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Gabon-Présidentielle 2023 | Les têtes de pont de sa petite majesté ABO lancent sa campagne

Gabon-Présidentielle 2023 | Les têtes de pont de sa petite majesté ABO lancent sa campagne

Libreville, 21 octobre 2021 | Don de médicaments à Okondja. Don d’un dispensaire par ci, don d’une ambulance par là. Don de salles de classe à Fougamou. Dons de kit scolaires à des jeunes dans les arrondissements de Franceville par le bienfaiteur Jean Pierre Oyiba, député de la localité, à Léconi, à Mouila, où dans des arrondissements de Libreville, la capitale. L’on aurait dit que la République était en faillite. A telle enseigne que ses cadres soient obligés de courir à son chevet. L’on a vite compris qu’il s’agit d’une subtile entrée en campagne par la séduction des populations et la corruption des esprits.

L’ex-parti des masses, le Parti démocratique gabonais (PDG), est en train de se mettre en ordre de bataille en utilisant ses têtes de pont, en somme les roitelets fabriqués par sa petite majesté Ali Bongo Ondimba (ABO). Chacun d’entre eux a accumulé un trésor de guerre qu’il met à contribution pour investir sa localité. Sa petite majesté ne sortira pas un copeck de sa besace. Il jauge la fidélité de ses affidés et ces derniers n’ont guère le choix que de la lui démontrer.

Il faut donc comprendre que ce qui se trame ici est au-delà de la distribution des dons, qui n’est que la face visible de l’iceberg. L’objectif, lui, est totalement immergé. Chaque roitelet, au moyen de la politique des dons qu’une population affamée à volonté ne peut refuser, récoltera en retour la reconnaissance de son monde, puis, le moment venu, le bienfaiteur réel sera présenté en grandeur nature, sa petite majesté ABO.

Toutefois, le nom de ce dernier est glissé subtilement dans le discours de bienvenue. Ceci paraît banal, mais il est certain que, contrairement à l’idée reçue du « président vomi par les populations », un courant de sympathie est tissé entre lui et les populations.

Ces populations exsangues, vidées de tout, même d’elles-mêmes, finiront par accourir à la vue de ce « messie ». Qui a dit que le syndrome de Stockholm n’était que le fruit de l’imagination ? Les roitelets ont les moyens de leur politique et nombre d’entre eux ont un mandat, même usurpé, des populations. Ce sont des fils du terroir et l’absence de l’opposition dans ces contrées renforce leurs liens avec lesdites populations. Sa sérénissime petite majesté est conscient du capital sympathie de ses roitelets et de l’effet d’entraînement de ce capital en sa faveur le moment venu.

Les roitelets ont un autre argument de poids : élus du peuple. Il est tout à fait dans l’ordre des choses que ces contacts permanents avec les populations aient lieu, surtout quand se profilent à l’horizon de nouvelles échéances législatives et locales. Sauf qu’ils n’ont pas besoin de mettre en exergue l’autre échéance : la présidentielle 2023.

Or, toutes ces échéances se dérouleront quasiment au même moment. Si la présidentielle est prévue pour août 2023, les législatives et les locales interviendraient deux mois plus tard. Cette « concomitance » lui est profitable. C’est donc via le réseau des élus, avec pour prétexte, d’une part, les comptes rendus parlementaires et, d’autre part, les dons de kits scolaires et de médicaments qu’ils espèrent reconnecter sa petite majesté tropicale à l’arrière-pays. Il ne faudrait pas s’étonner d’une tournée républicaine les mois à venir.  

L’opposition, versée dans des débats de personnes, commet une gravissime erreur en se bornant à conspuer l’ex-parti des masses sur cette politique des dons. S’arrêter à cela c’est manquer de vigilance. Car cette politique des dons, comme on le disait plus haut, n’est que la face visible de l’iceberg. Au cours de ces périples, les structures de base sont redynamisées. Avec, en sus, la préparation matérielle des scrutins à venir. Recensement des troupes, établissement des listes en vue de l’obtention de la carte d’identité nationale, avec la confection des fichiers qui finiront dans la liste électorale.

Ces derniers temps, le PDG s’est attelé aussi à susciter des défections dans les rangs de l’opposition en ramenant dans la maison du père tous ces enfants prodigues partis claquer leur part d’héritage dans l’aventure de l’opposition. C’est cela l’autre théorie des fils spirituels. Les anciens soutiens de Jean Ping en 2016 ont particulièrement été visés par cette tactique. Du coup, pour donner corps à cette théorie, l’on a vu le retour des René Ndemzo’o Obiang et Massavala.

Dans un autre sillon, Jean Eyeghe Ndong a bougé vers un centre dont il donnera probablement les contours ou une définition les jours à venir. Il s’est pour l’heure positionné en médiateur.

Le courant des ralliements n’a pas touché que des individualités marquées hier dans une opposition radicale. Il a aussi atteint les partis périphériques créés pour une circonstance électorale en 2018. Ainsi l’on a vu les Sociaux démocrates gabonais (SDG) déclarer rejoindre le PDG afin d’œuvrer dans la maison du père, à la suite de Démocratie nouvelle que dirigeait René Ndemezo’o Obiang. Tous ces ralliements constituent la caution et la garantie qui justifiera la victoire de sa petite majesté en 2023.

Pendant ce temps, des partis de l’opposition sont minés par des querelles internes. Certains comme l’Union nationale peinent à se trouver un leader. Et quand bien même cela serait effectif, ne s’en trouverait-il pas affaibli ? Avec le contrôle des institutions, notamment l’institution judiciaire, le pouvoir, en appui à Michel Menga M’Essone, est en train d’empêcher la mobilisation de Barro Chambrier dans un cadre légal. A ce jour, la reconnaissance de son parti politique, le Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM) par le ministère de l’Intérieur, reste une gageure. L’on sait que le fait est entretenu. Dans ce contexte, sa petite majesté ne peut qu’avoir les coudées franches.         

Ceci est un aperçu du front intérieur. Mais l’élection présidentielle se jouera aussi sur les artifices internationaux. Pour ce faire, sa petite majesté doit présenter une réelle accalmie de la classe politique pour éloigner le spectre de la surveillance internationale des élections à venir. A cet effet, il tente de forcer le consensus avec l’ensemble des forces politiques, sans avoir besoin de s’asseoir autour d’une table. Il garantira des concessions minimales, un dialogue de façade et des gestes forts. Dans cette optique, il a fait libérer la totalité des prisonniers politiques, sauf le plus emblématique, Bertrand Zibi.

A ce jour, aucun parti politique n’engage de débat sur les questions de fond, sur la fiabilisation des élections à venir. Comment, dans ces conditions, ne pas afficher les airs de triomphe tels qu’on les observe chez les militants de l’ex-parti des masses ? Sa sérénissime petite altesse tropicale marche aujourd’hui d’un pas quasi serein, tant il est sûr qu’aucune embûche ne se présentera sur son chemin. Et que tout baigne.

Par Ramses Frank Avilekambani

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