’en convaincre,de constater que tous les hauts cadres qui lui ont ouvertement exprimé leur ressenti sur son amateurisme – Héritage et Modernité – en ont fait les frais. Soit il les a fait incarcérer sans motifs réels, soit il a intenté par sbires interposés moult manœuvres pour les occire.BOA-Honoré a cru, par ce biais, sécuriser son régime par la répression.
Tout comme il a cru le sécuriser par des actes les plus antidémocratiques, évoquant la loi après l’avoir taillée à la mesure de son pouvoir. Quand il n’a pas simplement rappelé aux membres du corps judiciaire qu’il était avant tout leur chef pour qu’ils s’exécutent. Il en a été ainsi de la dissolution de l’Union nationale. Voire de la mesure anticonstitutionnelle d’interdiction faite à l’opposition de tenir desréunions publiques,selon ce qui l’arrangeait. BOA-Honoré et ses hommes ont conçu la théorie du tout répressif. Réprimer toute velléité d’expression. Pas d’accès de l’oppositionaux médias publics ;quand le traitement de l’information sur ses activités laissent plus d’un dubitatif. Quant aux médias qui ne leur sont pas acquis, la parade est de se servir de la loi pour les éteindre. Le fait le plus marquant dans cette spirale de la violence est le nouveau Code de la communication, adopté en catimini lors de la dernière session parlementaire, sans examen approfondi.
En somme, la junte au pouvoir pense que c’est par la coercition – se soumettre ou se démettre –ou la divisionqu’il obtiendra la paix et la stabilité ; et qu’il faut multiplier la répression et assujettir les récalcitrants. Il ne va pas hésiter à réprimer la juste contestation, suite à la dernière élection présidentielle, dans une violence à nul autre pareil. A ce jour, de nombreux Gabonaises et Gabonais sont portés disparus. Des charniers sont évoqués et de nombreuses personnes, plusieurs dizaines, ont été identifiées dans des morgues.La paix et la stabilité peuvent-elles être obtenues dans un climat de terreur ? NON. Ce tout répressif ne marche pas. La preuve est qu’il rencontre une résistance des plus farouches qui va s’intensifiant chaque jour.
Le régime « totalo-répressif » de BOA-Honoré n’a pas pensé à l’effet boomerang d’une telle stratégie, qui, du reste,montre très vite ses limites. Lorsqu’on réprime, il arrive toujours un moment où l’opprimé, à force de subir, attrape le bâton de l’oppresseur. C’est à cet instant qu’il réalise qu’il a la capacité de neutraliser l’instrumentdont se sert son bourreau. Et en dehors du fouet ou du bâton, qu’a-t-il de plus ? C’est ce que les Gabonais ont intégré. A savoir que tout compte fait, une balle ne fait pas si mal que cela. Que l’on se souvienne du jeune homme qui, sur son lit d’hôpital, dit: « Dès qu’on m’aura extrait les balles de la jambe, je retourne au combat. Je ne peux pas laisser Ali Bongo Ondimba gouverner ce pays. »
Face à une telle détermination, les balles, les obus, même des bombes qui seraient jetées par des mirages qu’on fait voler au-dessus de la tête des Gabonais, n’y pourront rien.Dèsl’instant où le peuple atteint le stade de la détermination, la tyrannie est vaincue.C’est le stade où la puissance militaire ne peut plus rien.
Un homme vient de comprendre qu’au summum d’une tyrannie, il y a incontestablement l’éveil du peuple qui la subit. Et qu’il vaut mieux éviter sa riposte, car elle ne sera jamais contenue. Cet homme, c’est Yahya Abdul-Aziz Jemus Junkung Jammeh. Passé, sans autre transition que la voie des urnes, du potentat craint au démocrate salué. C’est lui que Washington a félicité, avant même le président élu, Adama Barrow.
BOA-Honoré n’a pas eu la lueur d’intelligence de cet homme qui a décidé qu’après le pouvoir il y a toujours une vie : celle qui, pour Yahya Jammeh, va désormais se dérouler au cœur de la quiétude de son village. Pour BOA-Honoré, il réalisera bientôt que le tout répressif est une véritable impasse.