L’UN : une si belle union !

Union Nationale

La bataille pour la succession de Zacharie Myboto à la tête de l’UN est officiellement ouverte cette fois-ci. Les deux candidatures en lice sont connues des Gabonaises et des Gabonais : Paulette Missambo (PM) et Paul Marie Gondjout (PMG).

La première, comme l’a rappelé notre confrère « La Loupe » (N° 515 du 4 août 2021), a baroudé au PDG (Parti démocratique gabonais) et a été ministre d’Omar Bongo Ondimba dix-neuf ans durant. Notamment de l’Éducation nationale, au plus fort de la crise du Seena (Syndicat des enseignants de l’Éducation nationale), quand une enseignante de l’école publique de la Sorbonne, Martine Oulabou, a perdu la vie. Au plus fort d’une autre crise, celle de la construction avortée du lycée de l’Excellence, où le fonds de la Banque africaine de développement (Bad) a disparu. A cette époque, Alexis Boutamba Mbina, aujourd’hui député de la province de la Nyanga pour le compte du PDG, était alors à la tête de la Direction des affaires financières (Daf) du ministère de l’Éducation nationale. L’autre, Paul Marie Gondjout, a snobé le PDG au moment où toute sa famille y était viscéralement plongée. Sa belle-famille également a été membre du PDG. Il fera son apparition pour la première fois en politique à l’ère de l’Union gabonaise pour la démocratie et le développement (UGDD).

A l’époque comme secrétaire général adjoint chargé des questions électorales. Une de ses faiblesses, une trop grande discrétion à l’ombre de son beau-père, qui a donné lieu à des commentaires peu amènes sur ses capacités de leadership. Cette forte proximité avec le président sortant de l’UN fera ses rivaux agiter le fanion de la « succession dynastique ». Si ce second aspect n’est en rien un motif de rejet de candidature, selon les textes réglementaires de ce parti, il aura été la pomme de discorde entre les deux blocs qui s’en disputent le contrôle, et sera aussi, quelles qu’en soient les conditions, le facteur de division et d’affaiblissement de ce qui fut une si belle union, inaugurant la décennie 2010.

La crise de l’UN n’est pas issue d’une contradiction autour de la ligne du parti. Le point d’achoppement n’est pas une entorse à un article des statuts. La crise n’est que le fruit d’une candidature jugée trop proche du président sortant. Pour la petite histoire, une phrase a été lancée par un membre de cette Union pour résumer ce refus : « Des chats ne gouvernent pas des tigres. » Clair qu’on sait qui sont les « Tigres ». Mais ces derniers ont oublié une réalité quasi inscrite dans l’ordre naturel des choses : du monde des félins, le chat est certes l’un des plus petits, mais il a réussi à s’intégrer dans le milieu humain. Le tigre, en ce qui le concerne, est identifié comme un dangereux carnivore, mangeur d’hommes.

A cette allure, les « Tigres » se destinent-ils à dévorer l’Union ? Mais de PMG ou de PM, qui aura les chances de l’emporter ? Il faut encore ici un regard froid sur la réalité politique de cette formation. L’UN s’est construite sur les bases populaires d’André Mba Obame (AMO), de Pierre Claver Zeng Ebome, de Jean Eyeghe Ndong, de Casimir Oye Mba et de Zacharie Myboto. En somme, si les quatre premiers cités ont eu leurs bases fortes en pays fang (Woleu-Ntem, Estuaire, Moyen- Ogooué et Ogooué-Ivindo), la carte politique de Zacharie Myboto, fondateur et président de l’UGDD, a eu ses contours dans la Ngounié Sud, l’Ogooué-Lolo et le Haut-Ogooué Sud. Des zones qui ont basculé automatiquement dans l’UN sitôt celle-ci formée. Le contraire sera difficile à démontrer.

L’on pense que la carte de l’UGDD profiterait à PMG. Quant au Nord, Gondjout vient d’y faire une percée et va également fractionner les bases électorales qui semblaient acquises à Paulette Missambo à 100 %, si l’on s’en tient aux commentaires des « Tigres ». Là-bas, à en croire des commentaires des militants de base de l’UN, il est jugé plus conciliant et plus rassembleur qu’on ne le disait. Stratège, il ouvrira sa campagne dans le Woleu-Ntem sur ce terrain où on le dit faible.

Paulette Missambo aurait pu créer un mouvement plus mobilisateur, mais sa campagne est d’entrée plombée par l’absence de diplomatie de son entourage. Les piques et les attaques de ces guerriers sur les réseaux sociaux ne plaident pas pour un rassemblement. Par ailleurs, sa candidature a manqué de pertinence. Non partante au départ, puis en bout de chemin, au plus fort moment de la contestation de la candidature de son adversaire, elle va être amenée à se lancer. Devenant ainsi une sorte de baudruche du clan des « Tigres ». Son entrée en lice n’aura pas été le fait d’une volonté propre, mais le fait d’autres personnes. Dans quel esprit d’indépendance pourra-t-elle diriger l’UN ? Là est aussi le hic dans cette candidature.

Mais par-dessus tout, qu’en sera-t-il de l’avenir de l’UN ? L’Union subsistera-t-elle selon le candidat qui remportera ? Ou alors s’effritera-telle?

Par Désiré Ename