L’EDITORIAL d’OYEASSEKO : Rien n’est fini pour les Panthères, « appelez-moi dieu » n’a pas encore dit son dernier mot

Posté le 25 Jan 2017
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Raïssa OYEASSEKO, directeur de publication par intérim du journal Echos du nord

J’ai, pour la première fois de mon existence, assisté à une fête de l’échec. Mais nmieux, je n’avais jamais pu imaginer qu’un jour ce qui est un moment de tristesse dans une nation, comme la défaite de l’équipe nationale, pouvait être source de réjouissance dans mon Gabon. Je l’ai vécu le soir de l’élimination des Panthères. Ce dimanche soir, autour de 21 heures, le peuple gabonais, en liesse, mani- festait grandement sa joie de voir l’équipe nationale éliminée dès le premier tour de la Coupe d’Afrique des nations (Can). Dans certains quartiers de Libreville, et à l’in- térieur du pays, cette liesse a été si grande qu’elle a donné lieu à des feux d’artifice, comme si on était au rendez-vous du nouvel an. Pris de honte et de panique, la junte militaro-putschiste sanguinaire n’a pas trouvé mieux que la voie de la répression pour ramener un semblant de tristesse dans la population gabonaise. Ce sera donc sous les effets des gaz lacrymogènes et de tirs de sommation que les foules se seront disper- sées par endroits, notamment dans les quartiers Derrière-la-Prison et Nzeng-Ayong- Chantier moderne. Leur volonté d’intimider le peuple reste intacte.

Malgré cela, la peur par le coup de fusil n’a pas dissuadé les Gabonais heureux de l’élimination des Panthères de poursuivre la fête. Ils ont même trouvé une boutade pour qualifier les trois matches sans succès des Panthères : l’égalité des chances. C’est ainsi qu’ils ont conclu après ce triple nul.
Les Gabonais ont cependant donné un sens à leur action. On pouvait entendre dans la foule : « Enfin nos morts peuvent commencer à dormir en paix. » D’autres criaient: « Ce n’est que le début du commencement. » Une chose est sûre, la fête était belle ce soir-là. Aussi, je me suis mise à soliloquer. Mon Dieu, où va le Gabon ? Quand, dans d’autres pays, les supporters pleurent de voir leur équipe perdre, nous, on s’en réjouit. En tout cas, bienvenu dans le Gabon de BOA. Un monde de contre sens et de l’illo- gique. Pourquoi ?
D’abord que c’était illogique de privilégier chez soi une compétition sportive au lieu de régler les problèmes de l’heure. C’était un non-sens de mettre tant de centaines de milliards dans un événement sans retombées financières, pendant que le tissu social se délite. Les observateurs venus d’ailleurs pour cette Can ont dû assister à un autre spectacle : celui des inondations pendant la compétition. Que de logements auraient construit les 400 milliards dépensés pour la Can BOA-Total-Hayatou de sang ! Je n’en dis pas plus.
Pourquoi les Gabonais ont-ils agi de la sorte ? Simplement parce qu’ils en sont venus à honnir leurs dirigeants. Et principalement, ils ont perdu confiance en la première institution de la République : le président de la République, qui n’a réussi qu’à cliver le pays. Par conséquent, on vit désormais dans deux Gabon. Celui des sensés qui ont jugé que cette Can n’était que divertissement pour un peuple meurtri dans l’âme et celui des insensés qui, malgré la défaite, le vol, les tueries, pensent qu’il faut juste regarder là où l’on est tombé, sans se soucier de ce qui nous a fait réellement perdre l’équilibre.
Aussi, les Gabonais sensés ont lancé le boycott de la Can. Et à juste titre. Car leur geste était au nom des valeurs de la République. Marc Ona Essangui, l’un des pre- miers à avoir lancé le mot d’ordre de boycott, a posté sur son mur ceci: « Ali Bongo vient de vivre en direct les limites du passage en force qu’il a érigé en mode de gou- vernance. Les jeunes joueurs de l’équipe nationale ne sont que les victimes collaté- rales d’un management autiste et d’une arrogance sans limite qui caractérisent l’homme du bord de mer et son équipe. Le désamour qui grandit entre l’équipe natio- nale de football et le peuple est la résultante du rejet établi entre Ali Bongo en per- sonne, accusé de manipuler l’image de l’équipe nationale au profit de sa politique opportuniste, et d’avoir cherché à utiliser le football pour légitimer son hold-up élec- toral. (…). Oui, il y a rejet de cette équipe par le peuple en colère. La distribution gratuite des billets d’entrée au stade et autre transport des écoliers pour remplir les différents gradins sur les quatre sites retenus n’ont pas suffi à réconcilier le peuple et son équipe.» Sans commentaires.
Quant aux Gabonais insensés, ils parlent de rebondir. Un verbe inapproprié pour une équipe qui vient d’être valsée de sa Can. On parle de rebondir lorsqu’une équipe vient de perdre et qu’elle a à se rattraper sur un autre match. Dans le cas des Panthères, ce n’est nullement le cas. Il est même à redouter le pire pour ses prochaines rencontres. Ce qui m’a le plus amusée dans tout ce spectacle, c’est la dernière partie qui s’est jouée au palais du bord de mer quand, pour redonner de l’espoir et remonter le moral à son équipe, le BOA FC, affaiblie par le riz sénégalais, le fameux Tchiep, Bongo Ondimba Ali (BOA), les a reçus (les joueurs) pour l’entendre dire : « La compétition n’est pas finie, c’est la nôtre, portons-la jusqu’au bout. » Là, je ne me suis pas empê- chée d’éclater de rire. Le gars-là aurait eu le prix de l’humour noir à un challenge d’humoristes. Compte-t-il sur « appelez-moi dieu », 3M, Marie-Madeleine Mborantsuo ? Mais il ne vit pas dans le même monde réel que le nôtre !
BOA, arrêtez ! Il est temps de revenir sur terre. Les signaux du malaise sont plus que visibles. Seulement, je constate que cette année 2017 ne commence pas bien pour vous. Le pire est-il à venir ? Ciao !

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