Les pauvres et la compétitivité de l’économie payeront

 

Le gouvernement vient de rendre publiques les mesures d’économie pour faire face à la baisse du prix du pétrole. Comme il fallait s’y attendre, le fardeau sera essentiellement supporté par les couches les plus pauvres. La compétitivité de l’économie sera profondément affectée. Récit d’un naufrage annoncé par l’agence Fith rating’s, il y a quelques semaines.

Conseil des ministres Les mesures annoncées par le gouvernement lors du dernier Conseil des ministres du jeudi 29 janvier 2015 sont ce qui pouvait arriver de pire pour l’économie gabonaise et les couches sociales les plus défavorisées du pays. Le gouvernement ayant fait le choix d’agir exclusivement sur les dépenses sans en rechercher les nouvelles sources de recettes. Car toute politique d’ajustement repose en général sur ces deux piliers. Accroître les recettes et réduire les dépenses. Le Fonds monétaire international (FMI), lorsqu’il a recommandé ce type de mesure dans les années 80 aux Etats en difficulté, a agi ainsi. Aux coupes dans la dépense s’accompagnaient généralement de nouvelles sources de recettes.

Dans le plan non chiffré d’ailleurs du gouvernement présenté en Conseil des ministres, Ona Ondo n’annonce que des mesures d’économie. Lesquelles semblent favorables à une seule couche sociale. En optant pour la suppression de la subvention sur les hydrocarbures, la libéralisation des importations dans ce secteur et la réduction plus anecdotique des hauts salaires- car irréalisable dans un Etat corrompu comme le Gabon-, le pouvoir a fait le choix d’épargner le pouvoir d’achat des 10 % des Gabonais les plus aisés, au détriment des autres et de l’efficacité économique.

La suppression des subventions sur les hydrocarbures, dont le financement certes consomme une large partie des 300 milliards de FCFA que le Gabon consacre chaque année au poste « subvention » dans son budget, va se traduire par une explosion du prix desdits produits à la pompe. Toutes les industries et tous les services qui ont comme input le gasoil ou l’essence vont voir mécaniquement leurs prix de revient augmenter. Naturellement en économie, cette augmentation va se retrouver sur les prix finaux des produits ou des services concernés. C’est-à-dire à la charge du consommateur final. C’est ainsi qu’il faut d’ores et déjà s’attendre à l’augmentation des prix des transports urbain, suburbain et national. Celle du prix des loyers. Car il va falloir payer le transport plus cher pour acheminer les matériaux sur les chantiers. L’augmentation du prix du bois. Car la première transformation à laquelle se livrent les industriels du secteur au Gabon est grande consommatrice du gasoil. L’augmentation du prix de l’électricité produite à base du gasoil. A moins que la SEEG décide de rogner sur ses marges, pour encaisser cette augmentation. L’augmentation des prix des produits de première nécessité dont l’écoulement est grand consommateur des transports… bref, l’augmentation des coûts des produits de base, dont la consommation absorbe la totalité des revenus des personnes modestes.

Cette hausse future des prix va impacter négativement la compétitivité de l’économie du Gabon et son attractivité. Car elle va accentuer la tension sociale. Les salariés exigeant de leurs employeurs de meilleurs salaires pour faire face au surcroît du coût de la vie. Ce qui en toute logique va augmenter le coût du travail au Gabon. Autant dire que dans un tel contexte, les investisseurs potentiels éviteront la destination Gabon.
La deuxième absurdité des choix gouvernementaux est la libéralisation des importations des hydrocarbures, sans avoir au préalable mis la Société gabonaise de raffinage (Sogara) sur les rails. Cela veut dire qu’il fait le choix de la liquidation de cette entreprise nationale. Tant pis pour les centaines de Gabonais qui y travaillent et qui à coup sûr vont grossir les rangs des nombreux chômeurs. Sans oublier qu’au regard du caractère stratégique que revêt la maîtrise de la production des hydrocarbures, l’Etat gabonais fait le choix délibéré de remettre entre les mains des tiers sa sécurité. Naturellement le gouvernement s’en défend. Il parle dans le communiqué final du Conseil des ministres évoqué plus haut, de manière désinvolte de « la mise en place des mesures d’atténuation et d’accompagnement pour les opérateurs, les ménages et les réaffectations budgétaires stratégiques… ». Pures affabulations. Car aucun chiffre n’est indiqué pour montrer le caractère sérieux de cette annonce. En outre, rien n’est précis dans cette déclaration gouvernementale. Ni la nature des opérateurs concernés, ni le type de ménage visé. Un vrai fourre-tout pour se donner bonne conscience.

Pourtant un autre choix était possible. Celui-ci alliait économie budgétaire et recettes nouvelles. Sans défavoriser les couches les plus défavorisées. Tout en préservant la compétitivité. Il s’agit de s’attaquer à cette formidable incohérence qui a vu la masse salariale des fonctionnaires gabonais passer de près 329 milliards en 2009 à 732 milliards 5 ans plus tard. Dans le même temps, les effectifs n’ont cru que d’un 1/3 et aucune augmentation de salaire dans la fonction publique n’a été constatée. Cela représente presque 400 milliards de nouvelles charges salariales qu’Ali Bongo Ondimba et ses ouilles ont créées, d’un coût équivalent à la perte des recettes attendues cette année, comme l’a affirmé le PM dans le quotidien « L’Union ». Cette hausse de la masse salariale, qui a fait que cet agrégat correspond aujourd’hui à « 55 % des recettes fiscales et 35 % des dépenses totales » comme vient de l’indiquer le Premier ministre chez le même confrère, la semaine dernière, est d’autant plus incompréhensible et surprenante que la très large majorité des fonctionnaires sont dans la catégorie B. C’est-à-dire payés à peine au salaire minimum. Cela indique clairement que seuls quelques privilégiés du système ont bénéficié du surcroît de la masse salariale. Il était donc tout à fait possible de demander à ces privilégiés de se serrer la ceinture, au nom de la crise.

Le Premier ministre aurait pu aussi profiter de cette situation pour initier une réforme fiscale. Notamment en modernisant l’impôt foncier au Gabon. Cela aurait permis d’engranger de recettes nouvelles, sans que cela ne conduise à la détérioration de la compétitivité globale de l’économie, comme va l’induire son plan. C’est une voie qui se heurte malheureusement à la réalité. Les 95 % propriétaires fonciers du Gabon sont d’abord à rechercher dans les 10 % de la population la plus aisée. Dont les Bongo père et fils. Il ne faut pas leur demander de faire un effort le plus minime soit-il, pour le bien du Gabon. Tant pis s’il faut accroître l’inflation, augmenter le chômage et le taux pauvreté.

Le Premier ministre aurait enfin pu choisir, pour générer aussi des recettes nouvelles, de mettre en vente la très encombrante collection de voitures de luxe de la présidence de la République d’un montant de 65 milliards de FCFA. Presque autant que le montant de l’emprunt que l’Etat sollicite auprès de la Banque mondiale – 13 millions d’euros-, selon le communiqué du dernier Conseil des ministres. Dans la même logique, il aurait pu aussi mettre en vente la Kennedy House au Etats-Unis et l’hôtel particulier Pozzo di Borgo. Cela aurait renfloué les caisses de l’Etat à hauteur de plusieurs centaines de milliards de FCFA.

Daniel Ona Ondo rate là une occasion d’inscrire son nom dans le registre encore très peu fourni des Premiers ministres réformateurs au Gabon. Il a choisi de préserver le train de vie dispendieux d’Ali Bongo Ondimba et compagnie au détriment des couches sociales défavorisées. Ce choix ne peut conduire le Gabon qu’à une catastrophe certaine, comme l’a prédit il y a quelques semaines Fitch raiting’s.

 

Jean Michel Sylvain

Soirée internet

C’est devant des personnalités politiques et du corps diplomatique, des conseillers membres du Conseil national de la communication (CNC) et des hommes de culture, que le site web www.echosdunord.com, version en ligne du journal Echos du nord, a fait sa sortie officielle, le mercredi dernier, dans une résidence hôtelière de la place.

Lancement du site inter net

Après un an d’attente, le site internet d’Echos du nord est enfin une réalité. C’est l’aboutissement heureux d’un projet qui constitue le troisième étage d’un édifice qui en comptera au total cinq. Echos du nord, version numérique, se veut un organe de presse à part entière. Comme l’a expliqué le coordonateur du site, Marc Ulrich Malekou, outre la mise en ligne des différents numéros de la version papier, le journal se propose d’offrir à ses lecteurs, que l’on souhaite très nombreux, un éventail d’articles, de reportages, de magazines, etc, pour donner plus d’informations à son lectorat. Une information qui sera toujours fouillée, objective et crédible. Parce que Echos du nord a choisi de ne dire que la vérité, même quand celle-ci peut susciter des inimitiés et des frustrations chez des proches.

  Echos du Nord en ligne
Une soirée soft agrémentée par les prestations d’un jeune humoriste encadré par Serge Abessolo, maître de cérémonie, et d’un des monuments de la chanson gabonaise, Pierre-Claver Akendengue. C’était l’occasion pour le gérant de l’entreprise Nord Edition, Antoine Sima ye Ndong et le directeur des publications de Nord Edition, Désiré Ename, de retracer, tour à tour, le chemin parcouru pour arriver à cette étape. Ce sont neuf ans de persévérance et d’apprentissage du sens de l’abnégation et du travail bien fait, parsemés d’embuches qui ont failli pousser Désiré Ename et Antoine Sima ye Ndong à tout arrêter, faute de financement nécessaire à la poursuite de l’aventure. Ce sont aussi neuf ans marqués par la grève de la faim entamée par le directeur de la publication, en protestation contre la suspension arbitraire d’Echos du nord, en 2006. Il y a aussi les multiples manœuvres qui ont tenté de discréditer le directeur de publication d’Echos du nord, notamment les rumeurs selon lesquelles, le directeur de cabinet de sa petite majesté, Maixent Accrombessi, aurait acheté la rédaction pour un peu moins de 40 millions de FCFA. Sans parler du premier départ en exil de Désiré Ename.

Et le dernier fait en date est la tentative d’assassinat de Jonas Moulenda, à Kyè’Ossi, au Cameroun, où le rédacteur en chef de Faits divers s’était rendu pour échapper aux sbires du pouvoir émergent. Peu avant, c’est à une garde à vue illégale et arbitraire à laquelle ces deux apôtres de la liberté de la presse et d’expression ont eu droit à la Direction générale des recherches (DGR), sur ordre du procureur de la République. Aujourd’hui, les deux journalistes vivent en exil en France, patrie mère des libertés. Un pays qui a certainement inspiré le directeur de publication qui a résumé les missions du nouveau venu en ces mots : liberté de dire, liberté de penser, liberté de choisir.
Echos du nord en ligne, c’est aussi l’heureux aboutissement de neuf ans de remise en question permanente.

La règle est simple : ne jamais s’endormir sur ses lauriers. Ainsi, la rédaction s’est-elle toujours refusée à l’autosatisfaction, malgré la récurrence des compliments. Une seule maxime : aller toujours de l’avant. En ajoutant cette troisième corde à son arc, Nord édition réaffirme sa volonté de se battre pour une presse de qualité. Car, c’est cela le véritable challenge. « Nous ne venons pas pour gonfler les rangs en étant un organe de presse en ligne de plus, nous venons nous faire une place », a averti Désiré Ename, non sans oublier de rendre hommage aux pionniers du genre.

Markky Edzang Zuè

La famille demande le dessaisissement du procureur de la République

 

Le procureur général près la Cour d’appel judiciaire de Libreville vient d’être saisi d’une plainte initiée par la famille de Mboulou Beka contre le procureur de la République Sidonie Flore Ouwe. Selon leur avocat, Maître Paulette Oyane Ondo « la procédure vise à dessaisir madame le procureur Sidonie Flore Ouwe du dossier de l’assassinat de Mboulou Beka pour violation de plusieurs principes de droit pénal ». Un dossier plus qu’explosif.

Mboulou Beka

Maître Paulette Oyane Ondo, le conseil de la famille de feu Mboulou Beka, vient d’introduire, à la demande de son client, une requête auprès du procureur général près la Cour d’appel de Libreville. Elle vise ni plus ni moins que le dessaisissement du procureur de la République près le tribunal de première instance de Libreville, Sidonie Flore Ouwe, et la nomination d’un autre procureur à sa place, dans l’affaire de l’assassinat de Mboulou Beka.
La plainte a été reçue par les services du procureur général le 30 janvier 2015. Pour l’avocat, cette requête se justifie amplement. « Le procureur de la République près le tribunal de première instance de Libreville, madame Sidonie Flore Ouwe n’a aucunement garanti les droits de Mboulou Beka, au contraire. Elle n’a cessé de les bafouer. Les ayants droit de Mboulou Beka, abusés n’ont plus confiance en elle et considèrent qu’elle n’a pas la crédibilité indispensable et suffisante pour remplir les prérogatives de sa fonction dans cette affaire… Maître Oyane Ondo, a axé sa requête exclusivement sur le terrain de la violation des droits notamment sur le droit à la vie qui « est le droit suprême de tous les droits fondamentaux ». Elle appuie sa démonstration sur des arguments techniques puisés dans les traités internationaux dont le Gabon est Etat partie et la jurisprudence internationale, notamment celle de Cour européenne des droits de l’homme. Celle-ci, en effet, soutien que « …le droit à la vie implique à la fois une obligation positive pour les Etats de protéger ce droit et une obligation de mener une enquête effective lorsque des personnes ont été tuées des suites d’un recours à la force… ».
A en croire la requête introduite par l’avocat à la Cour d’appel de Libreville, le procureur de la République aurait violé au moins deux textes internationaux dont le Gabon est Etat partie. Il s’agit du texte sur « Les principes internationaux pour l’indépendance de la magistrature ». En son article 6, ce texte dispose que « les magistrats ont le droit et le devoir de veiller à ce que les débats judiciaires se déroulent équitablement et à ce que les droits des parties soient respectés ». Tout le contraire de ce qu’a fait Ouwe dans cette procédure, depuis le 20 décembre. Elle s’est surtout ingéniée à vouloir sauver la mise à l’une des parties, en occurrence l’Etat. Notamment en rendant publique une version erronée des faits, en posant des actes de procédure, une autopsie en public devant les médias, sans informer ni associer la famille. Ces seuls faits « suffisent à la dessaisir de ce dossier », a indiqué l’avocat.
Le procureur s’est également rendu coupable de la violation du texte appelé « Les principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet », adoptés par les Nations unies, en 1990, et bien sûr ratifié par le Gabon. D’après ce texte, indique la requête de l’avocat, le ministère public est « chargé de veiller, au nom de la société et dans l’intérêt général, à l’application de la loi, lorsqu’elle est pénalement sanctionnée, en tenant compte d’une part des droits des individus et, d’autre part, de la nécessaire efficacité du système de justice pénal ».

Ceci veut dire en des termes clairs que le procureur « doit respecter deux conditions fondamentales : les droits des personnes et l’efficacité de la justice pénale ». Or, à en croire l’avocat, Ouwe est très loin de respecter ce standard sur lequel le Gabon s’est pourtant engagé, car préoccupée exclusivement « par l’ordre public », au mépris des droits des individus. Ce qui « … vicie la justice pénale au Gabon ». Elle donne même l’impression de vouloir se substituer au ministère de l’Intérieur. Pour preuve, elle a présenté le défunt Mboulou Beka publiquement comme un malfaiteur, tué par ses comparses au cours de la casse d’un magasin, le 20 décembre pendant les manifestations.
En outre, le procureur a violé tous les textes relatifs aux droits de l’homme. Surtout dans leur exigence de rendre prompte et impartiale toute enquête relative à la privation du droit à la vie. Or, il est établi que le procureur n’avait ouvert aucune enquête, après l’assassinat de Mboulou Beka, contrairement aux contre-vérités qu’est venu débiter le chef de l’Etat devant les médias, à plusieurs reprises. Notamment quand il invoque une enquête « en cours » devant le journaliste de Rfi, Alain Foka. Alors qu’il n’en est rien. Il a fallu attendre le dépôt de la plainte de la famille auprès du doyen des juges d’instruction, pour que l’enquête démarre enfin. Soit plusieurs semaines après l’assassinat.

Ce qui est contraire au caractère « prompt » exigé par les instruments internationaux en matière d’enquête dans de telles circonstances. D’ailleurs, le procureur de la République aurait été incapable de conduire cette enquête de manière « efficace », du fait de sa soumission au chef de l’Etat. Le sms de déférence arrivé sur le portable d’un prêtre, alors que Ouwe pensait l’envoyer à Ali Bongo Ondimba en est la preuve. Ce qui l’a sans doute amenée à ne point entamer le moindre acte élémentaire de procédure, en recueillant les éléments de preuve de l’assassinat de Mboulou Beka et les témoignages visuels. Si elle l’avait fait, cela l’aurait amenée à confondre l’Etat et son mentor, Ali Bongo Ondimba.
Avec autant d’éléments militant contre le procureur de la République, la Cour d’appel ne peut que répondre favorablement à la requête de la famille du défunt. Dans tous les cas, l’avocat a averti. Toute autre issue la conduirait « à regret, … à saisir contre l’Etat gabonais, l’Association internationale des procureurs », à la Haye. Association logée non loin de la Cour pénale internationale (CPI). Un mauvais présage pour certains au sommet de l’Etat.

 

 

Union_nationale

« La volonté d’ABO est précise, il ne s’agit pas de réhabilitation de l’UN. Mais de ses responsables. »

 

 

L’annonce de la future révision de la loi sur les partis pousse à la réflexion, notamment sur la sincérité de la démarche de la part du pouvoir dont le but n’est certainement pas de donner un coup de pouce ni aux membre de l’UN ni à ceux du Front dont on sait qu’ABO les classe sans aucun doute parmi ceux « qui ne respectent, ni les institutions de la République, ni ceux qui les incarnent… qui violent délibérément les lois de la République; posent des actes de défiance à l’autorité de… » (31 décembre 2014). Comme l’écrivent déjà certains analystes, l’adoption par le dernier Conseil des ministres du projet d’ordonnance portant modification de certaines dispositions de la loi relative aux partis politiques vise essentiellement à n’ « assouplir [que] les sanctions frappant les membres fondateurs ou dirigeants d’un parti politique dissous ». Dans quel sens ? Pour sa magnanime petite majesté qui nous rappelle son rôle de « … garant politique de la Constitution… », elle « assimile cette interdiction à une mesure permanente… » Il était donc question, ce 31 décembre, de s’engager, pour sortir de cette permanence, à instruire « le Gouvernement et le Parlement de procéder à la modification de cette disposition légale en prévoyant, par exemple, des délais fixant la durée de cette interdiction selon les cas. » La volonté d’ABO est précise, il ne s’agit pas de réhabilitation de l’UN. Mais de ses responsables. La réaction du porte-parole du Front, François Ondo Edou, avant même la tenue du Conseil des ministres qui a adopté le projet d’ordonnance, ne s’est pas fait attendre. Dénonçant, à juste titre, l’anticonstitutionnalité de l’acte de dissolution de l’UN, il a exigé la levée de cette mesure qui n’existe pas dans la loi fondamentale gabonaise. Pour François Ondo Edou, « la solution pour un règlement… [est] la réhabilitation de l’UN ».

Le nœud de l’affaire est donc là. Et on saisit bien qu’en réhabilitant l’UN, le pouvoir aiderait le paquebot AMO à se libérer des amarres qui le retiennent en cale sèche dans les bassins d’ABO, depuis quelques années déjà, et à reprendre sa marche pour la conquête du pouvoir. Et, qui plus est, de manière unitaire, surtout si AMO donne de la voix pour fixer le cap. Mais est-ce là vraiment l’intention de sa petite majesté ? Il est à parier que non. Il lui serait plus avantageux d’organiser, même sans l’annoncer, le démantèlement du vaisseau et de pousser l’équipage de l’UN à sauter par-dessus bord, bardé chacun de ses ambitions personnelles, pour leur lancer des bouées de sauvetage. L’état actuel de cette formation donne à penser qu’ABO et ses fidèles sujets sont convaincus de pouvoir profiter d’une situation où, selon eux, les multiples personnalités de l’UN sont susceptibles d’exacerber leurs individualismes au détriment des nécessités de fédération. Mais si l’option de l’autodestruction ne s’avère pas, il faut bien s’attendre à ce que sa petite majesté s’active pour empêcher tout regroupement autour de l’UN. C’est bien pourquoi, il est difficile d’accréditer les thèses des thuriféraires de « La Griffe » qui, sans sourciller, affirment que « la réhabilitation de l’ex-UN ne pose pas de problème. » Elle ne peut que poser des problèmes à ABO, dans la mesure où peu sauteront officiellement du paquebot AMO remis à l’eau, de peur d’être soupçonnés de vouloir rejoindre le bord…de mer. En revanche, une UN toujours interdite et ses leaders libres à nouveau de « devenir responsables d’une autre formation politique » représentent des conditions qui permettraient désormais aux ambitions internes – et elles existent chez les compagnons de Myboto – libérées de s’affirmer, puis de …s’entrechoquer. Et lorsque l’huître et le héron sont aux prises, le pêcheur en profite.

L’UN et le Front ont tout intérêt à vider ensemble et au plus vite la question de l’unité. La désorganisation de l’UN augmente le risque de dilapider son capital d’adhésion accumulé depuis maintenant 5 ans et sur lequel le Front ne saurait cracher. En revanche, une éventuelle désagrégation du Front, qui rassemble, de Jean Ping à Philibert Andzembe en passant par Benoît Mouity Nzamba, Didjob Divungi Di Ndinge, Pierre-André Kombila Koumba, Fulbert Mayombo, Malolas et autres, aurait pour effet de saboter la crédibilité nationale de l’UN acquise au détriment d’un pouvoir en place dont même la légalité se réduit, chaque jour un peu plus, comme peau de chagrin. Un pouvoir qui a en face de lui tout un peuple. Une opposition qu’il est désormais contraint de cribler de balles, d’emprisonner, de traîner devant les tribunaux, d’intimider et d’assassiner. Des syndicats qui exigent toujours un peu plus. Une jeunesse qui est rentrée en guerre contre lui. Un nombre croissant d’éminentes personnalités de son parti, le PDG, qui, ouvertement et discrètement, ne font que se démarquer de lui soit pour rejoindre le Front, soit pour lui faire un bébé dans le dos. Sans oublier une communauté internationale qui – sauf Madame Akuettey des USA, pardon (sic !!!) –, l’œil en coin, le range progressivement dans l’Acropole politique des vestiges d’un temps révolu. Son dernier séjour à l’UA n’a pas dû être totalement étranger à cette annonce de révision de la loi n°24/96 du 6 juin 96 relative aux partis politiques.

Certains observateurs de la vie politique au Gabon prédisent qu’à « moins de deux ans de l’élection présidentielle » l’opposition, dans l’impasse, selon eux, risque d’être emportée par la bataille de ses égos. C’est en tous cas le souhait légitime des partisans d’ABO. Et ils pourraient le voir se réaliser si la question de l’avenir de l’UN est abordée par ses militants indépendamment de celle du Front ou l’inverse. L’avenir de ces deux structures est consubstantielle de la nécessité de s’entendre sur un projet de société commun, de déterminer qui sont les amis et qui sont les ennemis pour le faire aboutir, de statuer sur l’utilité d’avoir un seul, deux ou plusieurs partis. Ou encore de faire du Front ce seul parti, de régler la question du candidat unique du Front pour l’élection présidentielle prochaine. Paraphrasant Eleanor Roosevelt, sa petite majesté, le 31 décembre 2014, s’est fait philosophe : « Les grands esprits discutent des idées ; les esprits moyens discutent des événements ; les petits esprits discutent des gens ». Si la presse du pouvoir qui ne cesse de pavoiser à la seule idée que le Front va s’empêtrer dans « la bataille des égos » sait au moins où se ranger, les forces de l’opposition, quant à elles, ne doivent pas ignorer qu’elles pourraient être précipitées dans l’urgence de ces débats de fond. A suivre.

Stephen Jean Landry

« Cet amour naturel pour la violation des droits de l’homme chez le procureur de la République traduit l’agitation d’une thuriféraire en disgrâce auprès du roi… »

 

Ouwe P2

Sidonie Flore Ouwé a torturé et ordonné la torture des étudiants arrêtés le 17 décembre 2014 dans l’enceinte du palais de justice de Libreville. Maître Paulette Oyane Ondo a rendu publics ces faits sur sa page Facebook, il y a quelques jours. Le récit est effrayant et disqualifie à jamais cette dame du rôle de premier défenseur des droits de l’homme qui incombe à tout procureur dans un Etat de droit. Il est vrai qu’après avoir fait partie des étudiants qui avaient déshabillé le professeur Daniel Ona Ondo, alors recteur de l’UOB, avec son compère Alain-Claude Bilié by Nzé et l’ancien directeur général de la RTG, David Ella Mintsa, Mme Ouwé avait déjà démontré son inclination pour le non respect de la dignité humaine. Le récit de l’avocat ne pouvait que refléter ce passé peu glorieux du procureur de la République. Ainsi l’avocat écrit: « … messieurs Nicolas Ondo Obame et Duphy Minto’o Ella (…) ont été arrêtés le 17 décembre 2014. Ils ont été conduits dans le bureau de la Procureure de la République qui les a agonis d’injures. Leur a fait pratiquer une fouille au corps et a fait prendre les effets qu’ils avaient sur eux. Pendant qu’un OPJ exécutait cette basse besogne, un téléphone a sonné d’une des poches d’un des étudiants et elle demandé à l’OPJ de casser ce téléphone. Ce qui a été fait : L’OPJ a ainsi posé le téléphone par terre et l’a écrasé avec ses rangers. Ensuite, elle a fait déchausser les deux étudiants et ordonné qu’ils soient menottés, c’est ainsi déchaussés et menottés qu’ils ont été, sous escorte des forces de l’ordre, conduits à la Brigade du Palais de Justice où ils ont été jetés dans une cellule comme un sac de patates. Ils ont été déshabillés, laissés totalement nus et ne portant qu’un slip. Ils étaient assis à même le sol, dans une cellule insalubre et invivable pour tout être humain. A peu près 2 heures plus tard, ils ont été rhabillés, remenottés et conduits à la prison centrale par la Police Judiciaire lourdement armée jusqu’aux dents. Y étant, ils ont été à nouveau déshabillés, mis à genou face contre terre, les mains menottées dans le dos. Ils sont restés dans cette position pendant près de 2 heures.

Palais de justice de libreville

Palais de justice de Libreville

Ensuite, ils ont été conduits au B2 où ils ont été bastonnés tous les jours, et ce, plusieurs fois par jours, subissant des mauvais traitements alternant entre le tabassage, les injures de toutes sortes, les menaces de mort, le rabaissement psychologique, etc. (…) Ils ont vécu ainsi pendant douze jours, du 17 au 29 décembre 2014. Ils étaient nourris d’une boîte de sardine et d’un demi-pain qui était posé à même le sol infesté d’urine et de toute sorte de parasites. Nicolas Ondo Obame, à cause de cette torture a développé une pleurésie. Il n’a cessé de réclamer la visite d’un médecin, mais ces demandes sont restées vaines: il n’a pu voir le médecin que bien plus tard. Monsieur Duphy Minto’o Ella a développé une dysenterie aigue contractée 3 jours après son arrivée au B2, mais n’a été conduit à l’hôpital militaire que le 23 décembre 2014. Il souffre de cette dysenterie jusqu’à ce jour… ». Ce récit, digne du traitement infligé aux Juifs avant de les envoyer dans les chambres à gaz, montre que la place de Mme Ouwé, au regard de toutes ces violations, est plutôt dans un cachot à Gros-Bouquet, en lieu et place de ses victimes. Malheureusement, pour les justiciables gabonais, cet amour naturel pour la violation des droits de l’homme chez le procureur de la République traduit l’agitation d’une thuriféraire en disgrâce auprès du roi, et qui tente le tout pour le tout pour reconquérir son cœur. Mais, cela ne passera pas car, engluée dans l’affaire Mboulou Beka où son excès de zèle l’a amenée à envoyer un sms par erreur à un prêtre, membre de la famille du défunt (lire EDN 269), croyant qu’elle s’adressait à Ali Bongo Ondimba. Et pour avoir demandé à Ali Bongo Ondimba « la tête » du prêtre. Cette révélation sur le recours à la torture par elle-même ainsi que les OPJ qui travaillent sous ses ordres, amènera très vite Ali Bongo Ondimba à la s’en délester. Car, la communauté internationale est plus que outrée. Cette femme, selon un diplomate en poste à Libreville, « va, par son attitude, conduire plus vite le Gabon au chaos redouté de nous tous. Le chef de l’Etat, s’il veut la paix, doit urgemment trouver une solution à cela. En tous cas, nous l’y encourageons fermement ». Traduction: Ali Bongo Ondimba est fermement invité à la virer. Le plus tôt sera le mieux afin d’éviter le chaos tant redouté. Déjà, son ancien compagnon des années UOB, Alain-Claude Bilié by Nzé, dans une conversation téléphonique avec un membre influent de la famille Mboulou Beka, semblait annoncer « la fin de l’ère Ouwé ». Cette chute programmée explique peut-être le redoublement de zèle du procureur. Est-ce déjà peine perdue ?

Par AP