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L’avocat de Jean Ping va engager la responsabilité de l’Etat français

L’avocat de Jean Ping va engager la responsabilité de l’Etat français

Le gouvernement français va-t-il devoir répondre de complicité dans les crimes perpétrés par la junte militaro-putschiste au pouvoir au Gabon et de non-assistance à peuple en danger ? Tout porte à le croire. Maître Emmanuel Altit, qui a introduit une saisine au nom de son client Jean Ping le 15 décembre dernier à la Cour pénale internationale (CPI), pour des allégations de crimes contre l’humanité perpétrés par la junte militaro-putschiste, a clairement indiqué son intention d’impliquer la France dans ce procès. L’avocat estime que le pouvoir français des françafricains Ayrault Valls Hollande (AVH) « ne pouvait pas ignorer » ce qui s’est passé le 31 août au QG de Jean Ping. Pour cause, le camp militaire français installé au Gabon est à quelques mètres de là. Les soldats français ont ainsi assisté impuissants à l’assaut d’une armée qui tirait à partir d’hélicoptères sur une population désarmée.

Un avocat de la place consulté pense que l’avocat de Jean Ping a tout à fait raison de vouloir impliquer le pouvoir français. Il devait donner l’ordre à son armée de s’interposer sans que cela relève de l’ingérence dans les affaires intérieures du Gabon. Dans le QG bombardé de Jean Ping se trouvaient plusieurs binationaux franco-gabonais. A ce titre, ils auraient dû bénéficier de la protection de la France puisqu’un crime était en train de se perpétrer. Cette passivité peut faire l’objet d’une infraction pénale attribuée aux chefs militaires sur place à Libreville et aux hommes politiques donneurs d’ordres à Paris. L’homme de loi croit que la responsabilité de la France est entière en amont des massacres. Pendant que BOA préparait et planifiait son coup d’Etat électoral, la France continuait à conseiller les soldats du fils putatif d’Omar Bongo Ondimba et Marie-Joséphine Nkama Dabany. La France n’ayant retiré sa coopération militaire avec le Gabon qu’à quelques semaines du massacre survenu au QG de Jean Ping.

Le froid actuel qui caractérise les relations entre la France et le Rwanda de Paul Kagamé découle d’une situation similaire. L’homme fort de Kigali accuse les soldats français d’avoir prêté main forte aux génocidaires hutus pour accomplir leur sale besogne. Sans aller jusqu’à pareille extrémité, l’armée française ayant une éthique et une vraie déontologie en opération, il est cependant avéré que les soldats français de l’opération « Turquoise », censés s’interposer entre les deux groupes ethniques pour arrêter le massacre des Tutsi, ne sont pas parvenus à atteindre cet objectif. Bien qu’ils disposaient d’un armement nettement plus sophistiqué par rapport aux insurgés hutus. A ce titre, les soldats français peuvent être accusés de non-assistance à un peuple en danger. L’avocat de Jean Ping estime sans doute qu’il aurait suffi de la présence de quelques militaires français, voire d’un simple ultimatum pour faire stopper la barbarie de BOA.
Maître Emmanuel Altit peut donc en théorie s’orienter vers cette voie. Mais la Cour pénale internationale risque de buter sur le principe français de ne pas extrader ses ressortissants. Il y a très peu de chance que cette responsabilité soit étudiée dans le cadre de la CPI. Il restera dans ce cas les juridictions nationales en France. Elles ont fait la preuve de leur indépendance et sont capables de connaitre de tels faits qui seraient portés par des binationaux. Là aussi l’affaire ne risque pas d’être simple. Elle prendrait, dans tous les cas, beaucoup d’années avant de pouvoir aboutir. Le ministère français de la défense étant très prompt à brandir le sacrosaint principe de « confidentiel défense » devant n’importe quel magistrat.

Reste qu’Emmanuel Altit, qui connait très bien les coulisses de la CPI en tant qu’avocat de Laurent Gbagbo, n’a pas levé ce coin du voile par hasard. Une manière sans doute de signifier aux françafricains AVH de s’abstenir de toute immixtion dans cette procédure au nom de leur volonté de tirer BOA d’affaire coûte que coûte. Sans quoi, il pourrait les y impliquer sérieusement.

Par : Arthur page

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