Meurtre du jeune Issoufou Bonca à Franceville: Le gouvernement parle de « dérives »
La répression policière au Gabon a désormais atteint son apogée. Qu’ils soient Gabonais, étrangers, mineurs ou adultes, élèves ou étudiants, hommes politiques, membres de la société civile ou artistes, plusieurs «innocents» sont aujourd’hui des victimes des exactions récurrentes des forces de police. Le jeune Issoufou Bonca, d’origine burkinabé, qui a été torturé à mort dans les locaux de la police, en est une victime de trop. Dans une sortie de façade, le ministère de l’Intérieur, Lambert-Noël Matha a tenu à annoncer l’ouverture d’une enquête qui a débouché sur l’interpellation du capitaine de police Thérence Afounouna.
La vie a été paralysée toute la matinée de mardi 07 mars dernier à Franceville. Dans cette ville ordinairement paisible, les commerces étaient fermés, les transporteurs en commun ont également cessé de travailler. Issoufou Bonca, âgé de 30 ans, veilleur de nuit, a été accusé par son employeur de lui avoir volé la somme de deux millions de francs Cfa. Le jeune homme a été interpelé et conduit au commissariat de Franceville, le lundi dernier, où il aurait, selon toute vraisemblance, subi un interrogatoire des plus musclés, assorti de sévices corporels graves. Suite à la dégradation de son état physique, le jeune Issoufou Bonca a été conduit d’urgence à une clinique de la place, précisément la clinique Ménaye (quartier Ngoungoulou), où il a rendit l’âme en début de soirée.
Dans un communiqué rendu public, au lendemain du décès du jeune veilleur de nuit, le ministère de l’Intérieur a annoncé le transfèrement prochain du capitaine Thérence Afounouna, premier responsable du commissariat de Franceville, devant les tribunaux compétents. Naturellement, pour faire bonne figure et essayer de contenir la colère des populations, les autorités gabonaises ont condamné « ces dérives » qu’ils se refusent de nommer. Le Ministre de l’Intérieur n’a pas manqué de présenter ses condoléances à la famille du pauvre Issoufou Bonca ainsi qu’à la communauté burkinabè qu’il invite à la retenue « en attendant les conclusions du rapport médical ». Un rapport médical dont les conclusions pourraient être édulcorées sera publié et probablement remis à la famille du disparu. Et quelle que soit les conclusions, ce document ne ramènera pas à la vie le jeune Issoufou Bonca.
Lambert-Noël Matha, habitué à justifier les exactions des forces de l’ordre qui sont commises, selon lui, dans « le souci d’empêcher des actes de vandalisme et autres agressions envers les populations », est soudain épris de compassion. Alors qu’il est resté muet jusqu’à ce jour sur les « massacres » post électoraux de plusieurs dizaines de gabonais, ou encore des marches des élèves de plusieurs villes du Gabon réprimées avec violence, qui ne réclamaient que le paiement de leurs bourses et le retour dans les salles de classe de leurs enseignants en grève.
Comme il fallait s’y attendre, le ministre de l’Intérieur n’a pas condamné l’emploi de la torture comme moyen d’investigation pour les forces de l’ordre. Le communiqué n’annonce pas des sanctions contre les agents des forces de l’ordre qui se rendent tous les jours coupables de répressions violentes envers les populations. La police militaro-putschiste ne manque pas une occasion pour gazer, matraquer ou passer à tabac toutes les personnes susceptibles de lui en donner l’occasion. Deux millions de francs Cfa, rien que ça pour faire passer un être humain de vie à trépas? Le capitaine Thérence Afounouna se serait-il rendu seul coupable de torture sur ce pauvre burkinabé ? Où sont les autres auteurs de ce crime ? Ne doivent-ils pas aussi être sous la menace des poursuites judicaires et ainsi en payer le prix ? Quelles sont les mesures prises par les autorités compétentes pour que de telles situations ne se reproduisent plus ?
Face à cette chosification des « victimes » ou « présumés coupables » de la part du gouvernement et de ses « tontons macoutes », il est grand temps que des comptes soient exigés aussi à tous les auteurs des violations flagrantes des droits humains. Les communautés étrangères de Franceville, qui ne comptent pas en rester là, ont organisé une marche pacifique dans la ville pour protester contre ce crime perpétré par la police nationale. A cet effet, elles ont remis un mémorandum au gouverneur de la province, Jacques Denis Tsanga.
L’opinion nationale et internationale a le cœur bien accroché pour connaître la suite qui sera réservée à ce dossier brûlant.
par Aria Satrck
publié le 10 Mars 2017