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Hôpital militaire: Les soldats transformés en techniciens de surface

Hôpital militaire: Les soldats transformés en techniciens de surface

La crise qui secoue actuellement le pays n’a pas épargné le service de santé militaire. Etant désormais incapables de s’offrir les services d’une société d’assainissement régulière et fiable, les responsables de l’Hôpital d’instruction des armées Omar Bongo Ondimba (HIAOBO), communément appelé « Hôpital militaire » de Libreville, ont décidé de transformer des militaires en techniciens de surface. Ils seront désormais chargés de la propreté de l’institution sous le nom de « Brigade de propreté ».

«Qui ne veut pas aller à la serpillère démissionne ! » C’est la menace qui a été brandie à tous les militaires réfractaires à la décision de mise en place de la fameuse brigade, qui s’occupera désormais du nettoyage et de l’assainissement de l’hôpital. En effet, les responsables de la santé militaire ont décidé de mettre un terme, dans les tout prochains jours, au contrat qui les lie à Gabon propre service(GPS), qui jusqu’à ce jour était responsable de nettoyage de l’hôpital : « Gabon propre service va arrêter dès le 1er mars et les militaires vont exercer en tant que manœuvres. C’était d’abord 135 noms qui avaient été retenus. Ils ont dit que tous ceux qui sont entrés dans l’armée sans formation iront donc à la serpillère. Mais plus tard, la liste a été réduite à moins de 30 noms. Tous ceux qui ont des parents bien placés dans l’armée ont été retirés de la liste. Donc c’est nous, les plus démunis, qui allons faire le ménage. Mais dans cette liste, il y a des bacheliers, des brevetés, etc. Nous ne sommes pas entrés dans l’armée pour faire le ménage », a déploré un agent en poste à l’hôpital militaire touché par cette mesure. Véritable méli-mélo quant on sait que la plupart de ces militaires ont été affectés dans différents services de l’hôpital depuis des années, après avoir suivi une formation militaire sur plusieurs mois. : « Depuis 2007 nous travaillons dans des services bien spécifiques à l’hôpital, mais on ne nous a pas envoyés dans des écoles pour être correctement formés dans ces domaines là et pour être diplômés. Ils nous ont refusé les stages et on dit qu’il n’y avait pas d’argent pour que nous allions en stage. Après pour nous dire qu’ils vont nous envoyer à Sodexho pour nous former en techniciens de surface. » Cette rupture prochaine de contrat avec GPS est la preuve que l’hôpital est désormais incapable de payer ses factures. Mais où sont passées

les recettes générées par l’hôpital ? « L’hôpital fait entrer beaucoup d’argent ; pourquoi ne pas payer Gabon propre service avec cet argent ? Comment des militaires vont passer la serpillère. A quoi ont donc servi toutes ces années de formation ? », s’interroge le personnel qui considère cette décision comme inique.

Cette mesure poserait un réel problème de santé et d’environnement avec des conséquences multiples. Jusque-là le degré de propreté des salles et autres installations de l’hôpital militaire est appréciable et au-dessus de la moyenne de celle des hôpitaux publics. Avec le changement de prestataire, il faut craindre une dégradation du niveau de propreté de toute la maison. Quand on voit déjà la non- satisfaction des membres qui doivent composer la fameuse brigade propreté, on peut imaginer l’ardeur que ces derniers mettront à remplir cette tâche. Un affaiblissement des mesures sécurité sanitaires avec un service de nettoyage peu fiable pourrait faire grimper les risques d’infections nosocomiales – maladies que l’on contracte à l’hôpital. De plus, ce personnel de santé militaire a-t-il été formé pour le traitement des déchets médicaux ? Les structures sanitaires disposent-elles de politique ou de directives de gestion de déchets biomédicaux ? L’hôpital militaire a-t- il un service d’hygiène hospitalière approprié et organisé? Ou les déchets biomédicaux seront-ils tout simplement jetés dans des décharges ordinaires sans traitement préalable ? Recrute-t-on un personnel de santé militaire pour le reconvertir en techniciens de surface ?

Les hauts cadres de la santé militaire sont sans ignorer que l’élimination sans précaution des déchets d’activité des soins est une source de danger pour la santé publique, les aiguilles et les seringues contaminées représentent un risque particulier, car si elles ne sont pas éliminées correctement, elles risquent d’être remises dans des emballages et recyclées, donnant lieu à une réutilisation dangereuse. Le personnel militaire n’a pas la qualification nécessaire pour cette exigence. Il semble que GPS soit outillé pour ce travail.

Remplacer des professionnels par des amateurs risquerait d’occasionner des difficultés plus élevées. Le personnel de santé militaire concerné par cette décision broie désormais du noir. Il attend avec anxiété l’effectivité de la mise en place de cette brigade, qui va sans nul doute mettre son avenir professionnel entre parenthèses.

par Aria Starck

publié le 28 Février 2017

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