
De Désiré Ename
C’est tout au moins l’objectif de sa petite majesté Ali Bongo Ondimba et de ses stratèges. Il faut lui tailler un boulevard pour 2023. Quoi de plus indiqué qu’une élection sans heurts ? Car il ne serait pas bon pour lui, une fois le Gabon admis au sein du Commonwealth, qu’il déroge à l’un des critères capitaux de la charte de cette organisation, à savoir l’observance des valeurs démocratiques dont un des marqueurs est l’organisation d’élections libres et transparentes.
C’est ce qui explique tous les micmacs observés ces derniers mois : démissions et ralliements en cascade, consolidation de la majorité présidentielle et autres parades. Et comme cela ne suffit pas, la confiance n’étant pas l’apanage du Parti démocratique gabonais (PDG), encore moins celui de sa petite majesté, les limiers du pouvoir ont concocté un projet de loi en vue d’empêcher l’émergence d’un challenger depuis l’extérieur. A croire que les candidatures des Gabono-Américains ont effrayé le palais du Bord de mer.
Seulement, les mesures prises ne sont pas pour conforter un processus de démocratisation qui s’est étiolé au fil des ans. Elles en réduisent plutôt les quelques espaces que l’on pouvait encore brandir comme des acquis certains. Il en est ainsi de la liberté d’expression qui peut se traduire aussi par la liberté de chaque Gabonais de concourir à un scrutin de son choix.
Les nouvelles mesures disent donc l’antidémocrate qu’est sa petite majesté et se dressent contre les valeurs énoncées dans la charte du Commonwealth. Mais qu’importe !
Pour les nouveaux sécurocrates, le terrain doit être balisé. Forts de la conviction qu’au plan local il ne se présentera aucun candidat de poids, face au « candidat naturel ». Sa petite majesté n’a que du mépris pour les anciens pédégistes, malgré la raclée que lui a filée Jean Ping en 2016. Convaincus également qu’à l’échelle nationale aucun parti politique n’est organisé comme le PDG, tant au plan financier qu’au plan de l’occupation spatiale. Parti politique qui serait capable de se présenter en contrepoids de l’ex-parti des masses. Peut-on en être si sûr ? Car en 2016, comme aujourd’hui, le trop plein d’assurance n’a point produit les résultats escomptés. La grosse inconnue, en l’occurrence la candidature unique, a bouleversé tous les pronostics et plans élaborés par les cellules stratégiques de la majorité autour de sa petite majesté. Quelle sera l’inconnue de 2023 ? Et pourtant il y en aura une.
Le schéma concocté à sa petite majesté va plutôt produire l’effet inverse : renforcer son impopularité. Car la confiscation des leviers de l’Etat et celle des espaces d’expression ne saura estomper les frustrations qui se prononceront avec plus de force qu’auparavant.
Frustrations dont les manifestations paraissent latentes mais qui s’expriment au sein des populations. Le désordre au sommet de l’Etat, où des groupes de jeunes à l’expérience approximative se relaient depuis 2017 et transforment l’appareil d’Etat en jeu vidéo grandeur nature, ne suscite guère l’indifférence. Impossible aussi aux populations d’être insensibles à la mauvaise gestion du Covid-19 où la panacée pour sa petite majesté et son monde est de mettre les libertés constitutionnelles entre parenthèses. Aujourd’hui, ils poussent le bouchon aussi loin que vouloir subtilement imposer la vaccination aux agents de l’Etat. Disons d’avance que le refus catégorique des fonctionnaires supplantera la crainte de perdre « son bout de pain ». Pour n’évoquer ici que les sujets du moment qui fâchent.
C’est certain que tout cela ne saurait ne pas engendrer plus de détermination et, partant, une volonté des populations à adhérer aux propositions de fortes mobilisations qui s’offriront à elles. D’abord par les syndicats. Ensuite par d’autres types de corporations. Autant dire que le pouvoir de sa petite majesté, qui croyait empêcher « l’effet papillon » par la distribution de petits dons d’alimentation au début de la pandémie, en 2020, est en train de réunir toutes les conditions pour qu’il se produise.
Tout montre bien que malgré la vaste entreprise consistant à annihiler l’opposition, ou à empêcher des candidatures fortes, le chemin vers 2023 ne sera pas pavé de pétales de rose pour sa petite majesté tropicale Ali Bongo Ondimba.