Les récentes modifications des modalités de candidature à l’élection présidentielle indiquent une absence de sérénité au sommet de l’Etat au Gabon. Car rien en droit ne le justifie. Les puristes du droit établissent que toute modification ou tout amendement des lois ne l’est que pour les améliorer.
La référence en la matière est la Constitution américaine, qui verra d’importants amendements moins d’un siècle après son adoption. D’abord pour protéger la liberté d’expression, de religion, de réunion et de la presse. Ensuite lorsqu’il a fallu éliminer la ségrégation et mettre un frein aux discriminations des minorités sur le marché de l’emploi par l’Affirmative action Act.
Stricto sensu, la loi a pour vocation, d’une part, de doter les citoyens d’un ensemble de règles qui harmonisent le vivre ensemble et, d’autre part, de les mettre à l’abri des velléités totalitaristes des dirigeants. La loi est faite pour protéger et servir le citoyen et non pour l’asservir.
Quand évoquer ODJ suscite la peur chez les nouveaux sécurocrates…
Il serait étonnant qu’à l’origine des récentes modifications, ce soit quelques inconnus de la scène politique gabonaise qui ont annoncé leur candidature depuis les Etats-Unis. Qui en France pourrait inquiéter Ali Bongo ? Le commun des Gabonais a du mal à fixer sa confiance sur les quelques personnalités qui semblent manifester un projet pour la présidentielle.
Il reste alors, aux abords des frontières du Gabon, le cas Omar Denis Junior Bongo Ondimba – en diminutif ODJ -, le dernier fils d’Omar Bongo Ondimba, deuxième président de la République gabonaise, décédé en juin 2009, et d’Edith Lucie Bongo Ondimba, une femme qui a positivement marqué les Gabonais. Il est également le petit-fils du président de la République congolaise, Denis Sassou Nguesso, en fonction. Alors, pourquoi ODJ suscite-t-il tant de crainte ?
Il a suffi quelques spéculations d’internautes sur une éventuelle candidature de ce diplômé d’Harvard (Etats-Unis) et d’Oxford (Grande-Bretagne), pour que le pouvoir pousse tous ses curseurs vers l’anticipation par le verrouillage des textes organiques portant sur les conditions de candidature à l’élection présidentielle. Pas étonnant que le commun des Gabonais ait conclu que cette modification a principalement visé ce Gabonais qui est actuellement à l’extérieur du pays pour des raisons académiques.
Or, dans les faits — et nul n’en doutera –, personne ne se souvient d’une manifestation d’intérêt quelconque de la part d’ODJ pour la présidentielle à venir. Il n’y a eu aucune déclaration de sa part. Ni sur les réseaux sociaux ni sur une quelconque plateforme. L’on découvre d’ailleurs qu’il n’a guère été à l’origine du foisonnement de pages Facebook qui lui ont été attribuées ces dernières années. Et que la toute première page officielle qui est la sienne n’a été montée qu’en avril dernier. Sa présence y est du reste très sobre. D’où vient-il que le palais du Bord de mer ait vu pousser des utriculaires au point de paniquer de la sorte et de pondre des modifications intéressées et sur mesure ?
Des modifications des textes au profit d’un seul homme
C’est une constance que depuis 2009, chaque crise politique observée a enclenché des modifications des textes ; de la loi fondamentale aux différents codes qui régissent la vie publique au Gabon. A la seule différence que ces modifications n’ont eu pour objet que de verrouiller le pouvoir au bénéfice d’Ali Bongo. Ce qui fait aujourd’hui de lui un monarque intouchable. La grande crise sur la multiplicité d’actes de naissance le concernant a débouché sur une modification du Code pénal. Le dispositif relatif à l’atteinte à l’honorabilité des particuliers a été renforcé. Parler de l’acte de naissance d’Ali Bongo pourrait ainsi être versé dans le fait diffamatoire.
Les modifications successives de la Constitution intervenues après l’accident vasculaire cérébral d’Ali Bongo ont parachevé le règlement de la question de la vacance de pouvoir. De la notion « d’indisponibilité temporaire » au triumvirat, tout a été rendu possible pour que seule la mort de l’actuel chef de l’exécutif ne consacre ladite vacance. Il peut décider d’une longue période d’indisponibilité, elle ne sera que temporaire. Tout comme la régularité de la fonction présidentielle serait assurée par un triumvirat, jusqu’à son retour.
La fièvre qui gagne le Bord de mer est passée de 39° à un niveau à faire exploser le thermomètre. Hier, à l’arsenal d’intimidation qui a été mis en place afin de tenir ODJ hors de Libreville, à la tentative de le priver du sol gabonais par la rétention de son passeport il y a quelques mois, s’est ajouté le blocage subi à la frontière Congo-Gabon, pour l’empêcher d’assister aux obsèques de son oncle. Aujourd’hui, le Bord de mer a décidé de pousser le bouchon assez loin, en usant du pouvoir qu’a le chef de l’exécutif de légiférer par ordonnance. C’est par ce biais que sont intervenues les récentes modifications sur la seule base de la poussée d’adrénaline occasionnée par des internautes très furax qui imaginent une candidature d’ODJ.
Encore que, la loi n’étant pas rétroactive, rien ne l’empêche, au cas où, en tant que citoyen gabonais jouissant de ses droits, de décider de venir passer les trois prochains mois au Gabon, toute l’année 2022 et, pourquoi pas, de fêter le nouvel an 2023 à Libreville.
Par Ramses Frank Avilekambani